AL-AHRAM HEBDO : Quelle est votre lecture de cet attentat terroriste ?
Ahmad Kamel Al- Béheiri : Au début, j’aimerais expliquer que ce n’est pas un attentat terroriste. C’est une embuscade faite par les terroristes et dans laquelle est tombée la police. Le problème est que les informations reçues par la police n’étaient pas suffisantes. Le nombre de victimes, qui s’élève à environ 16 policiers et soldats, montre que la police ne disposait pas d’informations complètes sur le nombre de terroristes, leurs capacités et leurs équipements. Les policiers, qui devaient participer à une petite mission, ont été pris dans un guet-apens et essuyé le feu de dizaines de terroristes lourdement armés. Deux failles de sécurité ont mené à cette catastrophe. La première est que le groupe terroriste a reçu des informations sur le raid policier. La deuxième est que la police a reçu des informations insuffisantes et les capacités du groupe terroriste n’ont pas été bien analysées.
— D’après vous, quel groupe terroriste est responsable de cette attaque ?
— Il existe trois hypothèses. Au début, le mouvement Hasm était montré du doigt. Or, l’envergure de cette opération bien planifiée au cours de laquelle des armes lourdes ont été utilisées exclut l’implication de ce groupuscule qui ne dispose pas de grands moyens pour exécuter une telle opération. Affilié aux Frères musulmans, ce groupe est habitué à faire des opérations plus ou moins limitées. Les soupçons ont ensuite porté sur le groupe Al-Mourabétoune, dirigé par Hicham Al-Achmaoui, ancien officier des forces spéciales, affilié à Al-Qaëda. Mais ce groupe n’est pas non plus assez fort pour revendiquer cette opération. Il est basé dans la ville libyenne Derna située à 300 kilomètres de l’Egypte. En outre, ce groupe ne compte qu’une centaine de membres, un nombre insuffisant pour mener une telle opération.
— Qui a donc commis cette opération lâche ?
— Le plus probable c’est le groupe terroriste Gonoud Al- Khilafa (guerriers du califat). Un groupe bien armé et entraîné pour mener de telles opérations. Affilié à Daech, ce groupe est basé à Syrte, à 35 kilomètres seulement de l’Egypte. Ce mouvement, qui a prêté allégeance à Daech en novembre 2014, a déjà revendiqué une multitude d’attaques et d’attentats qui ont fait des centaines de morts parmi les policiers et les soldats ces trois dernières années au Caire et dans le Delta du Nil.
— Comment expliquez-vous le transfert des opérations du Sinaï vers le Désert occidental ?
— Le resserrement de l’étau autour des groupes terroristes dans le Sinaï, à cause des coups assénés par l’armée, a affaibli les groupes terroristes. Cet attentat est donc une tentative désespérée des terroristes après les coups durs portés par l’armée. A cause des attaques contre Daech dans le Sinaï, en Syrie et en Iraq, les terroristes de Daech commencent à être actifs dans des régions comme la Libye où il n’existait pas de vrai Etat. Ils sont devenus plus actifs sur les frontières entre l’Egypte et la Libye. Il y a 1 200 kilomètres de frontières entre l’Egypte et la Libye. Ces frontières sont très difficiles à contrôler.
— Comment évaluez-vous la stratégie antiterroriste ?
— L’armée a réussi à endiguer le terrorisme grâce à des campagnes militaires réussies au Nord-Sinaï. L’Egypte a acheté des équipements à l’étranger pour l’aider dans la lutte contre le terrorisme. La France a déclaré aussi qu’il existait une coopération avec l’Egypte pour fabriquer un satellite militaire. L’armée égyptienne a fait des exercices conjoints avec les Etats-Unis et la Russie pour s’entraîner aux techniques de lutter contre le terrorisme. La lutte contre le terrorisme est difficile et complexe, car l’Egypte a des frontières avec des pays où opèrent des groupes terroristes comme la Libye et le Soudan.
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