Publié pour la première fois en 1989 par la maison d’édition Dar Al-Hilal, Les 7 piliers de la personnalité égyptienne remporte un grand succès. « La sagesse s’est bâti une maison, qu’elle a élevée sur 7 piliers ». C’est à partir de cette phrase que le penseur Milad Hanna s’est lancé dans une analyse de la personnalité égyptienne. Pour lui, chaque Egyptien porte en soi, comme composantes de son identité, sept dimensions. Quatre dimensions historiques et trois dimensions géographiques. Les dimensions historiques représentent les grandes étapes de l’histoire de l’Egypte, dont chacune a enrichi la personnalité égyptienne. Il s’agit des époques pharaonique, gréco-romaine, copte et enfin musulmane. Selon Hanna, le pilier pharaonique est un pilier culturel commun à tous les Egyptiens qu’ils soient coptes ou musulmans, qu’ils en soient conscients ou non.
Quant à l’ère gréco-romaine qui a suivi l’ère pharaonique, elle est représentée par deux époques courtes et imbriquées l’une dans l’autre, qui sont une phase transitoire séparant l’ère pharaonique de l’ère des religions divines. Bien que courte, cette ère a laissé une empreinte indéniable sur l’histoire et la culture égyptiennes. La Bibliotheca Alexandrina en est la preuve la plus grande. Pendant 8 siècles, celle-ci fut le minaret des sciences, de la pensée, des arts et de la philosophie, qui a accueilli les plus grands savants et théoriciens à l’instar d’Euclide et Archimède.
Vient ensuite l’ère copte qui interfère à son début avec l’ère gréco-romaine et à sa fin avec l’ère musulmane. « La persistance du christianisme copte jusqu’à nos jours lui confère une légitimité. Il est présent et influent dans la composition égyptienne jusqu’à aujourd’hui », écrit Milad Hanna. La dimension copte a laissé une empreinte indéniable sur les Egyptiens qui continuent à utiliser le calendrier copte dans l’agriculture, mais aussi dans leurs proverbes populaires. Selon Hanna, il serait injuste de dire que l’ère copte prend fin avec l’entrée de l’islam en Egypte en 641. Celle-ci se prolonge jusqu’à l’arrivée des Fatimides en 969. Il écrit : « Le règne des Fatimides marque le véritable début de l’ère islamique en Egypte. C’est sous le pouvoir d’Al-Hakem Bi Amr Allah que de nombreux Egyptiens sont passés du christianisme à l’islam et que la langue arabe a remplacé la langue copte ».
L’islam dans sa globalité
Au même titre que l’Egypte a contribué à la formulation de la pensée chrétienne dans le monde, elle a contribué à la jurisprudence musulmane, non seulement parce qu’elle a ouvert ses portes à l’islam durant le premier siècle de l’hégire, mais aussi parce qu’elle a fondé à l’arrivée des Fatimides la première fondation intellectuelle islamique de par le monde, Al-Azhar Al-Charif. L’Egypte se distingue des autres pays islamiques par le fait qu’elle possède un islam différent par ses caractéristiques culturelles singulières dans le quotidien des Egyptiens. Il ne s’agit ni d’un islam sunnite pur ni d’un islam chiite. Al-Azhar a abrité l’islam dans sa totalité sans distinction ni fanatisme.
Quant aux dimensions géographiques, il s’agit de la dimension arabe, de la dimension méditerranéenne et de la dimension africaine. Il faut dire qu’on a beaucoup insisté sur la dimension arabe depuis la Révolution du 23 juillet 1952 durant l’ère nassérienne. Ce n’est pas un hasard si Le Caire abrite le siège de la Ligue arabe. D’ailleurs, la Méditerranée a toujours été un espace de rencontres et de rapports, même si l’intensité de ces rencontres varie selon les époques. Enfin, le Nil, dont l’Egypte dépend entièrement, lie ce pays au coeur de l’Afrique. Des liens qui ont été consolidés par les aides militaires, politiques et financières apportées aux mouvements de libération durant l’ère nassérienne. Selon Hanna, « l’appartenance africaine de l’Egypte est une appartenance pour l’avenir ». Avec une croissance démographique galopante, l’Egypte n’a d’autres alternatives que de s’orienter vers l’Afrique pour créer des offres d’emploi et pour assurer la survie de la civilisation sur ses terres.
Hanna a voulu montrer que ce pluralisme de la personnalité égyptienne n’est pas un facteur de division, mais de richesse et de diversité. Il s’agit pour les Egyptiens de s’affirmer à la fois en tant que coptes et Arabes, héritiers des pharaons, et également en tant qu’Africains et Méditerranéens. Une complémentarité qui donne à la personnalité égyptienne toute sa singularité.
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