(Photos : Bassam Al-Zoghby)
Al-Ahram Hebdo : Voilàdéjà9 ans que vous avez lancévotre entreprise. Pourquoi choisir précisément la région du centre-ville pour investir ? Et comment faire des bénéfices tout en ayant comme objectif une rénovation urbaine ?
Mohamed Al-Taher : Tout a commencéen 2008 quand un groupe d’investisseurs égyptiens et arabes, amoureux du centre-ville, a étéanimépar l’idée de redonner vie àcette région qui représentait un jour un centre culturel et commercial le plus vital du pays. Le choix même du nom de la sociétéd’Al-Ismaelia a étéinspirépar l’endroit puisque au départ, le centreville a éténomméIsmaelia en référence au khédive Ismaïl, celui qui a conçu et décidéd’ériger cette région. La vision de l’entreprise était alors d’acheter les bâtiments àcaractère patrimonial exceptionnel, les rénover sans dénaturer leur style architectural d’origine de l’extérieur aussi bien que de l’intérieur. Les bâtiments restaurés seront réutilisés pour des fins administratives, commerciales et résidentielles. Notre entreprise n’est pas la seule dans le monde àavoir entaméun tel projet. Les expériences internationales sont nombreuses concernant la réhabilitation des centres-villes. Il est tout àfait possible de réhabiliter le centre et de tirer des bénéfices économiques de son secteur immobilier àcaractère architecturel particulier.
—9 ans après, quel est le bilan de vos travaux ?
—On possède aujourd’hui environ 22 bâtiments dans le centre-ville, dont les plus célèbres sont celui de Kodak, Viennoise dans la rue Champollion, du cinéma Radio rue Taalat Harb. Malheureusement, la situation chaotique qui régnait dans le centre-ville, après la révolution de 2011, avait beaucoup ralenti notre plan d’investissement. Mais, on s’est lancéde nouveau avec force dans le chantier après le 30 juin 2013 grâce aux efforts déployés par le gouvernement pour la délocalisation des vendeurs ambulants et au grand rôle jouépar l’Organisme national de l’harmonisation urbaine pour limiter les infractions contre le patrimoine du centre-ville. Le gouvernement, luimême, possède aujourd’hui son propre projet de réhabilitation des bâtiments khédiviaux.
—Quels sont les avantages d’investir dans le centre-ville ?
(Photos : Bassam Al-Zoghby)
—Le centre-ville a beaucoup d’atouts. En premier lieu, son emplacement géographique dans le centre du pays par lequel passent tous les moyens de transport en Egypte. Deuxièmement, l’architecture et la planification urbaine du Caire khédivial sont les plus belles en Egypte. Quant aux avantages économiques, les prix de l’immobilier sont actuellement compétitifs par rapport àd’autres régions au Caire qui possèdent une architecture distinguée.
—Quel est votre plan de réhabilitation des bâtiments khédiviaux ?
—En fait, le plan du développement diffère d’un bâtiment àl’autre, que ce soit dans la durée ou dans la nature même de rénovation, totale ou partielle, puisque chacun d’eux possède un caractère très spécial. La rénovation des façades àl’identique ne nous présente aucun problème. Mais les problèmes surgissent une fois qu’on commence la rénovation de l’intérieur des immeubles. Notre grand défi devient alors de moderniser l’intérieur de ces anciens bâtiments selon les nouvelles règles d’utilisation, comme installer des climatiseurs, des réseaux téléphoniques, des appareils d’alarme d’incendie, augmenter la capacitédu voltage de l’électricité, doubler le nombre d’ascenseurs, etc. Tout ceci sans dénaturer la planification originale du bâtiment et devenir en même temps rentable.
—Parallèlement àla sociétéAl-Ismaelia, le gouvernement a lui aussi son plan de restauration ...
—A mon avis, les travaux du gouvernement sont passés par deux phases. La première s’est intéressée seulement àrénover les façades des bâtiments, les trottoirs, les passages piétons en leur redonnant leur esthétique d’antan. Cette démarche a étébien en soi puisqu’elle a attirél’attention des passants qui ont vu qu’il y a quelque chose de nouveau qui se passe dans le quartier. Mais malheureusement, les bâtiments ont perdu plus vite que prévu de leur éclat. En fait, l’absence de la durabilitémenace la réussite de tout projet de rénovation, notamment dans le secteur immobilier. La deuxième phase, c’est àmon avis celle de la vraie prise de conscience. Elle a pris forme avec la création, début 2017, de la commission nationale pour le développement et la protection du Caire patrimonial. D’une part, celle-ci oeuvre àgarantir la durabilitédes rénovations en posant des règles pour les travaux de maintenance ou des règlements pour empêcher les infractions. D’autre part, cette commission a réussi àdevenir un point de liaison et àentamer un dialogue entre les acteurs publics et privés des projets de réhabilitation du centre-ville àtravers des réunions périodiques. Ces réunions nous aident àtransmettre notre vision de réhabilitation du centre-ville d’une façon plus rapide et plus claire.
—Et ce dialogue a-t-il portéses fruits ?
—En fait, ce dialogue est arrivéen retard, mais l’essentiel est qu’il a vu finalement le jour. Les doutes qui planaient au départ autour du but réel de la création de notre entreprise, comme tentative de la prise du centre-ville, ont étédissipés de la part du gouvernement et des citoyens. Je pense qu’on est aujourd’hui sur la même longueur d’onde avec le gouvernement concernant la vision de la réhabilitation du centre-ville. Et on partage le même objectif. Augmenter la valeur des bâtiments permettra de hausser la valeur de la région du centre-ville et d’attirer plus d’investissements qui se dirigent essentiellement vers les nouvelles cités. En plus, le gouvernement possède plus de la moitiédes bâtiments du centreville. Le déménagement des ministères dans la nouvelle capitale va lui poser aussi un grand défi : comment seront réutilisés les bâtiments libérés ? Je pense que le gouvernement va tirer un grand profit des travaux de la réhabilitation de cette zone.
Lien court: