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Sinaï 2018, Eradiquer le terrorisme

Ahmad Eleiba, Mercredi, 14 février 2018

Lancée vendredi dernier, l’opération « Sinaï 2018 » se poursuit dans la péninsule du Sinaï et au-delà, notamment sur la frontière ouest et dans le Delta. Il s’agit de la plus vaste offensive antiterroriste que l’Egypte ait connue.

Sinaï 2018 : Eradiquer le terrorisme

Le bilan officiel des cinq premiers jours de l’opération antiterroriste globale lancée vendredi 9 février fait état de 38 djihadistes tués, dont 10 appartenant à une cellule terroriste hautement dangereuse, et plus de 500 arrestations. Selon le communiqué militaire, l’aviation a détruit plus de 200 repaires terroristes, dont des entrepôts d’explosifs, un laboratoire d’engins explosifs, un centre d’information et de communication muni d’ordinateurs, d’appareils de communication et de publications destinées à propager la pensée djihadiste. Deux tunnels souterrains ont été découverts et détruits par les gardes-frontières en collaboration avec des militaires ingénieurs. Vingt-deux véhicules 4x4 ont été saisis et 11 autres détruits lors d’affrontements, ainsi que 58 motos utilisées par les terroristes, dont une partie sans plaques d’immatriculation. En outre, 13 champs de pavots et de cannabis ont été détruits et plus de 7 tonnes de stupéfiants saisies. Un véhicule transportant plus de 1,2 million de comprimés stupéfiants Tramadol a été également saisi.

Sur le front ouest, l’armée a réussi à faire avorter une tentative de trafic d’armes et de munitions à travers la frontière avec la Libye. Les quatre véhicules impliqués ont été détruits et les terroristes à bord ont été tués. En tout, 383 patrouilles et opérations de fouille ont été effectuées par l’armée et la police à travers le pays.

Analysant ces données, une source militaire souligne le grand nombre de personnes arrêtées. « Ces arrestations sont très utiles au niveau de la collecte des informations. Par ailleurs, leur nombre est nettement supérieur à celui des djihadistes tués, ce qui indique que les directives consistent à limiter au maximum l’usage des armes lors des opérations de fouille et de ratissage afin de protéger la vie des civils. Quant aux raids aériens, ils ne visent que des cibles définies suite à des renseignements sûrs », dit-il. « La destruction de ce grand nombre de repaires et de caches d’armes souterrains est le fruit de l’entrée en usage d’appareils de détection sophistiqués », poursuit la source militaire. Il souligne également la simultanéité des opérations dans le Sinaï et sur le front ouest sous couverture aérienne et navale. En effet, l’armée de l’air, en collaboration avec les gardes-frontières, est parvenue à imposer un contrôle total sur les régions frontalières ouest et sud. De même, les forces armées et celles de la police ont conjointement mis en place 479 barrages sur les principales routes et autoroutes à travers le territoire.

Parallèlement à l’opération, les forces navales ont mené d’importants entraînements en Méditerranée, en lançant 4 missiles sol-mer et surface-mer, et ce, dans le but de s’exercer à affronter tout type de menaces et d’actes hostiles dans les eaux territoriales égyptiennes.

Une préparation minutieuse

D’après le porte-parole de l’armée, cette opération intervient suite à l’injonction présidentielle faite aux ministères de la Défense et de l’Intérieur en novembre dernier d’éradiquer le terrorisme au Sinaï dans un délai de trois mois. Baptisée « Sinaï 2018 », l’opération couvre en fait l’ensemble du territoire égyptien, aussi bien le Sinaï que le Delta et les zones désertiques à l’ouest de la vallée du Nil. L’objectif étant de raffermir le contrôle des frontières terrestres et maritimes et l’élimination des foyers terroristes à l’intérieur de ces frontières.

Selon les sources militaires et les analystes interrogés, la préparation de cette offensive s’est étalée sur près de deux mois. La source militaire explique que cette longue préparation était nécessaire pour définir les objectifs précis de l’opération et assurer sa réussite à atteindre ces objectifs. « Il s’agissait d’abord de collecter les informations, de recenser les cibles sur l’ensemble du territoire national et de garantir la sécurité des sites d’importance vitale au cours des opérations de déploiement, d’affrontement et de ratissage », explique la source militaire.

Evoquant le caractère global attribué à cette opération, le général Talaat Moussa de l’Académie militaire Nasser, explique qu’il est justifiable à plus d’un niveau. « A la différence des opérations précédentes Aigle ou le Droit du martyr, cette opération implique toutes les branches des forces armées: l’armée de l’air, l’armée de terre et la marine, ainsi que la police et les gardes-frontières. Au niveau géographique, l’opération s’étale sur plusieurs gouvernorats, d’est en ouest et du nord au sud. C’est une mobilisation sans précédent dans l’histoire de la guerre antiterroriste en Egypte », estime-t-il.

Une population pressée d’en finir avec ce fléau

Concernant l’accueil populaire réservé à cette opération, le député du Nord-Sinaï, Hossam Al-Réfaï, estime que les habitants coopèrent bien avec les forces de l’ordre lors des opérations de fouille. « Il est vrai qu’ils ont bien accueilli les opérations précédentes, mais cette fois-ci on sent une vraie volonté chez les habitants du Sinaï d’en finir avec le terrorisme », affirme-t-il. Cela dit, le député souligne que le quotidien des gens est affecté par les opérations militaires, notamment en ce qui concerne la circulation et l’approvisionnement en produits alimentaires et en essence. C’est ce qu’affirme également Dr Salah Sallam, président de l’ordre local des Médecins et membre du Conseil national des droits de l’homme. « Les boulangeries continuent à livrer les rations de pain aux familles et les grossistes continuent à écouler leurs stocks, mais cela n’empêche pas qu’il y a beaucoup de difficultés à s’approvisionner », renchérit Sallam. « De même, l’interdiction de circuler empêche les étudiants inscrits dans des établissements ou des facultés en dehors du Sinaï de poursuivre leurs cours, et les malades qui se font soigner au Caire de suivre leur traitement », ajoute Sallam, qui demande à ce que les routes soient ouvertes deux heures par jour ou tous les deux jours.

« Après l’attentat contre la mosquée Al-Rawda dans le Sinaï qui a fait plus de 300 morts, tout le monde a réalisé que le terrorisme ne fait pas la différence entre militaires, policiers ou civils. C’est peut-être à cause de cela que le soutien de l’armée a augmenté. Sans parler du danger de l’infiltration de terroristes revenant d’Iraq et de Syrie après la défaite de l’Etat islamique à Mossoul et Raqqa », commente le général Talaat Moussa. Et de conclure : « Cette opération antiterroriste est porteuse de plusieurs messages, elle montre que l’Egypte dispose d’une armée capable et déterminée à faire face au terrorisme et à l’éradiquer. Elle montre aussi au monde entier que l’Egypte est unie derrière cet objectif ».

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