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Mohamad Saïd Al-Rezz : Le nouveau parlement devra rapidement trouver ses repères

Ola Hamdi, Jeudi, 03 mai 2018

Mohamad Saïd Al-Rezz, écrivain et analyste politique libanais, revient sur les élections législatives libanaises, la nouvelle carte des alliances électorales et l’influence des puissances régionales sur le processus électoral.

Mohamad Saïd Al-Rezz

Al-Ahram Hebdo : Le 6 mai, les électeurs libanais sont appelés à élire un nouveau parlement pour la première fois depuis 9 ans via un nouveau mode de scrutin. Pensez-vous que cette nouvelle loi électorale puisse changer l’équilibre des forces politiques au sein du nouveau parlement ?

Mohamad Saïd Al-Rezz : Il faut signaler tout d’abord que cette loi électorale ne répond pas efficacement aux aspirations de la société libanaise, qui a tant réclamé la mise en place d’un mode de scrutin basé sur le système proportionnel « intégral » et la garantie d’un contrôle judiciaire des élections. Selon le nouveau mode de scrutin, le processus électoral se divise en deux phases : celle de la lutte pour l’obtention du coefficient électoral et celle du vote préférentiel. Ce dernier risque alors de faire perdre tous les avantages du système proportionnel. D’une façon générale, les législatives au Liban seront favorables uniquement aux riches et à ceux qui possèdent des plateformes médiatiques ayant des affiliations confessionnelles. Cette loi va consacrer davantage le confessionnalisme au Liban.

— Quel regard portez-vous sur les campagnes électorales menées par les principales forces politiques au Liban ?

— Chaque courant tente d’utiliser dans ses discours des termes emblématiques pour attirer un plus grand électorat. Tout d’abord, la victoire du Courant du Futur, présidé par le premier ministre Saad Al-Hariri, le chef sunnite, n’est pas certaine, bien que ce bloc possède des candidats dans tout le Liban. C’est la première fois qu’on entend Hariri parler de l’arabisme du Liban comme une tentative de faire face aux plans iraniens de déformer l’identité arabe du pays. Quant au Mouvement patriotique libre, dirigé par le président Michel Aoun, considéré comme l’un des concurrents les plus forts, il concentre son discours sur les droits des chrétiens et sur la manière de renforcer leur participation à l’équation nationale libanaise. Il y a aussi le bloc de Nabih Berri, chef du parlement sortant et allié du Hezbollah, qui se présente comme le courant de la résistance contre Israël. En fait, le Hezbollah et le mouvement Amal possèdent un grand nombre de partisans, notamment dans les régions du Sud, de la Bekaa et même au Nord du Liban. Ce sont les trois grands blocs qui contrôlent actuellement la scène électorale. Sans oublier un quatrième bloc, celui du chef du Parti Socialiste Progressiste (PSP) libanais, Walid Joumblatt, qui se trouve à la tête de la communauté druze libanaise et qui possède un grand nombre de partisans, notamment dans son fief, Mokhtara, dans la montagne libanaise.

— Certaines prévisions disent que le Hezbollah a plus de chances dans ce scrutin que lors des législatives précédentes et que les chances du camp de Saad Hariri sont minimes. Qu’en pensez-vous ?

— Il est clair que le Hezbollah et le mouvement Amal cherchent à rafler le plus grand nombre de sièges parlementaires. Une victoire du Hezbollah consolidera certainement sa montée en puissance dans la région. Quant au Courant du Futur de Saad Hariri, la méfiance est de mise. Il faut rappeler que la démission choc de Hariri, annoncée depuis l’Arabie saoudite, a causé des dissensions au sein de son parti et lui a fait perdre beaucoup d’alliés. La rupture d’alliance entre le Courant du Futur et Samir Geagea, chef des Forces libanaises, pourrait également influencer négativement la représentation du bloc Hariri sous la coupole, ce qui nous pousse à croire qu’il obtiendra des résultats faibles.

— Comment la situation régionale, surtout en Syrie, affecte-t-elle le paysage électoral libanais ?

— En fait, il y a des forces régionales qui suivent de près et avec inquiétude les résultats de ces élections, comme Israël et l’Arabie saoudite, qui ne veulent pas que le Hezbollah, allié de l’Iran, renforce sa présence au Liban. L’Iran, de son côté, cherche de toutes ses forces — que ce soit au Liban ou en Iraq — à apporter un grand soutien aux listes chiites.

— Quels sont les possibles scénarios post-électoraux ?

— On s’attend à un parlement assez tendu, vu la diversité des affiliations et des alliances, ce qui ne servira certainement pas l’intérêt national. Le nouveau parlement devra rapidement trouver ses repères. Les jeunes, qui représentent la majeure partie de la population, mais aussi de nombreux Libanais en général, qui craignent pour leur avenir et le sort de leurs enfants, sont déçus du bilan négatif de la dernière législature et ne s’attendent pas à un véritable changement sur la scène politique pour les quatre ans à venir. Cependant, on peut espérer qu’un grand nombre de députés indépendants seront élus. Ces derniers sont en mesure d’améliorer la performance du parlement.

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