Deir Ez-Zor, dernier bastion de Daech en Syrie, a été totalement libéré en novembre dernier.
(Photo : Reuters)
Daech est ébranlé. La fin irrévocable de son soi-disant califat qu’il avait crééen Iraq et en Syrie est imminente. Nombre de ses combattants sont tués, capturés ou chassés des villes et des villagesclés. Or, après la défaite de Daech en Syrie, un grand nombre de djihadistes sont encore là. La question est donc de savoir quel est leur avenir. La défaite de Daech suffira-t-elle àdécourager ces combattants, toujours en liberté? Ou bien poursuivrontils leur combat ailleurs sous la bannière d’autres groupes terroristes ? «Beaucoup s’attendent à ce que Daech, en désespoir de cause, retourne à un statut de simple force insurrectionnelle, comme Al-Qaëda l’avait fait en Iraq après sa déroute face aux milices sunnites d’Al-Anbar en 2007. Mais, il est probable qu’une partie de ses combattants cherchent à se rapprocher de la branche syrienne liée à Al-Qaëda, Tahrir Al-Cham (organisation de libération du levant créée en janvier dernier, en résultat de la fusion de cinq groupes rebelles syriens) », indique au quotidien britannique The Independant, Ahmad Altindal, analyste spécialiste du Moyen-Orient. «Sans pouvoir dire si ces ralliements sont de nature à durcir la ligne de Tahrir Al-Cham, la menace de cette coalition et ses ambitions terroristes ne doivent pas être sous-estimées. Le peindre en groupe modéré serait une terrible erreur », poursuit-il.
Les militants de Daech pourraient donc changer d’allégeance entre une poignée de groupes sur le terrain, y compris Jabhat Fateh Al-Cham, et Ahrar Al-Cham (une coalition d’unités islamistes et salafistes), et chercher activement des zones non gouvernées des forces de Bachar Al-Assad et de leurs alliés pour les contrôler. Comme l’a suggéréle chercheur Ali Bakr, expert des groupes terroristes au Centre des Etudes Politiques et Stratétiques (CEPS) d’Al-Ahram, «si Daech poursuit son déclin, certains de ses djihadistes pourront considérer le rapprochement avec Al- Qaëda comme la seule option pour poursuivre leur lutte ». Des entretiens diffusés en ligne avec des combattants occidentaux de Daech indiquent que les différences idéologiques entre Al- Qaëda et Daech sont trop importantes pour être rapidement comblées, mais cela pourrait peut-être changer avec le temps. Le problème le plus sérieux est que des combattants de Daech tenteront de se fondre parmi la population civile en Syrie, profitant du fait qu’un grand nombre de civils sont aujourd’hui des réfugiés dans leur propre pays. Le retour de ces personnes déplacées chez elles sera une occasion pour les djihadistes. Selon Mohamad Gomaa, chercheur au CEPS, «ces militants continueront de fonctionner comme des cellules dormantes, de recruter d’autres membres ».
Et les combattants étrangers ?
Avec la défaite de Daech, l’attention se porte aussi sur les combattants étrangers du groupe, qui, àleur apogée, se comptaient àplusieurs milliers dans des dizaines de pays. Il y a plusieurs possibilités. Lorsqu’un conflit prend fin, soit par la force, soit par un règlement négocié, les terroristes transnationaux sont susceptibles de se disperser dans de nombreuses directions. Parmi ces combattants étrangers, il y a ceux qui rentrent dans leur pays d’origine, ceux qui cherchent des pays tierces. «Ces combattants sont, en fait, les agents libres potentiels ou les mercenaires qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. On peut s’attendre à ce qu’ils forment une cohorte de djihadistes apatrides qui iront à l’étranger à la recherche du prochain théâtre djihadiste (Yémen, Libye, Afrique de l’Ouest ou Afghanistan) pour protéger, maintenir et étendre les frontières du soi-disant califat », explique Ali Bakr. Et c’est làl’option la plus probable puisque le retour au pays d’origine, oùles djihadistes risquent d’être arrêtés, est hautement problématique. De même, les frontières turques avec la Syrie font aujourd’hui l’objet d’une surveillance très étroite. «Les pays disposant de structures de défense nationale plus solides — police des frontières bien formées, services de renseignement puissants — ont de meilleures chances d’atténuer l’impact d’un éventuel déplacement. Mais tous les services de sécurité occidentaux ne sont pas égaux : certains auront inévitablement plus de mal à contenir la menace que d’autres. Et là vient le risque d’attaques sanglantes à l’étranger », conclut Ali Bakr.
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