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Parlement : La législature de tous les enjeux

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 02 octobre 2018

La quatrième session parlementaire s’est ouverte mardi 2 octobre. Promulguer les lois en suspens, combler le fossé entre le parlement et le citoyen et moderniser les mécanismes de communication entre les pouvoirs exécutif et législatif, la nouvelle législature s’annonce chargée.

Parlement : La législature de tous les enjeux
(Photo : Khaled Mechaal)

Coup d’envoi. Après deux mois de pause, les députés ont regagné les bancs de l’hémicycle, le mardi 2 octobre, pour commencer une nouvelle législature. Il s’agit de la quatrième session parlementaire, avant la finale, et qui devrait durer neuf mois. « La nouvelle session parlementaire s’annonce très chargée. Elle sera la plus productive », estime Salah Hassaballah, porte-parole du parlement. Plus de 197 lois renfermant en tout 2 757 articles, un nombre d’articles sans précédent, ont été approuvées au cours de la troisième session. Les travaux parlementaires reprendront la semaine prochaine, après la fin des élections des commissions parlementaires.

Selon Hassan Salama, professeur de sciences politiques et expert des affaires parlementaires, « la quatrième session parlementaire est celle de tous les enjeux ». Le premier défi à relever, « c’est le temps ». En fait, un grand nombre de lois a été reporté d’une session à une autre soit à cause d’un ordre du jour surchargé, soit en quête d’aboutir à un consensus autour des articles controversés.

« Les députés se trouveront dans une véritable course contre la montre. Le temps disponible est aujourd’hui très restreint, pour délibérer ce grand nombre de lois en suspens, notamment celles prescrites par la Constitution, avec en tête la loi de l’administration locale et celle de la justice transitionnelle. Le temps est compté et ces lois devraient être constitutionnellement promulguées en 2019 ».

Renforcer la confiance du citoyen

Combler le fossé entre le parlement et le citoyen, qui ressent jusqu’à présent que les lois promulguées ne touchent pas directement sa vie quotidienne, est un autre enjeu de taille, comme l’estime Salama. « La nouvelle session devrait oeuvrer à multiplier les outils de communication directe avec les citoyens et ceci en soumettant les projets de lois aux dialogues sociaux et aux sondages d’opinion. Ce qui aura comme conséquence de renforcer la légitimité des lois produites et de renforcer la confiance des citoyens envers le parlement », explique le politologue.

Selon Marguerite Azer, vice-président de la commission des droits de l’homme, et membre de la coalition parlementaire Fi Daem Misr, « L’année du citoyen » est « le slogan phare de cette année parlementaire », avant d’ajouter : « Les trois dernières sessions s’intéressaient plutôt à promulguer les lois visant à paver la route devant les investissements, ou d’amender des lois qui nuisaient à la réforme économique.

La session actuelle témoignera de la promulgation d’un bouquet de lois qui verse directement dans le profit du citoyen ». Outre la loi sur les municipalités, attendue depuis 2011 par le public, pour combattre la corruption et consacrer le principe de décentralisation stimulé par la Constitution, les députés devront se pencher également sur des lois qui ont une grande importance sociale comme l’amendement du code des procédures pénales qui devraient raccourcir le temps de litige devant les tribunaux, et la loi concernant le statut personnel qui date depuis 100 ans.

Pour Alaa Wali, le président de la commission parlementaire du logement, et secrétaire général du parti Mostaqbal Watan, la loi sur la réconciliation en cas d’irrégularité dans les constructions « figure parmi la priorité de l’agenda législatif de cette session ». Environ 20 millions de logements au niveau du pays ont été construits sans autorisation. La loi unifiée sur la construction, autre loi qui revêt une grande importance, puisqu’elle concerne plus de 39 % du bloc résidentiel en Egypte, soit environ 50 millions de personnes directement concernés par cette loi. Réguler la relation entre le locataire et le propriétaire, autre loi reportée d’une session à une autre et qui ne manque pas également d’importance (voir page 3).

Et le contrôle parlementaire ?

Selon Abdallah Moghazi, professeur de droit constitutionnel, pour faire effectivement de cette année parlementaire l’année du citoyen, il ne suffit pas seulement de promulguer des lois, mais l’essentiel est d’activer tous les outils que possède le parlement pour contrôler l’action du gouvernement. Trois sessions de ce parlement sont terminées sans que celui-ci use de son droit d’interrogations parlementaires. « L’Egypte possède déjà un arsenal de lois, l’essentiel est de les appliquer pour protéger le citoyen et d’inciter le gouvernement à accomplir son rôle sur le terrain et à réduire les impacts des réformes économiques sur le citoyen », explique Moghazi.

Autre point de vue, Marguerite pense qu’« il ne faut pas seulement voir la moitié vide du verre. Dès ses premiers jours de travail, le parlement a utilisé avec efficacité tous les outils de contrôle. Il suffit de se rappeler la commission d’enquête parlementaire qui a mené des investigations sur l’affaire de corruption concernant le stockage du blé, en 2016, poussant le ministre de l’Approvisionnement à l’époque, Khaled Hanafi, à quitter son poste ». Selon la députée, l’usage de cet outil dans les phases transitoires devrait être très limité puisque la capacité de l’Etat et ses ressources sont limitées et il faut prendre en considération que « la défaillance dans n’importe quel service est le résultat de longues années de négligence et ne date pas d’hier ».

Le programme du nouveau gouvernement qui a obtenu l’aval du conseil des représentants, le 25 juillet dernier, se trouve aujourd’hui « sous la loupe du parlement », comme l’assure Wali. « On ne renoncera pas à ce que le rapport trimestriel que le gouvernement s’est engagé de présenter au parlement, lors de la séance de vote de confiance, soit délivré en son temps convenu, à savoir fin octobre. Présenter ce rapport est désormais obligatoire. Celui-ci devrait renfermer tous les détails nécessaires : plan d’action, les mécanismes, les réalisations et les causes de l’échec ».

De son côté, le gouvernement a initié un nouveau mécanisme pour développer les moyens de coopération entre les appareils exécutif et législatif pour l’appliquer au cours de cette session. « Moderniser les mécanismes du suivi des travaux de la Chambre des représentants, en utilisant les moyens de communication modernes » figure parmi les nouveautés de la rentrée parlementaire, a déclaré Amr Marawan, ministre des Affaires parlementaires. Une base de données a été mise en place par le ministère qui contribuera à la rapidité et à l’efficacité de suivi des séances du parlement. Celle-ci aura pour objectif de suivre le parcours législatif du projet de loi depuis sa soumission au parlement, en passant par les séances de délibération et les études et jusqu’à sa ratification par le parlement.

Au-delà des législations, comment améliorer le rapport député-électeur est un autre défi de taille pour les parlementaires. « Ce qui rend cette session très importante, c’est qu’elle marque le compte à rebours de l’expiration du mandat parlementaire », dit Salama. Selon le spécialiste, « les députés, qui se préparent pour présenter à nouveau leur candidature, devraient être plus actifs au niveau de leurs circonscriptions et mettre un terme au phénomène de l’absentéisme sous la coupole pour marquer des points auprès de leurs électeurs ».

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