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Le parlement éthiopien a envoyé un projet de loi de l’accord-cadre d’Entebbe au comité des ressources hydrauliques du pays pour ratification », a titré le journal
Ethiopian Herald, le 14 mai dernier. Par cette démarche, un autre front de confrontation s’ouvre entre Addis-Abeba et Le Caire à propos du bassin du Nil.
Cet accord, qui remet en question le quota de l’Egypte sur les eaux du fleuve, est toujours jugé « non légitime » par l’Egypte. L’histoire de cet accord remonte au 19 mai 2010, lorsque 5 pays sur les dix du bassin du Nil contestent la domination de l’Egypte et du Soudan sur quelque 87 % du débit du fleuve. Ils décident alors de signer entre eux un accord-cadre de coopération « pour un partage plus équitable des eaux ».
C’est à Entebbe, en Ouganda, que l’Ethiopie, le Kenya, le Rwanda et la Tanzanie se sont regroupés pour parapher le traité, en l’absence du Burundi et du Congo démocratique, en plus du boycott de l’Egypte et du Soudan, farouchement opposés à cette remise en question du partage des eaux.
Un délai d’un an est fixé « aux pays ayant rejeté l’Accord pour préciser leur position ». Le Burundi ne tarde pas à rejoindre le groupe en mars 2011, faisant pencher un peu plus la balance du côté des pays en amont.
La récente déclaration du Soudan du Sud d’adhérer au traité complique davantage la position du Caire et de Khartoum qui revendiquent toujours « leur part historique des eaux du Nil ».
Ces derniers s’accrochent toujours aux traités conclus en 1929 par le colonisateur britannique et en 1959 sous Nasser, traités qui fixent les quotas à 55,5 milliards de m3 pour l’Egypte et 22 milliards pour le Soudan. Ces mêmes traités accordent aussi à l’Egypte un droit de veto sur tout projet sur le fleuve qu’elle jugerait préjudiciable à ses intérêts.
Gérer l’ensemble des 6 700 km du fleuve
Une fois l’accord d'Entebbe entré en vigueur, « une Commission permanente du bassin du fleuve » basée à Addis-Abeba sera chargée de gérer les ressources en eau du fleuve, sur la totalité des 6 700 km du Nil, au nom de tous les Etats riverains du fleuve.
En fait, le texte de cet accord fut négocié durant une dizaine d’années. Trois points de litiges opposent les pays en amont et ceux en aval. Le texte ne précise explicitement ni les quotas d’eau de l’Egypte et du Soudan, ni le respect du droit de veto de l’Egypte. Il annule aussi les traités de 1929 et de 1959 et ne stipule pas de « notification préalable » à tout projet sur le fleuve, une condition importante pour les pays en aval.
Dernière objection : le mécanisme de vote. Les pays en amont s’accordent sur un système à la majorité, sans égard pour la situation géographique des pays.
Le régime de Mohamad Morsi a dit vouloir s’asseoir de nouveau autour de la table des négociations. Mais pour le politologue Hani Raslane, l’Egypte doit tenir sa position et ne pas signer l’accord sans que les points de discorde ne soient réglés.
« D’un côté, la signature de cet accord ferait perdre à l’Egypte son statut juridique issu de conventions antérieures et réduirait de son quota historique. De l’autre, la signature serait un prélude à d’autres concessions, comme les questions autour de la vente de l’eau, de son échange ou de son transfert hors du bassin. Derrière cet accord, des acteurs hors de la région, avec en tête Israël, se réjouissent vivement », conclut Raslane .
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