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Syrie: Le Caire s’agite ... mais rien n’avance

Samar Al-Gamal, Mardi, 07 mai 2013

En 10 jours, Mohamad Morsi a annoncé être sur la même ligne que la Russie, a dépêché une délégation à Téhéran pour négocier du sort de Bachar Al-Assad et a proposé l’élargissement du quartet à Moscou et à Pékin. Autant de signes qui laissent penser que Le Caire a changé de position sur le régime syrien.

Syrie
(Photo: Reuters)

« Je ne tendrais pas ma main à celui qui soutient le régime d’Assad », ainsi avait com­mencé le mandat du président égyp­tien ce qui lui a valu le soutien de plusieurs de ses opposants. Aujourd’hui, Morsi fait marche arrière.

Lors de son premier déplacement en Russie, Morsi a affirmé que Le Caire et Moscou « partageaient le même point de vue sur la crise syrienne ». Une déclaration que reprend à son compte, cette semaine, le ministère égyptien des Affaires étrangères.

Quelques jours auparavant, le pré­sident décide de dépêcher en Iran une délégation qui regroupe Essam Al-Haddad, son adjoint chargé des relations extérieures — et qui fait office de conseiller pour la sécurité nationale —, ainsi que le directeur du cabinet présidentiel et ancien chargé d’affaires à Téhéran, Rifaa Al-Tahtawi.

A Téhéran, les envoyés égyptiens parlent économie, aides financières et sécurité mais évoquent surtout la situation en Syrie. Au menu, « les moyens d’activer l’initiative du quartet, lancée par Morsi, au cours du sommet islamique extraordinaire à La Mecque ».

Un haut diplomate égyptien qui était absent de la rencontre explique que « suite aux déclarations de Morsi en Russie, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali-Akbar Salehi, a appelé son homologue égyptien, Mohamad Kamel Amr, pour proposer une réunion ministé­rielle des pays du quartet ». Cette réunion regrouperait l’Egypte, la Syrie, l’Arabie saoudite et la Turquie.

Le ministre égyptien aurait répli­qué : « C’est encore prématuré de tenir une telle rencontre », raconte ce diplomate qui a requis l’anony­mat. D’après lui, le ministre iranien a alors appelé Haddad qui n’aurait pas caché son enthousiasme. Haddad est parti en Iran moins d’une semaine après.

Entre-temps, Le Caire décide de dépêcher de nouveau son chargé d’affaires à Damas après qu’il eut été convoqué au Caire suite à la chute d’un missile sur l’hôtel que l’ambas­sade égyptienne prend comme siège aux côtés de la mission de Lakhdar Brahimi, envoyé spécial de l’Onu.

La décision de le renvoyer a été prise, affirme un haut responsable au ministère des Affaires étrangères, « suite à des gages syriens de renfor­cer les mesures de sécurité autour de l’hôtel ». Le chargé d’affaires Alaa Abdel-Aziz est l’unique diplomate égyptien sur place à Damas depuis le retour de l’ensemble du personnel de l’ambassade en décembre dernier.

« Il aura surtout pour mission de veiller sur quelque 2 000 Egyptiens toujours en Syrie. Sa présence n’est pas synonyme de relations poli­tiques de haut niveau », poursuit le haut diplomate. L’Egypte avait reti­ré son ambassadeur Chawqi Ismaïl en février 2012 sans jamais le rem­placer, préférant abaisser le niveau de sa représentation diplomatique en Syrie.

L’Egypte veut compter dans le dossier

Mais les Egyptiens ne cachent pas leur volonté de rester présents, voire proches, de tout règlement de la question. « L’ambassade est néces­saire car elle nous permet de com­muniquer avec les Egyptiens en Syrie et nous donne un aperçu de ce qui se passe là-bas », avance le porte-parole adjoint du ministère des affaires étrangères, Nazih El-Naggary.

Le diplomate, qui qualifie la Syrie de l’un des plus importants dossiers de politique étrangère égyptienne, nie qu’une volte-face ait eu lieu dans la diplomatie égyptienne et affirme que Le Caire n’a à aucun moment soutenu l’idée de militariser l’oppo­sition syrienne.

« Lorsque nous évoquons une solution politique, ceci ne signifie pas nécessairement un appui à Assad ou un aval pour son maintien en place », précise un diplomate égyptien sous couvert de l'anonymat. Il ajoute : « Nous sommes fermement opposés à toute intervention militaire contre la Syrie ».

« Ils s’agitent sur place », dit-on. D’autres diplomates égyptiens s’ac­cordent à dire que la position du Caire est restée « inchangée », même si certains évoquent un retour « avec modification » au plan pro­posé par Brahimi qui permet une cession progressive du pouvoir par Bachar Al-Assad.

« Un plan faisable uniquement si Moscou décide de lâcher son allié », avance un diplomate européen en visite au Caire. Il parle d’une entente américano-russe où Poutine accepte­rait le remplacement d’Assad ou l’appui d’une opposition pour arri­ver à un gouvernement de coalition qui ne toucherait pas aux intérêts russes.

Assad avait souvent annoncé qu’il ne quitterait le pouvoir qu’en 2014 avec la fin de son mandat. « Nous ne sommes pas du tout loin de cette date », remarque un diplomate égyp­tien qui estime que cette issue pour­rait faire fléchir les Russes.

« Un changement en Russie en engendrerait un autre chez les Iraniens », poursuit le diplomate égyptien. Ainsi Morsi aurait proposé dans un entretien accordé à l’agence officielle russe un « élargissement du quartet » pour inclure la Russie, le Qatar, la Chine et l’Union euro­péenne.

Washington, vers une nouvelle étape ?

Mais c’est à Washington que se décide la prochaine étape. Déjà John Kerry, secrétaire d’Etat américain, a réussi avec Ban Ki-moon de convaincre Lakhdar Brahimi de reporter sa démission, prévue selon des sources à l’Onu avant la fin du mois. Des noms de potentiels succes­seurs sont évoqués, comme l’ancien président américain Bill Clinton, pré­cise un diplomate proche de Brahimi.

Rien n’est pourtant sûr. Brahimi, qui a quitté les Etats-Unis pour une visite médicale à Paris, est attendu plus tard à Dublin. Sa mission, qui avait trouvé refuge au Caire suite aux bombardements aux alentours de son hôtel, est de retour à Damas, laissant espérer une solution politique.

Les Américains disent pourtant que toutes les options sont sur la table, y compris une intervention militaire. Une intervention que les experts jugent peu probable. Mais une guerre par procuration — à tra­vers Israël — n’est pas écartée. Israël a déjà annoncé cette semaine avoir frappé un convoi de camions trans­portant des armements entre la Syrie et le Liban. La présidence égyp­tienne était parmi les rares pays à avoir condamné « l’agression ».

Ces raids sont « une violation des principes et du droit internationaux et sont de nature à ajouter à la com­plexité de la situation et à menacer la sécurité et la stabilité de la région », a-t-elle affirmé dans un communiqué. La Ligue arabe a appelé le Conseil de sécurité de l’Onu à « agir immédiatement ». Mais les espoirs d’un règlement rapide du conflit restent quasi nuls .

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