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Energie : L’Egypte aspire à devenir un pôle régional

Gilane Magdi, Mardi, 02 janvier 2018

Hausse de la production de gaz et de pétrole, modernisation de l’infrastructure, mise en service de centrales électriques : le gouvernement met les bouchées doubles pour placer l'Egypte sur la carte mondiale de l'énergie.

Energie : L’Egypte aspire à devenir un pôle régional
L'Egypte arrête l'importation de gaz naturel en 2018.

L’egypte pourra-t-elle réaliser son rêve de devenir un pôle régional d’énergie dans les prochaines années ? Les projets des responsables gouvernementaux des secteurs du pétrole et de l’électricité sont en tout cas très ambitieux. Ils se basent sur deux axes principaux : l’augmentation de la production dans le domaine des ressources énergétiques (pétrole brut, gaz naturel et électricité) et la modernisation de l’infrastructure. « Notre objectif est de placer l’Egypte sur la carte mondiale de l’énergie, soit à travers l’exportation de nos ressources pétrolières, soit à travers le transfert des produits pétroliers et gaziers provenant des pays voisins vers les pays importateurs », a déclaré le ministre du Pétrole, Tareq Al-Molla, lors de la première conférence sur l’énergie organisée par Al-Ahram Al-Messaï les 18 et 19 décembre, en ajoutant qu’un comité suprême, réunissant des représentants de différents ministères, a été formé dans le but de faire de l’Egypte un centre régional de l’énergie.

En vue de réaliser cette vision, le ministère du Pétrole a adopté un plan ambitieux pour la période de 2017 à 2021, basé sur l’intensification des explorations en matière de gaz naturel et de pétrole brut ainsi que sur l’accélération de l’exécution des projets existants. L’objectif est d’augmenter la production dans le domaine des ressources pétrolières, et ce, afin d’atteindre l’autosuffisance et ouvrir ainsi la porte à l’exportation. Si ce plan a commencé à porter ses fruits en ce qui concerne le gaz naturel, les réussites restent limitées pour ce qui est du pétrole brut. « La production de gaz naturel a augmenté de 20 % en 2017 en raison de la découverte de nouveaux gisements dans la Méditerranée. La production s’est élevée à 5,5 milliards de m3/jour en 2017, contre 4,6 milliards l’année dernière », souligne Magdi Galad, vice-président d’EGAS, société gouvernementale chargée d’importer le gaz pour répondre aux besoins locaux. Galad a précisé que son entreprise prévoyait d’arrêter l’importation de gaz naturel à la fin 2018. La hausse de la production locale provient notamment de l’entrée de deux grands projets dans leur phase de production : premièrement, le champ gazier de Zohr, le plus important de la Méditerranée, découvert par la société pétrolière italienne Eni il y a trois ans et dont la production est de 350 millions de m3 par jour dans sa phase expérimentale. « Avec l’achèvement de la première phase du projet, prévue pour juin 2018, la production atteindra progressivement plus d’un milliard de m3 par jour », a déclaré Al-Molla dans un communiqué de presse (voir encadré). Deuxièmement, le projet de la société britannique British Petroleum (BP), qui a découvert 9 puits sur les champs de Taurus et de Libra dans l’ouest du Delta. En mai 2017, deux puits sont entrés en phase de production. Ajoutons à cela le champ d’Atock au nord de la côte d’Alexandrie, qui a produit, dans sa première phase, 300 millions de m3/jour.

D’après le plan du ministère du Pétrole, 9 projets de développement seront en cours jusqu’à la fin 2019 dans le domaine du gaz naturel, appuyés par des investissements de 30 milliards de dollars, en vue d’augmenter la production de ce bien stratégique de 50 %. Toujours selon le plan, la production de gaz naturel devra atteindre 8 milliards de m3/jour en 2020/2021. Pour ce qui est du pétrole, il est prévu de forer 230 puits jusqu’à la fin 2018, ce qui représente un investissement de 2 milliards de dollars. Ce montant est bien inférieur à celui investi dans le gaz naturel. « Les chances de devenir un hub pour le gaz naturel sont plus grandes que dans le domaine du pétrole brut. En effet, nous obtenons la moitié de notre consommation de pétrole — qui est de 850 000 barils/jour —, soit de partenaires étrangers implantés en Egypte, soit de l’extérieur », souligne Magdi Sobhi, expert pétrolier au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Après avoir fait partie des dix principaux exportateurs de gaz naturel avant 2009, l’Egypte est devenue importatrice suite à une baisse de la production due aux tensions politiques, d’une part, et au retard de paiement des arriérés financiers aux entreprises étrangères d’exploration d’autre part. Cette baisse de la production était accompagnée d’une hausse de la consommation d’énergie. L’Egypte s’est ainsi retrouvée 8e importateur mondial de gaz naturel au cours des deux dernières années.

L’électricité en progression

Quant au secteur de l’électricité, il a vu la fin de la crise liée aux ruptures d’électricité qui ont menacé le secteur industriel depuis la révolution de 2011. « Au cours des 3 dernières années, nous avons réussi à combler le fossé de 6 000 mégawatts entre la production et la consommation. Aujourd’hui, la production s’élève à 40 000 mégawatts », a assuré Mohamad Al-Sissi, membre délégué de l’Entreprise nationale d’électricité, au cours de la conférence à Al-Ahram. Une déclaration qui vient en parallèle à celle du ministre de l’Electricité et des Energies renouvelables, Mohamad Chaker, qui indique que « 15 000 mégawatts ont été injectés dans le réseau national d’électricité au cours des deux dernières années ». Cette hausse de la production est notamment due à la mise en service de trois nouvelles centrales électriques — à Béni-Soueif, à Borollos et dans la nouvelle capitale administrative —, projets du géant allemand Siemens. Leur capacité de production est de 14 400 mégawatts. « Jusqu’à présent, 8 000 mégawatts provenant des trois centrales ont été injectés dans le réseau national. La production totale sera atteinte en mai 2018 », déclare le ministre. Enfin, la signature, en décembre dernier, de l’accord relatif au projet Al-Dabaa, concernant la production d’énergie nucléaire, est une autre étape importante pour l’Egypte sur la voie de l’autosuffisance en matière d’électricité.

Le ministre de l’Electricité affirme que l’Egypte entend devenir un pôle d’électricité reliant trois continents. Parmi les projets qui devront être signés en 2018 dans ce domaine, celui entre l’Egypte et l’Arabie saoudite. « Un contrat relatif à la production d’électricité devait être signé en novembre 2017, mais il a été reporté au mois d’avril 2018 », indique Chaker.

Moderniser l’infrastructure

Le plan gouvernemental ne se limite pas à augmenter la production dans le domaine des ressources énergétiques, mais vise aussi à moderniser l’infrastructure. L’Egypte possède l’infrastructure nécessaire pour devenir un pôle régional d’énergie, notamment grâce au pipeline opéré par l’entreprise Sumid pour le transfert du pétrole de l’Arabie saoudite vers l’Europe. « De même, nous disposons de 8 raffineries pétrolières dotées d’une capacité de production de 38 millions de tonnes par an ainsi que d’une capacité de stockage du pétrole brut de 15 millions de tonnes », précise le ministre du Pétrole, ajoutant que les coûts du plan de modernisation de l’infrastructure s’élèvent à 8 milliards de dollars. Le plan prévoit, entre autres, la création de nouveaux entrepôts de stockage pour le gaz et les produits pétroliers. « Bien que nous possédions une capacité de stockage de 15 millions de tonnes pour le pétrole brut, nous prévoyons de créer plus d’entrepôts. Au cours des deux dernières années, nous avons remarqué que les producteurs de pétrole préféraient stocker le brut plutôt que de le vendre, à cause de la chute des prix sur le marché international », souligne Al-Molla. Dans le secteur de l’électricité, le ministère entend moderniser les réseaux de transfert et de distribution — une modernisation considérée comme un défi majeur. « Le coût d’investissement pour la modernisation des réseaux s’élève à 18 milliards de dollars en 2018/2019 », indique le ministre de l’Electricité.

Libérer le secteur gazier

Une infrastructure solide ne suffit toutefois pas. Al-Molla a ainsi clarifié que pour devenir un hub en matière d’énergie, un cadre juridique régulant les activités liées au secteur pétrolier — de l’exploration à la vente — était nécessaire. Il y a quatre mois, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a ratifié la loi relative au gaz, qui régule les activités liées au gaz naturel. Elle prévoit la création d’un appareil d’organisation des activités du marché gazier, chargé de délivrer les licences aux entreprises et de mettre à disposition les outils nécessaires à la fixation des tarifs d’utilisation des réseaux de gaz naturel. « Cette loi constitue la première étape dans le projet de transformation de l’Egypte en un pôle régional d’énergie. Son rôle est de gérer l’entrée et la sortie du gaz sur le marché égyptien, de promouvoir les chances d’investissement dans les services logistiques et de soutenir la participation du secteur privé aux différentes activités liées au gaz naturel, ce qui attirera les investissements directs et indirects », explique le ministre du Pétrole, qui prévoit l’émission du décret d’application de la loi pour février prochain.

Pour sa part, Tamer Abou-Bakr, président du Comité de l’énergie auprès de l’Union égyptienne des industries, insiste sur l’importance de créer une bourse pour les ressources pétrolières. « Pour devenir un vrai pôle régional d’énergie, il faut créer une telle bourse au cours des 10 prochaines années, sous la surveillance de l’organisme régulateur du gaz naturel », conclut-il.

Zohr : 2 milliards de dollars d'économie pour l'Egypte

60 millions de dollars. C’est le montant qui sera économisé par l’Etat suite à la production de gaz naturel du champ gazier Zohr dans la Méditerranée. « Le niveau actuel de la production de gaz naturel provenant de Zohr (350 millions de m3/jour) équi­vaut à 3 cargaisons de gaz liquéfié importé de l’extérieur. La facture mensuelle de l’importation de cette quantité s’élève à 90 millions de dollars. Plus tard, on achètera à 30 millions de dollars seulement », explique le ministre du Pétrole en prévoyant que la somme économisée atteindra 2 milliards de dollars dans la phase finale de produc­tion.

Mi-décembre, le champ gazier est entré en exploitation en produisant 350 millions de m3/jour dans la phase expérimentale, un niveau de produc­tion qui va atteindre un milliard de m3/jour dans la première phase prévue au premier semestre de 2018.

Le volume des réserves de ce champ est estimé à 30 trillions de m3. Situé à plus de 200 km de la côte égyptienne et à 4 000 mètres de profondeur, le champ a été exploré en 2015 par l’entreprise italienne de pétrochimie Eni. L’accord de déve­loppement du champ a été signé dans un temps record début 2016 afin de lancer les travaux au plus vite. Le coût du projet est de 6 milliards d’euros. Et la capacité de production est évaluée à 2,7 milliards de m3/jour. D’après l’accord, l’en­treprise italienne prendra en charge la totalité des coûts de construction et d’exploitation ; le gou­vernement égyptien remboursera la moitié des frais engagés dès que le champ sera opérationnel. Par la suite, les bénéfices générés par la vente de gaz naturel seront répartis à parts égales entre les deux partenaires. « Pour inciter l’investisseur étranger à accélérer la production, le ministère du Pétrole a introduit un amendement important dans le contrat qui consiste à augmenter le prix d’achat de gaz naturel de 4 dollars à 5,8 dollars. Le développement du champ Zohr a vu le jour après cet amendement », explique à l’Hebdo Magdi Sobhi, un expert pétrolier auprès du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

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