« J’ai écrit ma démission de ma main, et j’ai voulu provoquer un choc positif (…) pour faire comprendre aux Libanais la situation dangereuse dans laquelle nous nous trouvons », s’est exprimé Saad Hariri, lors de son premier discours après sa démission, diffusé dimanche soir sur les ondes de la chaîne libanaise FUTURE TV. Après plus d’une semaine de silence, ce discours vient dissiper en grande partie le flou qui avait entouré les circonstances de cette démission et les rumeurs de la détention de Hariri en Arabie saoudite. « Je suis libre de quitter le Royaume et je peux quitter quand je le souhaite », a assuré Hariri dans son discours. Il est allé même jusqu'à dire qu’il pourrait rentrer à Beyrouth « dans deux ou trois jours », pour « entamer les procédures constitutionnelles nécessaires » à sa démission, après avoir pris « les mesures sécuritaires nécessaires » pour assurer sa sécurité et sa vie.
Revenir sur sa démission ? Répondant à cette question, Hariri a laissé la porte ouverte à toutes les possibilités. Le premier ministre démissionnaire a indiqué prudemment qu’il « pourrait revoir sa démission », à condition que « les interventions de certains acteurs libanais (en référence au Hezbollah) dans les conflits régionaux cessent ».
Spontané, touchant, conciliateur, toutefois perturbé, Hariri a opté pour un ton calme, différent de celui plutôt aigu du discours « choc » de la démission. Hariri a multiplié les messages pour le dialogue, en déclarant vouloir « revenir prochainement au Liban », pour « avoir une longue discussion avec le président de la République, Michel Aoun, évoquer avec lui la politique de distanciation qui n’a pas été appliquée » et « accomplir le règlement » qui a prouvé, selon Hariri, « son échec après dix mois au gouvernement ».
L’intérêt du Liban avant tout
« La politique de la distanciation », ce terme, qui a fait son entrée dans la terminologie libanaise en 2012, avec le déclenchement du conflit syrien, a été répété une dizaine de fois dans le discours de Hariri, comme un message que « cette politique de distanciation du Liban vis-à-vis des crises régionales » est la clé du règlement de la crise libanaise. Saad Hariri a prévenu même dans son discours que son pays risquait des sanctions économiques de la part des pays arabes en raison des interventions au Yémen et à Bahreïn du Hezbollah. « Nous savons qu’il y a des sanctions américaines, mais est-ce qu’on leur ajoute des sanctions arabes ? Quel est notre intérêt en tant que Libanais ? » ... « La distanciation est au fondement de l’intérêt du Liban ». « Peut-être qu’il y a un conflit régional entre les pays arabes et l’Iran. Nous sommes un petit pays. Pourquoi nous mettre au milieu ? », a-t-il martelé.
Ses propos sur le Hezbollah apparaissaient aussi relativement calmes et conciliateurs par rapport à son précédent discours de démission, en insistant sur la nécessité que le Hezbollah quitte l’axe régional avec Téhéran et non pas la formule politique libanaise. « Je ne suis pas contre le Hezbollah en tant que parti politique, mais je suis contre le fait que le Hezbollah joue un rôle externe et mette le Liban en danger », a ajouté Hariri. Il a également insisté sur sa volonté de parvenir avec le Hezbollah à un « règlement clair et définitif », et ceci après avoir trouvé « un règlement politique pour la question de l’armement du Hezbollah ». Cette question va être parmi celles posées sur la table des négociations avec le président Michel Aoun, une fois retourné au Liban, comme a mentionné Hariri dans son discours.
Hariri a également évoqué le rôle de l’Arabie saoudite au Liban, en soulignant qu’elle a été le premier pays à aider le Liban après la guerre de 2006. « L’Arabie saoudite aime le Liban, mais elle ne l’aime pas plus que Riyad. Est-ce qu’elle peut continuer à aimer le Liban quand des groupes libanais essayent de déstabiliser le Golfe ? », souligne-t-il.
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