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Jérusalem : Les Palestiniens ripostent

Amira Samir, Mardi, 16 janvier 2018

En réponse à la décision américaine sur Jérusalem et aux mesures israéliennes qui s'ensuivirent, le Conseil central de l'OLP a voté lundi en faveur de la suspension de la reconnaissance d'Israël. Une mesure qui compromettrait davantage le processus de paix.

Jérusalem : Les Palestiniens ripostent
Mahmoud Abbas lors de la réunion du Conseil central de l'OLP à Ramallah. (Photo : AFP)

Au terme d’une réunion-clé de deux jours à Ramallah en Cisjordanie, le Conseil central de l’OLP a appelé, lundi 15 janvier, l’organisation à suspendre la reconnaissance de l’Etat d’Israël, jusqu’à ce que ce dernier reconnaisse l’Etat de Palestine dans ses frontières de 1967, annule l’annexion de Jérusalem-Est et cesse ses activités de colonisation. Un vote qui a recueilli 74 voix pour, 2 contre et 12 abstentions. Un message clair même si la décision n’est pas encore prise, le Comité exécutif de l’OLP étant la seule instance habilitée à prendre les décisions engageant les Palestiniens dans le cadre du processus de négociation avec Israël. Le Conseil central de l’OLP avait été convoqué en urgence pour décider d’une réponse « au chantage de Netanyahu et de Trump », et ce, après plus d’un mois de la reconnaissance du président américain de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Une fois de plus, lors de cette réunion, les dirigeants palestiniens ont disqualifié les Américains comme intermédiaire des pourparlers de paix. « Nous disons à Trump que nous n’accepterons pas son plan, l’affaire du siècle s’est transformée en claque du siècle. Notre capitale éternelle est Jérusalem, et nous n’accepterons pas ce que l’on nous propose, de faire d’Abou-Dis (une petite ville voisine de Jérusalem) la capitale de la Palestine à la place de la ville de Jérusalem. Nous sommes à un moment critique. Notre futur est en jeu », a déclaré le président palestinien, Mahmoud Abbas, à l’ouverture des réunions. « Il n’y a plus d’Oslo, par la faute d’Israël », a martelé Abbas.

Suite au discours de Abbas, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Liebermann, a déclaré: « Ce discours signale que le président palestinien a perdu le contrôle de lui-même, qu’il a perdu le soutien du monde arabe modéré et qu’il a clairement abandonné les perspectives de négociations de paix ». C’est dire qu’il enfonce le clou encore plus.

Pour la majorité des dirigeants de l’Autorité palestinienne, les recommandations des réunions du Conseil central sont très rationnelles pour la période actuelle, même si certains s’attendaient à plus. Or, le plus important est ce que va faire le Comité exécutif. En effet, en 2015, le Conseil central avait approuvé la fin de la coopération sécuritaire avec Israël, mais le vote était resté lettre morte. En pratique, rien n’a changé sur le terrain. « Le CCP est censé être l’organe intermédiaire entre le Conseil national palestinien— le parlement palestinien en exil— et le Comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Le mandat de ce dernier a expiré il y a vingt ans, et la majorité des factions qui le composent— à l’exception du Fatah et des fronts populaire et démocratique (FPLP et FDLP) — ont cessé depuis longtemps de représenter quoi que ce soit pour la population palestinienne », écrit Abdelbari Atwan, le célèbre analyste palestinien sur le site Internet Raey Al-Yaoum.

Quel(s) médiateur(s) ?

Entre l’appel du Conseil central et une décision concrète, il y a donc un chemin. Et entre-temps, l’Autorité palestinienne mène un autre combat : celui de se diriger vers un ou plusieurs autres médiateurs. En effet, dans son discours, Abbas a indiqué que de futures négociations de paix se dérouleraient uniquement dans le cadre d’une large médiation internationale. Abbas doit se rendre au siège de l’Union européenne à Bruxelles d’ici la fin du mois de janvier. Selon un haut responsable palestinien qui a requis l’anonymat, Abbas demandera aux pays européens de « transformer » leur opposition à la décision du président américain en action politique. « Le président palestinien va présenter trois demandes aux ministres de l’Union européenne lors de son voyage à Bruxelles: la reconnaissance de l’Etat de Palestine sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, le soutien à l’adhésion complète des Palestiniens aux Nations-Unies et une hausse du soutien financier à l’Autorité palestinienne pour compenser la possible baisse drastique de son budget, consécutive aux menaces de Washington, aujourd’hui plus grand donateur international pour les Palestiniens, de couper son aide », affirme le responsable palestinien au journal Al-Hayat publié à Londres. Or, selon Mohamad Hussein, professeur des relations internationales à l’Université du Caire, « parler maintenant de nouveaux médiateurs est une alternative illogique en ce moment. Il faut avoir le temps pour pouvoir étudier les options disponibles, et puis, les Etats-Unis ont toujours fait partie de l’équation tout en étant pro-israéliens ».

L’appel du Conseil national de l’OLP est intervenu alors que sur le terrain, la décision du président américain sur Jérusalem et les mesures israéliennnes qui s’ensuivirent ont entraîné des affrontements entre Palestiniens et forces israéliennes, affrontements, qui selon un responsables palestinien, ont fait 20 morts, 5632 blessés tout au long du mois dernier, sans compter le millier d’arrestations. Les manifestations avaient été notamment encouragées par le Hamas, qui, avec le Djihad islamique, a refusé d’assister aux réunions du Conseil national de l’OLP, estimant que « les conditions dans lesquelles va se réunir le Conseil central empêcheront que des décisions soient prises à la hauteur de nos aspirations ».

En effet, le Hamas avait déjà appelé à une 3e intifada suite à la décision américaine, mais, selon Saïd Okacha, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « les protestations n’ont pas atteint le niveau de violence ou de participation que craignaient les analystes et espéraient certaines parties ». Cela dit, conclut-il, « le danger d’une escalade plane toujours ».

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