Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, lors de la réunion du « Small Group » à Bruxelles, le 11 juillet. (Photo : AFP)
«
Un accord de cessez-le-feu dans la région côtière de la Syrie, signé au Caire sous le parrainage des services de renseignements égyptiens » … «
L’Egypte participe, pour la première fois, à la réunion du Small Group
international sur la Syrie à Bruxelles » … «
L’ambassade égyptienne en Syrie a réussi à libérer des détenus égyptiens dans la Ghouta orientale ». Autant de nouvelles qui se sont succédé ces derniers jours, avec un rythme de plus en plus rapide, indiquant que l’Egypte s’active avec intensité en vue d’une réconciliation inter-syrienne sur plusieurs niveaux : sécuritaire, diplomatique et humanitaire. Pour l’ambassadeur Hassan Rakha, membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, l’influence diplomatique de l’Egypte est aujourd’hui grandissante sur la scène syrienne. «
On peut dire que l’Egypte est entrée pratiquement dans le processus du règlement de la crise syrienne ». Autrement dit, selon le diplomate, la vision égyptienne pour le règlement, basée essentiellement sur le principe de conserver l’unité territoriale et l’identité arabe de la Syrie, n’est plus seulement «
une position politique » qui jouit d’un large consensus local et international, mais aussi elle commence à prendre «
une forme exécutive » sur le terrain : libérer les détenus, aider au retour des réfugiés, sceller des accords de cessez-le-feu ou des zones de désescalade. «
La médiation égyptienne en Syrie devient de plus en plus incontournable », ajoute-t-il.
Faire taire les armes
Une fois encore, la diplomatie égyptienne a joué un rôle déterminant pour le retour au calme dans des villes syriennes. Le 15 juillet dernier, un certain nombre de factions armées dans la région de la « côte syrienne » ont signé un accord de cessez-le-feu au Caire sous le parrainage des services de renseignements égyptiens, avec « une garantie russe », et par l’intermédiaire du chef de l’opposition syrienne, Ahmed El Jarba, et du dirigeant du mouvement Souriya Al-Ghad. L’accord stipule la formation des forces de sécurité conjointes, la libération des détenus et le retour des réfugiés et des déplacés à leurs résidences. Au Caire aussi, les factions armées à Homs, dont Gueich Al-Tawhid, ont également signé un accord qui leur permettra de rejoindre les forces de police locale. La mission de ces forces consistera à sécuriser la zone, à surveiller la route internationale et à lutter contre le terrorisme. Selon Mona Soliman, chercheuse dans les affaires régionales à Al-Ahram, « cet accord est un grand succès pour les services de renseignements égyptiens puisque, d’une part, ces appareils ont réussi à contenir des groupes de l’opposition syrienne armée en les convainquant de rejoindre le dialogue politique. Et d’une autre part, cet accord confirme l’efficacité des appareils sécuritaires égyptiens, non seulement sur le plan interne, mais aussi aux niveaux arabe et régional ». L’analyste ajoute qu’« au cours des deux dernières années, les renseignements égyptiens étaient présents avec force sur la scène syrienne, et enchaînent les succès ».
En fait, cet accord n’est pas le premier. 3 autres accords de trêve entre les factions armées de l’opposition syrienne et le régime syrien ont été signés en moins d’un an sous les auspices du Caire. La première trêve a été signée au Caire le 22 juillet pour la mise en place d’une zone de désescalade dans la Ghouta orientale. Le 3 août, l’Egypte a parrainé une autre trêve concernant la création d’une autre zone de désescalade dans la banlieue nord de la province syrienne de Homs. Deux mois après, en octobre 2017, des factions armées de l’opposition, dont l’Armée de l’islam, l’Armée Ababil et Aknaf de Jérusalem, ont signé une nouvelle trêve négociée par l’Egypte et avec une garantie russe, dans le sud de Damas.
Le régime syrien contrôle 61 % des territoires du pays.
En fait, selon la chercheuse, ces accords interviennent au moment où le régime syrien contrôle la plus grande partie des territoires syriens et enchaîne les conquêtes des grandes villes. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les forces loyalistes contrôlent désormais 61 % du territoire du pays et 72 % de la population. 90 % de la ville de Deraa, la province méridionale où les premières manifestations contre le régime avaient éclaté en 2011, sont désormais sous le contrôle du régime syrien. L’armée syrienne poursuit son avancée ces jours-ci dans la province de Qouneitra, limitrophe du plateau du Golan occupé par Israël depuis 1967. Ce qui a imposé une nouveauté : selon le politologue Hassan Salama, ces trêves ont plus de chances de se maintenir qu’auparavant, puisque l’équation militaire sur le terrain a changé, notamment après la sortie de Daech des territoires syriens, ce qui était un élément « déstabilisateur » des trêves conclues. Selon des estimations, Daech contrôle aujourd’hui seuls 4 % des territoires syriens, contre 33 % l’année dernière.
Et participer aux négociations
Mais comment l’Egypte a-t-elle réussi à assumer avec succès son rôle de médiateur entre opposition et régime dans la crise syrienne, où les ingérences des forces régionales et internationales interfèrent et se croisent ? La clé de la réussite de ces médiations, comme l’a déclaré Ahmed El Jarba, un poids lourd de l’opposition syrienne, « c’est l’impartialité de l’Egypte envers chacune des parties en conflit et sa non-implication avec aucun front ni groupe armé ». Cet aspect de « médiateur d’un statut unique », comme l’explique Salama, a été aussi l’une des raisons qui placent aujourd’hui l’Egypte autour de la table des négociations internationales qui discutent l’avenir de la Syrie, et où une voix arabe « neutre » fait défaut.
L’Egypte a été invitée, le 11 juin dernier, à participer pour la première fois à la réunion du Small Group international, à Bruxelles. La participation de l’Egypte à ce groupe réunissant la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite et la Jordanie révèle beaucoup d’indices importants. Ahmad Abou-Zeid, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a déclaré que « l’invitation de l’Egypte pour participer aux travaux de ce groupe est considérée comme une reconnaissance internationale de l’importance du rôle égyptien dans le soutien du règlement politique en Syrie, puisque l’Egypte est la seule partie qui possède des canaux de communication ouverts et continuels avec tous les protagonistes de la crise syrienne. A ceci s’ajoutent ses efforts en vue d’unir les factions de l’opposition syrienne et de reprendre les négociations politiques de Genève pour résoudre le conflit syrien, conformément à la résolution 2 254 du Conseil de sécurité ».
Selon Rakha, aux yeux de la communauté internationale, l’Egypte est aujourd’hui la clé de la solution pour beaucoup de problèmes du Moyen-Orient. « La participation de l’Egypte au Small Group est un grand indice que l’Egypte deviendra un acteur du premier plan dans les négociations du règlement définitif de la crise syrienne, et bien plus, elle pourra jouer un rôle très éminent soit au cours de la période transitoire, ou de la période de la reconstruction de la Syrie ». Bref, l’invitation de l’Egypte à cette réunion montre évidemment qu’il y a une tendance internationale vers un règlement politique de la crise syrienne. Et que « la vision égyptienne est sortie victorieuse et a tellement prouvé sa crédibilité, alors que toutes les autres options qui étaient posées sur la table ont prouvé leur grand échec », conclut Mona Soliman.
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