Réunion de l’Opep le 22 juin à Vienne.
(Photo : AP)
Par Magdi Sobhi*
Peu avant la réunion de l’Opep tenue le 22 juin, un front semblait se former comprenant l’Iran, l’Iraq, le Venezuela et l’Algérie. Ce front refusait toute hausse, même minime, de la production, de peur qu’elle n’entraîne la chute des cours. D’ailleurs, certains pays comme l’Iran trouvaient que la remontée des cours était une conséquence du retrait américain de l’accord nucléaire, et qu’il ne fallait pas que l’Opep cède à la volonté du président américain de baisser les prix. Certains de ces pays souffrent d’un contexte politique et économique difficile ne leur permettant pas de profiter de la hausse de la production. Selon les prévisions, la production de l’Iran pourrait baisser après l’entrée en vigueur des sanctions américaines, le 4 novembre prochain. Quant au Venezuela, il souffre d’une baisse de ses capacités productives. Le pays produit actuellement un demi-million de barils de moins que son quota, alors que l’Algérie a atteint sa capacité maximale de production et il sera difficile de l’augmenter dans un avenir proche. Parmi les membres de ce front, seul l’Iraq possède une capacité productive qui lui permet de profiter d’une éventuelle hausse de la production. Pour ces pays, d’autres facteurs sont à craindre, qui pourraient causer la baisse des cours pendant les quelques mois à venir.
A commencer par les guerres commerciales qui sont en train de se profiler entre les Etats- Unis d’un côté, et l’Union Européenne (UE), le Canada, le Mexique et la Chine de l’autre. Ces guerres pourraient entraîner un recul des échanges internationaux, et donc une baisse de la croissance et de la demande sur le pétrole. La production américaine massive de pétrole de schiste est un autre facteur important. En fait, la production américaine de pétrole s’élève à 10,9 millions de barils/jour. Mais d’autres facteurs poussent vers un relèvement du seuil de la production. La hausse des cours de pétrole a incité les principaux pays importateurs de brut, en particulier les Etats- Unis, la Chine et l’Inde, à faire pression sur les pays exportateurs pour qu’ils augmentent leur production de façon tangible. L’accord de l’Opep de 2017 prévoyait une baisse de la production à hauteur de 1,8 million de barils/ jour. Mais à cause des problèmes politiques et économiques dont témoignent certains pays de l’organisation comme la Libye, le Nigeria, l’Angola et le Venezuela, le niveau d’engagement à cette baisse a atteint 150 %. Il était prévu que la baisse soit de 1,8 million de barils/jour, mais celle-ci se chiffre désormais à 2,8 millions de barils/jour. Cet écart entre la baisse prévue et la baisse effective a été le vrai catalyseur de l’accord de Vienne.
Cela a poussé l’Iran à abandonner partiellement sa farouche opposition à la hausse de la production. Cependant, l’accord sous sa formule actuelle est sujet à différentes interprétations. Par exemple, l’Iran estime qu’il vise à augmenter la production sans qu’aucun pays compense le manque de production chez les autres. Car pratiquement un Etat comme le Venezuela ne peut pas augmenter sa production. Même chose pour l’Angola. Il faut également prendre en considération les turbulences que connaît la Libye et qui ont causé une baisse de la production d’environ 450 000 barils par jour. C’est pour cela que l’Iran estime que la hausse réelle sera de 450 000 barils et non pas d’un million de barils. Pour l’Arabie saoudite et la Russie, l’interprétation est contraire, c’est-àdire que tout pays peut couvrir la déficience d’un autre. En fait, l’Arabie saoudite possède la plus grande capacité productive parmi les membres de l’accord de l’Opep, qui s’élève à plus de 2 millions de barils/jour. En Russie cette capacité est de 250 000 barils/jour, et en Iraq et aux Emirats arabes unis, elle est de 330 000 barils, de 220 000 barils au Koweït et un peu moins au Qatar. Ces derniers profiteront, certes, le plus du relèvement du seuil de la production. Or, il faut prendre en considération que les pays les plus enthousiastes pour augmenter la production, comme l’Arabie saoudite et la Russie, ne veulent pas qu’une baisse rapide des cours ait lieu. Certains experts estiment que le niveau de production n’augmentera pas d’un million de barils/jour, mais plutôt de 700 000 à 800 000 barils/jour. Et ce niveau sera révisé lors de la réunion du comité de suivi de la production en septembre prochain. Une autre révision aura aussi lieu après la mise en vigueur des sanctions américaines sur l’Iran en novembre prochain.
*Expert économique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al- Ahram
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