La construction de colonies a été le premier pas pour judaïser Jérusalem.
(Photo : Reuters)
« A n’importe quel prix, nous devons amener des juifs dans Jérusalem-Est, et ce, dans un laps de temps très court, même s’ils doivent habiter dans des cabanes ». Tels étaient les propos de David Ben Gourion, fondateur d’Israël, prononcés dès juin 1967, après la «
Naksa », la guerre israélo-arabe suite à laquelle l’Etat hébreu a annexé Jérusalem-Est et la Cisjordanie. Le projet de judaïsation de la ville ne date donc pas d’hier. C’est une entreprise sur laquelle les Israéliens s’attellent sans relâche depuis des décennies, voire plus, depuis la Déclaration Balfour et le début des premières migrations des juifs d’Europe et du monde vers la Palestine.
« L’objectif des Israéliens, à travers cette politique de judaïsation de Jérusalem entamée il y a longtemps, est d’effacer l’identité arabe de Jérusalem, et ce, pour toujours. Citons à titre d’exemple que tous les noms de rues arabes ont été remplacés par des noms hébreux. Actuellement, toutes les rues ont des noms hébreux. De même, on impose aux enfants palestiniens de Jérusalem des programmes scolaires israéliens. Et, évidemment, ces programmes nient toute référence à l’histoire palestinienne et à l’histoire arabe. Leur but est de créer une génération de Palestiniens qui ne connaît pas l’historique arabe de cette ville », explique Dr Tareq Fahmy, politologue et spécialiste du dossier palestinien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire. Sans oublier bien sûr l’implantation progressive de juifs dans les colonies, dont la construction ne cesse de croître. L’objectif étant de transformer radicalement le paysage démographique de la ville, comme le souhaitait Ben Gourion. Une ambition réalisée puisque les juifs occupent actuellement 89% de la ville.
Les colonies, l’instrument le plus dangereux
En effet, depuis la déclaration du fondateur d’Israël, un projet bien organisé et planifié a été lancé pour construire des colonies à Jérusalem-Est et augmenter les limites de la vieille ville en annexant des régions alentour. Parallèlement à la construction de colonies destinées aux juifs, chaque année, des centaines de maisons et autres structures appartenant à des Palestiniens sont démolies faute de permis de construire. Or, ces permis ne peuvent être délivrés que par Israël. C’est-à-dire presque jamais. « Le système de planification restrictif rend quasiment impossible aux Palestiniens l’obtention d’un permis de construire, tout en accordant un traitement de faveur aux colons israéliens. La colonisation étant l’instrument le plus dangereux de la stratégie israélienne, guidée par le principe de créer une continuité de résidence pour les juifs et éloigner les Palestiniens », explique Dr Tareq Fahmy.
Ainsi, en détruisant leurs maisons et en poussant les Palestiniens à l’exil, l’Etat hébreu entend réduire non seulement le nombre des habitations, mais surtout celui des Palestiniens eux-mêmes. Des Palestiniens qui, de plus, ne sont pas considérés comme des citoyens. En effet, aujourd’hui, les Palestiniens vivant à Jérusalem ont le statut de résidents permanents. Un statut qui ne garantit pourtant pas le droit de résidence et qui est habituellement réservé aux citoyens étrangers. Car ce statut peut être annulé par Israël sous un quelconque prétexte, par exemple, que tel ou tel Palestinien menace la sûreté de cette ville, qu’il est déloyal à Israël, etc. Ainsi, retirer les cartes de résidence est devenu l’un des moyens les plus importants pour chasser les Palestiniens et judaïser la ville.
Parallèlement, pour encourager les juifs à vivre dans les colonies construites à Jérusalem, Israël leur fournit facilités, garanties et offres alléchantes. Par exemple, dans les colonies construites illégalement, les autorités israéliennes garantissent un emploi à tous ceux qui sont en âge de travailler, et octroient aux juifs des logements avec des facilités de paiement et des conditions financières très avantageuses.
Autant de stratégies qui visent à changer la structure démographique de cette ville, et ainsi imposer un statu quo une fois que les Israéliens deviennent majoritaires. Et, même si le caractère religieux est souvent évoqué, pour les Israéliens, la judaïsation de Jérusalem a des objectifs plus politiques que religieux.
Mais qu’ont fait les Arabes pendant ces longues décennies pour contrer le plan israélien? Pas grand-chose. « Si l’Etat hébreu parvient à réaliser ses projets, c’est notamment en raison de l’inaction des Arabes et des Palestiniens. Les plans israéliens sont connus depuis 1967, et depuis, les Palestiniens et les Arabes ont commis plusieurs erreurs qui ont facilité la tâche aux Israéliens. D’abord, les Palestiniens ont refusé de joindre l’accord de paix de Camp David signé entre l’ancien président égyptien Sadate et Israël en 1977. Ils ont raté cette occasion en or qui leur aurait permis de créer leur Etat. C’était le cas aussi en 2000, lors du sommet de Camp David II », explique Dr Saïd Okacha, analyste au CEPS et directeur de la revue Sélections israéliennes. Selon lui, « il est vrai que leurs espérances et même leurs droits dépassaient ce qui pouvait leur être offert, mais cela aurait pu être un pas. Ils auraient dû fonctionner comme les Israéliens qui, eux, planifient à long terme mais agissent selon la logique du pas par pas ».
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