Le chef de la diplomatie, Sameh Choukri, lors de la rencontre avec son homologue tunisien et le ministre
algérien des Affaires maghrébines, pour discuter d’une solution politique pour leur voisin libyen.
Les positions égyptiennes envers les conflits engendrés à la suite de ce qu’on appelle le Printemps arabe se caractérisent par le fait qu’elles suivent une « ligne politique générale ». C’est-à-dire qu’il n’est pas question de décisions dispersées qui peuvent être parfois contradictoires. Cette politique consiste à soutenir les entités nationales des Etats arabes déstabilisés par la menace croissante du terrorisme. Selon la vision égyptienne, le démantèlement des Etats arabes porte en lui les ingrédients d’une ample déstabilisation, accompagnée d’une propagation du terrorisme, en plus d’une ingérence étrangère encore plus poussée. Il en découle nécessairement plus de menaces politiques et sécuritaires pour toute la région et pour l’Egypte qui se trouve au coeur de cette région.
C’est pourquoi la politique égyptienne a adopté une position basée sur la protection et le soutien des entités nationales en Iraq, en Syrie, au Yémen et en Libye, sans pour autant prendre le parti des régimes au pouvoir dans ces pays. La logique de cette politique étant en premier lieu de sauvegarder les entités nationales des Etats arabes, puis réaliser des réformes politiques dont ces régimes auraient besoin. Dans ce cadre, les positions égyptiennes quant aux conflits dans les pays arabes ont varié. Dans le cas des conflits en Syrie et en Iraq, la position égyptienne s’est limitée à l’axe diplomatique. Et dans le cas du Yémen, l’Egypte a participé dans la coalition arabe pour le soutien de la légitimité au Yémen par une force aérienne symbolique en plus d’une force maritime.
Or, la position égyptienne envers le conflit en Libye était la plus forte en adoptant des outils variés. Ce qui a rendu la diplomatie égyptienne envers la Libye la plus effective en comparaison avec les autres cas de conflits. Les raisons sont claires, puisque le conflit libyen est l’unique qui se déroule dans un Etat limitrophe à l’Egypte, donc, tout trouble sécuritaire qui se déroulerait sur les territoires libyens pourrait avoir des répercussions directes sur la sécurité en Egypte. Effectivement, depuis les troubles en Libye, les tentatives de pénétrer les frontières égyptiennes, que ce soit sous forme d’infiltration de terroristes pour effectuer des opérations terroristes à l’intérieur des territoires égyptiens, ou de la contrebande d’armes pour les utiliser dans ces opérations. Par ailleurs, la présence de milliers de travailleurs égyptiens en Libye est un enjeu majeur, et la sauvegarde de leur sécurité constituait un grand souci pour la politique égyptienne, surtout qu’ils étaient visés par les organisations terroristes et que des travailleurs égyptiens ont effectivement été massacrés avec barbarie.
Il n’est donc pas étrange que l’unique conflit dans lequel la politique égyptienne a eu recours à l’outil militaire soit le conflit se déroulant en Libye. On remarque aussi que la participation égyptienne à la coalition arabe pour le soutien de la légitimité au Yémen était indirecte et aussi symbolique. Et ce, contrairement aux opérations militaires fortes et directes accomplies par les forces aériennes égyptiennes contre les bases des terroristes en Libye.
Donc, la politique égyptienne envers le conflit en Libye peut être résumée en deux éléments, l’un militaire et l’autre diplomatique. Le premier élément consiste à soutenir l’armée nationale libyenne dirigée par Khalifa Haftar. Et ce, partant du principe que l’armée est la plus capable de construire l’Etat libyen. Ce soutien égyptien consiste à offrir des services sous forme de formation et de consultation technique. Et ce, en plus des opérations aériennes contre les foyers des terroristes en Libye et qui ont certainement renforcé la position de l’armée face à ces ennemis. Ajoutons à cela des efforts assidus visant à unifier l’institution militaire libyenne et des efforts diplomatiques visant à lever le blocus international qui interdit de fournir les armes à l’armée libyenne nationale. Et bien que les fruits de cette politique ne soient pas encore clairs, il est évident qu’ils ont réussi à faire de l’armée libyenne et de son dirigeant un facteur effectif dans les tentatives internationales de régler le conflit, alors qu’auparavant, certains cercles internationaux observaient cette politique égyptienne avec beaucoup de restrictions, voire un refus clair.
Quant à l’élément diplomatique, il est basé sur la participation aux efforts internationaux visant à parvenir au règlement du conflit, comme l’acceptation par l’Egypte de l’accord d’Al-Skhirat, tout en gardant certaines restrictions envers certaines de ses clauses et qu’elle tente de corriger. De plus, la diplomatie égyptienne s’est activée dans le cercle des pays du voisinage, en particulier l’Algérie et la Tunisie, afin de coordonner les positions avec ces Etats. Même si la mission n’est pas facile à cause de la complication des circonstances tribales libyennes et l’animosité qui existe entre l’Egypte et le courant de l’islam politique en Libye, en plus des ingérences étrangères arabes, régionales et internationales qui sont dans certains cas en coalition avec ce courant. Cependant, on peut dire que la politique égyptienne envers le conflit en Libye est la plus réussie, puisque le dirigeant de l’armée libyenne est devenu la force numéro 1 dans le conflit et ses ennemis s’affaiblissent. Ce que les affrontements récents entre milices de Tripoli a bien révélé. Reste à dire que le chemin est encore long pour toutes les parties qui actent pour réinstaurer la stabilité de l’Etat libyen
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