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Le retour de l’imam populiste

Ghada Ismail , Ghada Ismail , Ghada Ismail , Mardi, 22 mai 2018

Arrivé en tête des législatives avec son alliance inédite avec les communistes, Moqtada Al-Sadr devient aujourd’hui le héraut de l’anticorruption en Iraq.

Le retour de l’imam populiste

Coiffé d’un turban noir, visage rond et barbe fine, Moqtada Al-Sadr est bien l’homme fort des législatives iraqiennes. Né en 1973 à Koufa, ville religieuse chiite au sud de Bagdad, Moqtada est le fils de Mohamad Sadeq Al-Sadr, héraut d’un chiisme militant que le régime de Saddam a fait assassiner en 1999, à cause de son combat en faveur de la communauté chiite dans les quartiers populaires de Bagdad et du sud du pays. Celui-ci est considéré comme le premier martyr chiite de l’ère Saddam. A l’époque, son assassinat a déclenché de grandes manifestations. Moqtada Al-Sadr, âgé alors de 6 ans, est pris en charge par son oncle, autre célébrité chiite, le grand ayatol­lah Mohamad Baqer Al-Sadr, qui était un penseur chiite très renommé. Avec cette lignée religieuse, Moqtada n’avait besoin ni de diplômes ni de charisme pour entamer son parcours politique. Il a créé en 2003 l’Armée du Mahdi, qui devient rapidement la plus puissante des milices ira­qiennes avec 60 000 combattants. Celle-ci a été la première faction chiite à engager la lutte contre l’armée d’occupation américaine, de 2006 à 2008. A l’époque, Al-Sadr est pointé du doigt par les Américains d’être la plus grave menace à la stabilité de l’Iraq.

Lutte contre la corruption

L’image d’Al-Sadr passe alors du charismatique chef religieux à un symbole du populisme en lançant une campagne pour lutter contre la cor­ruption et le sectarisme s’emparant du pays depuis 2005. En 2015, il s’allie aux communistes, tradi­tionnels représentants des classes populaires au XXe siècle jusqu’à ce qu’ils soient marginalisés sous le régime baassiste, avec qui il partage le mépris de l’interventionnisme iranien. Ensemble, avec d’autres formations sunnites, ils mènent la lutte contre la corruption. En mai 2016, il réussit à mobiliser alors des centaines de milliers de par­tisans, notamment à Bagdad, et lance un assaut inédit, contre la « Zone verte », siège du gouver­nement, du parlement et de l’ambassade améri­caine, réputée imprenable, pour manifester contre la corruption et le clientélisme. Al-Sadr, qui a visité en septembre 2017 l’Arabie saoudite et les Emirats, ne cache pas sa volonté de rompre avec les influences iranienne et américaine. Il assure que les relations fortes avec l’Egypte et l’Arabie saoudite « sont une chose très importante pour faire un équilibre politique en Iraq ». Aux législa­tives de 2018, son alliance, « La Marche pour la réforme », est arrivée en tête avec 1,3 million de voix, dans un scrutin où l’abstention a été particu­lièrement élevée. Selon beaucoup d’analystes, c’est son programme contre les tutelles améri­caine et iranienne et la corruption qui a permis d’infliger un revers cuisant aux deux favoris des élections : le premier ministre sortant, Haider Al-Abadi, et le vice-président Nouri Al-Maliki, également chiite et réputé proche de l’Iran.

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