«
Il serait préférable que tous les Egyptiens participent aux élections et un tiers dise non, que la moitié d’entre eux participe aux élections et dise oui. La participation massive aux élections est dans l’intérêt national de l’Egypte, et non dans l’intérêt d’une personne en particulier », a déclaré le président Abdel-Fattah Al-Sissi lors d’une cérémonie organisée pour célébrer la Journée des martyrs, tenue à quelques heures du coup d’envoi de la première phase de l’élection présidentielle, le 16 mars, consacrée au vote des Egyptiens résidant à l’étranger. Ces élections, tenues dix jours avant les élections en Egypte, prévues lundi 26 mars, se sont déroulées en trois jours dans 124 pays, à travers 139 représentations diplomatiques. Les électeurs se sont rendus aux urnes pour choisir entre deux candidats, le président sortant, Abdel-Fattah Al-Sissi, qui se présente pour un second mandat de 4 ans, et le président du parti libéral d’Al-Ghad, Moussa Moustapha Moussa. «
Participez en masse », un appel qui n’est pas resté sans écho. Des pays du Golfe à l’Europe en passant par les continents américain et noir, la grande majorité des ambassades et des consulats ont témoigné «
d’une très forte affluence » des électeurs aux bureaux de vote, le tout dans une ambiance festive. Des files d’attente, des chansons patriotiques, d’immenses drapeaux, de la danse, des selfies, les images retransmises sur les écrans de télévision ont été presque les mêmes dans les quatre coins du monde. «
Khaled Maghrabi, le tank », «
Ahmad Mansi, la légende », «
Chabrawy et Hassanein », ces noms qui reviennent dans le refrain de la nouvelle chanson dédiée aux martyrs des troupes spéciales égyptiennes se font entendre avec force. «
Le scrutin s’est déroulé sans accrocs. Le vote des Egyptiens à l’étranger a connu une participation remarquable », peut-on lire dans un communiqué publié par l’Organisme national des élections à l’issue de ce scrutin. «
Les résultats définitifs seront annoncés après les élections internes des 26, 27 et 28 mars », précise le communiqué. Il est en fait difficile de publier aujourd’hui le taux de participation exact, «
puisqu’il n’y a pas de bases d’informations indépendantes concernant cette catégorie d’Egyptiens », affirme Hamdi Loza, adjoint du ministre des Affaires étrangères et responsable de la présidentielle à l’étranger. «
Ces électeurs font partie de la base de données principale qui réunit tous les Egyptiens ayant le droit de vote à l’intérieur du pays comme à l’étranger », ajoute-t-il.
Mais au-delà des chiffres, le paysage en lui-même était « inédit ». C’est ce qu’explique Rami Mohsen, directeur du Centre national des recherches et des consultations parlementaires. « Le taux de participation est l’enjeu-clé du scrutin », dit Mohsen, avant d’ajouter que « le paysage de ces longues files d’attente devant les consulats et les ambassades a vite dissipé ce climat de crainte d’une faible participation, et ceci pour plusieurs raisons ». Pour Mohsen, cette crainte provenait surtout du bloc électoral le plus large qui soutient le président Sissi. Tellement rassurés de la victoire écrasante de leur candidat, beaucoup d’entre eux pouvaient décider de ne pas se rendre dans les bureaux de vote le jour du scrutin. L’élan même de ces élections a relativement diminué par rapport à la présidentielle de 2014. A l’époque, les électeurs, mobilisés contre le terrorisme des Frères musulmans, se précipitaient vers les urnes en grand nombre.
Un message fort
De longues files d'attente devant les bureaux de vote à l'étranger.
Mais comment expliquer cette affluence d’électeurs devant les bureaux de vote à l’étranger ? Selon Karim Abdel-Razeq, professeur de sciences politiques et spécialiste des systèmes politiques, « le moteur de ces expatriés, cette fois-ci, en se dirigeant en masse vers les urnes, n’était pas seulement de soutenir le président, mais aussi d’opter pour la stabilité. Et la stabilité de l’Etat ne se renforce que par une légitimité populaire très forte. C’est le message qui a été bien transmis à l’étranger et a été traduit par une large participation ». Le spécialiste pense que la participation des Egyptiens à l’étranger a plus d’impact que celle de l’intérieur, « puisque ce sont eux qui se trouvent en première ligne face aux rumeurs, et plus proches de l’opinion publique mondiale ». Cette forte affluence vers les urnes est porteuse d’un fort message pour dissiper les rumeurs, estime Abdel-Razeq. La grande campagne de sensibilisation menée par le ministère de l’Emigration à l’étranger a aussi joué un rôle pour mobiliser les Egyptiens à l’étranger, comme l’explique Mohsen.
La présidentielle à l’étranger a pris fin, et les yeux sont braqués maintenant sur l’Egypte. La question qui se pose alors est : quel pourrait être le reflet de la présidentielle à l’étranger sur les indices de participation à l’intérieur, en Egypte, les 26, 27 et 28 mars? Pour Ayman Abdel-Wahab, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, le niveau de participation à l’étranger est sans doute un « premier indice » sur la participation à l’intérieur. Pourtant, comme l’explique le chercheur, il n’y a pas de grand rapport entre les deux puisque le contexte, les stimulants et la nature des électeurs diffèrent d’un lieu à un autre comme ils diffèrent d’un scrutin à l’autre. Mais cette fois-ci, le comportement des électeurs à l’étranger se présente comme « un facteur incitateur » et adresse des « messages forts » à l’intérieur quant à l’importance particulière de ce scrutin. Avis partagé par Abdel-Razeq, qui estime qu’il y aura une influence directe entre les deux scrutins, à l’extérieur et à l’intérieur, car tous les Egyptiens font face à « des défis communs ». « Les indices vont aller vers un taux de participation élevé », conclut Abdel-Wahab.
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