(Photo : Ahmad Abdel-Karim)
Al-Ahram Hebdo : Dans quel but a été créée l’Association du Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez (ASFLCS) ?
Arnaud Ramière de Fortanier : C’est en 1977 que Jacques Georges-Picot, le dernier directeur général de la Compagnie universelle du Canal maritime de Suez, a trouvé une nécessité de créer un organisme qui recevrait les archives de la Compagnie universelle dont le siège était en France (il y avait un siège de la compagnie à Paris et un autre à Ismaïliya). Ces collections d’un intérêt exceptionnel, consacrées à la mémoire et à l’histoire du Canal de Suez, sont mises sur des étagères longues de deux kilomètres, en plus de 2 000 objets d’art entre peintures, dessins, maquettes, bustes, etc., un musée et une bibliothèque spécialisée importante. Cet ensemble documentaire a été inscrit en 1997 sur le registre de la Mémoire du Monde de l’Unesco afin de le rendre accessible aux Egyptiens, aux chercheurs universitaires, aussi bien qu’au grand public. En plus de ces collections on possède aussi un dépôt moral qu’on doit conserver puisque la mission essentielle de l’association c’est de faire revivre le souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez et encore de développer la vision positive de la coopération entre les deux pays en participant à des événements culturels sur ce sujet.
— Que représente pour vous le creusement du Canal de Suez ?
— Je suis un archiviste, c’està- dire un historien qui s’intéresse au patrimoine, et à mon avis, le creusement du Canal de Suez qui était, à l’époque, un événement incroyable ayant frappé les imaginations est la prolongation du génie des Egyptiens qui ont construit les pyramides et les tombes. Le fait de creuser 180 km dans le désert avec des outils modestes, pendant ce temps-là, était comme aller dans la lune. En tout cas, ce canal, qui est un don de l’Egypte au monde, consiste en une révolution mondiale puisqu’autrefois la Méditerranée était un lac fermé et tout d’un coup, elle s’est ouverte sur l’Orient, le canal a fait marier l’Orient et l’Occident comme on disait.
— Mais le canal, c’est aussi la crise de 1956 et c’est à cause de son importance mondiale que les Français n’ont pas apprécié l’idée de sa nationalisation ...
— A l’époque, peut-être que les gens n’avaient pas bien compris, mais pas moi. Comme je suis de Marseille et pour nous les Méditerranéens, l’honneur est très important, la nationalisation du canal pour moi et ma génération n’a pas du tout causé de problème, surtout que l’ancien président de la France, le général Charles de Gaulle, pendant les années 1960, a fait la même chose quand il a nationalisé la compagnie aérienne française Airfrance, le gaz et l’électricité et d’ici on peut voir des événements historiques communs entre les deux pays. Encore plus, je veux signaler que les Français sont toujours passionnés de l’Egypte, non seulement Le Caire, Alexandrie et les pharaons, mais encore la ville de Suez, la ville du canal.
—Voulez-vous dire que l’existence du Canal de Suez a aidé à créer des relations égyptofrançaises d’un genre spécial ?
— Bien sûr, le canal a créé un lien historique commun entre les deux pays, puisque nous fêtons ensemble aujourd’hui les 150 ans de son creusement, un festival groupant les deux pays et qui a commencé en France à l’Institut du Monde Arabe (IMA) ; et au mois d’octobre, les festivités seront à Marseille, ensuite en Egypte. A ajouter que la France cherchait toujours à faire des liens d’amitié entre les deux pays à travers le Canal de Suez, et cela était clair lorsqu’en 2006 l’ASFLCS a fait un don à l’Egypte de 2 millions de documents relatifs au Canal de Suez. L’association a de même créé en 2008, en collaboration avec la Bibliotheca Alexandrina, un programme de numérisation des archives de l’association afin que celles-ci soient présentées et accessibles en Egypte.
— Comment voyez-vous le Nouveau Canal de Suez, et à votre avis, est-ce que l’Egypte avait vraiment besoin de cette nouvelle voie de passage ?
— En 2015, lors de l’inauguration du Nouveau Canal, j’ai accompagné l’ex-président François Hollande en Egypte car la France était l’invitée d’honneur. J’ai visité le Nouveau Canal et la nouvelle zone industrielle et je vois bien les évolutions. Le Nouveau Canal, aujourd’hui, n’est plus une voie de passage, mais c’est une zone de villes nouvelles que l’Egypte, avec ses 100 millions d’habitants, avait sans doute besoin. Les nouvelles habitations, les constructions, les tunnels et les usines transforment l’Egypte comme c’était le cas pour les Emirats arabes unis. En plus et avant de terminer, je dois citer qu’en Egypte, il y a deux choses qui marchent bien la Bibliotheca Alexandrina et le Canal de Suez.
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