« Nous n’avions d’autres choix que de prendre ce chemin pour reconstruire l’Etat », a déclaré le président Abdel-Fattah Al-Sissi, lors de la conférence « Histoire d’une nation, entre vision et réalisation ». Le chef de l’Etat est revenu sur les réalisations accomplies sous sa présidence. « Il ne s’agit pas de présenter le bilan d’un mandat qui approche de sa fin, mais plutôt de refléter l’image de l’Egypte au cours de ces quatre dernières années », a-t-il précisé, avant d’annoncer son intention de présenter sa candidature à la présidentielle.
Projets nationaux, justice sociale, politique étrangère, lutte contre le terrorisme, autant de thèmes qui ont été au menu des discussions entre d’un côté, le président et les responsables du gouvernement, et de l’autre des experts.
11 000 projets
Le président a longuement évoqué les projets nationaux. Outre les méga-chantiers comme le creusement du Nouveau Canal de Suez, le nouveau réseau routier, la nouvelle capitale administrative et les nouvelles centrales électriques (voir page 3), « 11000 projets ont été mis en chantier en moins de 4 ans, soit 3 projets par jour, avec un budget de plus de 2 trillions de L.E. », a dévoilé le président. Et s’il a choisi de commencer par les projets nationaux c’est parce que la rentabilité de ces derniers a souvent fait l’objet d’interrogations de la part de la population, souligne Hassan Salama, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Selon la ministre de la Planification, Hala Al-Saïd, ces projets étaient nécessaires pour trois raisons. « Premièrement, l’état des infrastructures était devenu inquiétant à cause de la croissance démographique. Deuxièmement, tous les investissements dans les infrastructures ont été suspendus entre 2011 et 2014, à cause de l’instabilité politique. Troisièmement, les investissements dans la maintenance des infrastructures avant même 2011 étaient aussi très faibles ».
En 2012, le volume des investissements étrangers dans le domaine des infrastructures a atteint 2,2 milliards de dollars, alors qu’il dépassait les 13 milliards de dollars en 2010. Tout en réhabilitant les infrastructures, « ces projets ont contribué à diminuer le taux de chômage. Ils ont fourni 3,5 millions d’emplois », explique Fakhri Al-Fiqi, économiste. La preuve: le taux de chômage était de 11,9% au deuxième trimestre de 2017, contre 13,4% en 2012. Ces projets ont aussi mis un terme au phénomène des « bateaux de la mort ». « Aucun bateau n’a quitté le pays depuis un an vers l’Europe », s’est félicité le président.
Du point de vue économique, Al-Fiqi pense que « sans améliorer l’infrastructure, il aurait été très difficile de convaincre les investisseurs d’injecter de l’argent dans l’économie, même si l’atmosphère est propice, les lois sont encourageantes, la main-d’oeuvre est qualifiée et même s’il n’y a pas de bureaucratie ». De plus, ces projets ont permis de booster la croissance et d’améliorer le climat économique. « Tous les indicateurs économiques se sont améliorés. Selon les prévisions de la Banque Mondiale (BM), le taux de croissance devrait passer en 2018 à 5,5% contre 4,5% en 2017. L’inflation est passée au mois de novembre à 22% contre 26 % en novembre dernier ».
Toutefois, l’impact de ces chiffres sur le quotidien du citoyen se fait à peine sentir. Celui-ci est confronté à la hausse des prix, notamment après la dévaluation de la livre égyptienne, dans le cadre d’un programme de réforme économique ambitieux initié par l’Etat en 2016. « Il n’était pas possible de retarder cette réforme sous peine d’un effondrement de l’Etat », a déclaré le président. En effet, le gouvernement égyptien était confronté à un choix difficile : dévaluer la livre et supporter un choc au niveau des prix ou renoncer à la dévaluation avec des conséquences très mauvaises pour l’économie. « Il faudra sans doute attendre un peu pour que le citoyen ressente les effets de cette audacieuse réforme économique engagée par le gouvernement », estime Al-Fiqi, qui s’attend au cours de la seconde moitié de l’année 2018 à une hausse significative des investissements.
Diplomatie active
Rétablir la « force globale de l’Etat », profondément affectée par deux révolutions successives en trois ans était l’autre « grand défi » du président. Sur le plan externe, le but était que l’Egypte retrouve son statut d’acteur majeur dans la région. Le chef de l’Etat a parlé d’une « bataille » pour « reconstruire les barrières brisées entre l’Etat et ses institutions », après les révolutions de 2011 et 2013. « L’Egypte n’était pas loin des scénarios qui se déroulaient dans la région… Mais Dieu a voulu nous protéger d’un destin qui aurait pu être pire que tous les autres », a déclaré le président Sissi. Sur le plan externe, au cours de cette période le poids régional et international de l’Egypte était en régression.
Pour revigorer la diplomatie égyptienne, le président a effectué 70 déplacements à l’étranger depuis juin 2014. « La politique étrangère a été l’une des grandes réussites du président », souligne Ahmad Youssef, politologue. Et d’ajouter : « L’Egypte a réussi au cours des dernières années à se repositionner sur la scène régionale et internationale dans des conditions très difficiles ». Préserver « l’Etat national arabe » était le principe de la diplomatie égyptienne face aux conflits régionaux en Syrie, en Libye, en Iraq et au Liban. « L’Egypte s’est engagée dans des relations internationales équilibrées, de nouveaux cercles d’influence se sont ouverts en Asie, et les relations se sont renforcées avec le continent noir », énumère Youssef. Toutefois, Amani Al-Tawil, directrice du programme africain au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, présente à la conférence, pense que « pour se rapprocher davantage de l’Afrique, l’Egypte doit injecter aussi de l’argent en fonction de ses intérêts stratégiques ». Quant à la position de l’Egypte par rapport au dossier du barrage de la Renaissance, le président a insisté sur le fait que « le quota de l’Egypte ne sera jamais affecté ». Et que l’Egypte est « favorable au développement des autres pays, mais à condition que cela ne nuise pas aux intérêts de l’Egypte ».
Renforcer les capacités de l’armée
Les efforts déployés ces dernières années pour rétablir la force globale de l’Etat se sont également traduits par le renforcement de la capacité militaire, qui est aujourd’hui « complètement différente » de ce qu’elle était il y a 5 ans, a affirmé le président, en expliquant que « le renforcement de la capacité militaire de l’Egypte ne vise pas à repousser une menace, mais à protéger l’Egypte et parvenir à la paix ». « Le développement des capacités de l’armée et de la police a largement contribué à la réduction du nombre d’opérations terroristes en Egypte », explique Ahmad Kamel Al-Béhéri, spécialiste au CEPS d’Al-Ahram. Les chiffres le prouvent. L’année 2015 a été l’apogée des actes terroristes en Egypte avec plus de 650 attentats. Ce nombre a baissé progressivement pour atteindre 200 attentats en 2016 et 50 seulement en 2017. « La carte des attaques terroristes montre que le terrorisme s’est actuellement limité dans une zone qui ne dépasse pas les 100 km2, dans la partie nord-est du Sinaï », a déclaré Diaa Rachwan, chef de l’Organisme général de l’information. « Le groupe Daech a totalement échoué en Egypte. Seul son nom subsiste », a affirmé Rachwan. « Dire que les actes terroristes en Egypte bénéficient d’un soutien étranger n’est absolument pas un mensonge. Les terroristes dans les années 1990 attaquaient les bijouteries pour pouvoir financer leurs opérations. Aujourd’hui, on parle de la saisie de 1300 véhicules Land Cruiser à quatre roues motrices dont le coût s’élève à 2,2 milliards de dollars. Les terroristes possèdent aussi des armes RPG, dont le coût est évalué à 60000 dollars, et des mortiers qui coûtent également des milliers de dollars », a conclu Rachwan.
Le développement du Sinaï s’inscrit également dans la stratégie de lutte contre le terrorisme, comme l’a indiqué le président. « 250 milliards de L.E. ont été dépensés pour le développement du Sinaï pour une population qui ne dépasse pas les 600000 habitants», a déclaré le président Sissi. Et de conclure : « Je n’hésiterai pas à utiliser dans les jours à venir la force brutale pour mettre un terme au terrorisme dans le Sinaï ».
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