Benyamin Netanyahu, le premier ministre israélien, lors de son discours à l'AIPAC, le 6 mars.
(Photo : AP)
« Nous avons parlé des Palestiniens pendant moins d’un quart d’heure. La moitié du temps et même plus a été consacrée à l’Iran. Le thème principal des discussions était l’Iran, l’Iran et l’Iran ».
C’est en ces termes que s’est exprimé la semaine dernière le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, à sa sortie du bureau ovale de la Maison Blanche. C’était la cinquième rencontre entre Netanyahu et Trump depuis l’accession du président américain au pouvoir. Le premier ministre israélien s’est rendu le 6 mars dernier à Washington pour assister à la Conférence annuelle sur la politique de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), le rendez-vous annuel le plus important des quelques 3 000 membres du lobby juif le plus puissant des Etats-Unis.
Cette année, l’Iran a dominé presque toutes les discussions de la conférence. Les craintes israéliennes prennent de plus en plus d’ampleur étant donné que les avancées militaires et stratégiques de l’Iran dans la région, notamment en Syrie, ont changé selon de nombreux analystes « la carte géographique ». Et pour Israël, l’Iran se trouve aujourd’hui à ses portes.
« L’Iran cherche à construire des bases militaires permanentes en Syrie, à créer un pont terrestre de Téhéran à Tartous sur la Méditerranée, et en plus, à déplacer son armée, son armée de l’air et sa marine en Syrie pour attaquer Israël de plus près. Il cherche aussi à développer et construire des usines de missiles guidés avec précision en Syrie et au Liban contre Israël », a martelé Netanyahu lors de la conférence de l’AIPAC, avant de menacer: « Je ne laisserai pas cela arriver. Nous ne laisserons pas cela se produire. Nous devons arrêter l’Iran. Nous allons arrêter l’Iran ».
La tenue de la conférence de l’AIPAC a coïncidé avec la visite du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, à Téhéran, qui mène dans le sens opposé des tentatives acharnées pour sauver l’accord nucléaire iranien. Depuis la signature de l’accord nucléaire iranien en juillet 2015, Israël n’a cessé de le dénoncer et de le qualifier d’« erreur historique ».
Et depuis, Israël ne rate aucune occasion pour attaquer l’accord. Il l’avait fait à l’occasion de l’Assemblée générale annuelle de l’Onu tenue en septembre dernier, quand Netanyahu, dans son entretien avec Trump, avait réitéré son aversion pour « l’épouvantable accord nucléaire avec l’Iran », dont il réclame l’annulation ou au minimum la révision.
Idem à Davos, en marge du Forum économique mondial tenu en janvier dernier. Le premier ministre israélien avait alors effectué une série de rencontres avec des chefs d’Etat et de gouvernement européens, et selon un communiqué publié par le bureau du premier ministre israélien suite au Forum de Davos, Netanyahu a exhorté ces responsables européens à réviser l’accord sur le nucléaire iranien et à « profiter de l’opportunité créée » par l’annonce du président américain, Donald Trump, qui a indiqué qu’il ne certifierait plus l’accord sur le nucléaire sans qu’il soit révisé.
Les tentatives d’Israël pour faire pression sur l’Occident ne cessent donc pas. A Munich, lors de la conférence sur la sécurité, tenue le 18 février dernier, Netanyahu, en brandissant un fragment de drone qui s’est abattu sur Israël et qui est censé provenir de la Syrie, ouvre également le feu sur l’Iran en avertissant qu’« en un peu plus d’une décennie, Téhéran disposera de l’arme atomique ».
Selon Tarek Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université américaine, « Israël trouve dans la position américaine une grande opportunité de corriger l’accord. D’autant plus que les craintes israéliennes ne sont pas seulement liées aux capacités militaires actuelles de l’Iran, mais à l’impact stratégique prévu des avancées iraniennes continues, au niveau militaire, mais aussi dans la technologie de fabrication des missiles, après l’expiration de l’accord. Le fait qui va menacer les fondements et la supériorité qualitative des capacités stratégiques israéliennes. Mais Israël possède également d’autres craintes », ajoute Fahmi. « L’accord actuel permet également à l’Iran de développer son économie, lui donnant ainsi la possibilité de reprendre ses essais pour fabriquer une bombe nucléaire. Le fait qui réduit les capacités d’Israël d’attaquer les emplacements nucléaires iraniens », explique Fahmi.
Une erreur tactique ?
Cependant, l’unanimité dans les milieux politiques et militaires israéliens fait défaut, comme l’explique le politologue. « Un courant se forme actuellement au sein de l’institution militaire israélienne, ainsi que parmi les anciens experts des centres de recherches stratégiques israéliens, qui estiment que continuer à attaquer l’accord nucléaire iranien représente une erreur tactique à l’heure actuelle », dit Fahmi.
Et d’ajouter: « Ceux-ci estiment au contraire que les gains acquis par l’Iran grâce à cet accord ne sont en fait que théoriques et que l’accord comprend de nombreux points positifs qui servent les intérêts israéliens et ses besoins sécuritaires, puisqu’il permet en fin de compte d’ajourner le projet nucléaire iranien, qui serait plus menaçant que les capacités militaires iraniennes actuelles ».
En effet, l’ex-ministre de la Défense de Netanyahu, Ehud Barak, a averti qu’un éventuel retrait américain de l’accord nucléaire « conduirait probablement à une course aux armes nucléaires au Moyen-Orient ». « Même si les Etats-Unis décident de se retirer de l’accord, personne ne les suivra, pas les Chinois, pas les Russes, pas même les Européens », a déclaré Barak au New York Times.
Et d’ajouter : « Cela servira les Iraniens ». Avis partagé par l’ancien conseiller du premier ministre israélien pour la sécurité nationale, Uzi Arad, qui a exhorté la Maison Blanche à ne pas abandonner l’accord nucléaire iranien.
Le journal israélien Maariv a également exprimé les craintes de quelques responsables militaires israéliens en écrivant : « Sous couvert de l’anonymat, les responsables militaires israéliens craignent que Trump n'aille jusqu’à une révocation pure et simple du deal nucléaire, ce qui plongerait la région dans une incertitude, voire une explosion générale dont Israël n’a absolument pas besoin ».
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