Avec les premiers résultats qui s’annoncent ce mercredi, le président américain, Donald Trump, pourrait perdre sa mainmise sur le Congrès. A ce jour, les républicains disposent d’une majorité confortable à la Chambre des représentants : 236 sièges, contre 193 pour les démocrates. Et au Sénat, les républicains disposent d’une courte majorité de 51 contre 49.
Ainsi, depuis son élection, Trump a échappé au « Checks and Balances », le système de « reins et contrepoids », qui vise à assurer l’équilibre entre le locataire de la Maison Blanche et le Congrès. Tous les sièges de la Chambre des représentants sont remis en jeu ainsi qu’un tiers des sièges du Sénat. La course est pourtant très serrée dans ce scrutin qui sert aussi de référendum pour ou contre le président et ses chances de briguer ou non un second mandat dans deux ans.
Traditionnellement aussi, ces élections législatives sont toujours dominées par les dossiers internes : économie, emploi et santé. Pourtant, Trump, à l’instar de Georges Bush Junior, a réussi avec les grands débats soulevés autour de lui et ses décisions sur le plan international à faire de la politique étrangère un sujet de campagne, même s’il n’était pas toujours explicite.
« Les questions de politique étrangère préoccupent l’électeur américain uniquement s’il y a un lien entre les dangers externes et la situation interne. C’était le cas au lendemain des événements du 11 septembre », explique Noha Abou-Bakr, professeure de sciences politiques à l’Université américaine du Caire.
Selon elle, nous sommes plus ou moins face à une situation similaire. « Bush Junior a utilisé le 11 septembre pour attiser la peur des Américains et faire un lien avec Saddam Hussein, et ainsi justifier la guerre contre l’Iraq. Aujourd’hui, Trump a remplacé l’Iraq par l’Iran. Dans la mentalité de l’Américain ordinaire, l’Iran est le grand Satan et seule la politique de Trump peut le protéger de son danger », explique-t-elle.
Trump s’appuie également en grande partie sur son discours populiste, avec l’idée de « l’Amérique d’abord », pour justifier notamment sa politique économique avec l’étranger. Ainsi il peut compter sur une croissance de 4,1 % et un taux de chômage sous la barre des 4 %.
Le milliardaire a aussi réussi à faire grandir la peur des immigrants illégaux, chez les Américains, qui se sentent aujourd’hui menacés sur les plans sécuritaire et économique par l’afflux de ces personnes aux Etats-Unis.
« Il s'est également appuyé sur la politique étrangère à travers le lobby sioniste et a décidé de transférer l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem », ajoute Abou-Bakr.
L’impact de ce scrutin pourrait ainsi être monumental, car si les démocrates prennent la majorité à la Chambre, des changements de poids pourront se manifester.
Le Congrès peut freiner la politique, jusqu’à présent menée par Trump, sur les retraites et les renégociations des traités internationaux, à l’instar de l’accord de Paris sur le climat. Selon la politologue, « le poids du dossier des droits de l’homme dans le monde pourrait être réactivé. Les aides économiques seront de nouveau conditionnées par les progrès sur les dossiers de libertés ».
Les démocrates pourraient aussi resserrer la politique américaine vis-à-vis de l’Arabie saoudite, non seulement en raison de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, mais à cause de la guerre au Yémen et la détérioration de la situation humanitaire, selon des sources au Congrès citées par Reuters. Les démocrates ont déjà annoncé qu’ils adopteraient un projet de loi visant à bloquer les accords sur les armes livrées à Riyad, et à rendre plus difficile l’approbation par le Congrès d’un accord sur l’énergie nucléaire avec le Royaume.
Le statu quo se maintiendra pourtant sur l’accord du G5+1 avec l’Iran et le transfert de l’ambassade à Jérusalem, selon le chercheur spécialiste des affaires américaines, basé à Washington, Mohamad El-Menshawi.
Les démocrates sont furieux contre le retrait de Trump de l’accord nucléaire avec l’Iran conclu par le président démocrate Barack Obama en 2015, « mais ils n’ont pas la moindre autorité pour changer cette politique tant qu’un président républicain siège à la Maison Blanche », explique-t-il. Les députés sont soucieux dans ce contexte de maintenir des relations étroites avec Israël. C’est une priorité pour les deux parties.
Une victoire des démocrates signifie certes davantage de pressions et de limites à la politique étrangère de Trump, mais les conséquences peuvent être plus profondes, selon les observateurs. Les démocrates pourraient surtout lancer une procédure de destitution contre Donald Trump en poursuivant l’enquête sur les soupçons de collusion entre son équipe de campagne et la Russie lors de la présidentielle de 2016.
Sous le contrôle des démocrates, la Chambre des représentants cherchera à punir la Russie et réclamera des sanctions plus sévères contre Moscou.
Pourtant, Trump s’affiche confiant. Noha Abou-Bakr croit que « les républicains sortiront vainqueurs en dépit de leur division autour de Trump. Ils accorderont une carte blanche à sa politique aussi bien interne qu’externe ».
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