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La création de zones de désescalade doit amener à une plus grande pacification en Syrie ». Tel est l’objectif du plan russe, qui progresse ces jours-ci sur le terrain, et qui vise à instaurer plusieurs zones de désescalade en Syrie. Signé à Astana au Kazakhstan, par le trio Moscou-Ankara-Téhéran le 4 mai 2017, ce plan prévoit la création de quatre «
zones de désescalade » en Syrie : à Idlib (nord du pays), à Rastan (dans la province de Homs), à Deraa (banlieue est de Damas) et dans la région de la Ghouta orientale (sud). Depuis cette date, la sécurisation de ces villes s’accélère. Et l’on compte aujourd’hui trois zones de désescalade en Syrie : une au nord de la ville de Homs, la deuxième dans la Ghouta orientale et la troisième à la frontière entre la Syrie et la Jordanie englobant les provinces de Deraa, de Quneitra et de Soueïda. Les pourparlers se poursuivent également dans les provinces d’Alep, d’Idlib, de Damas et de Hama.
Selon les mécanismes de fonctionnement de ces zones et tel que prévu par le plan russe, dans les « zones de désescalade », les forces gouvernementales et les groupes armés de l’opposition doivent cesser d’utiliser tout type d’armes, y compris l’aviation. L’opposition armée doit combattre par ses propres moyens les terroristes qui se trouvent dans les zones de désescalade en Syrie pour mettre en place « un distinguo (entre les terroristes et l’opposition) ». Ces zones seront créées pour six mois, une durée qui peut être prolongée. Celles-ci doivent être aussi entourées de « zones de sécurité » constituées de postes de contrôle et de centres de surveillance gérés en commun par l’armée syrienne et les rebelles. Les zones exclues de l’accord sont les trois provinces totalement sous contrôle du régime (Damas, Tartous et Soueïda) ainsi que des régions de l’est et du nord-est du pays, où se trouvent les djihadistes de Daech. Ces zones représentent plus de 20 % des territoires non désertiques du pays (24 000 sur 95 000 km2) et 2,4 millions d’habitants.
Accusations réciproques
Dans son rapport mensuel sur la situation en Syrie, présenté au Conseil de sécurité fin juillet, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a relevé que « l’accord sur la création des zones de désescalade en Syrie, signé le 4 mai dernier par l’Iran, la Russie et la Turquie, a porté ses fruits et a continué d’avoir pour effet positif de réduire la violence dans certains secteurs ». Pourtant sur le terrain, dans la plupart des zones de désescalade, les deux camps, régime syrien et opposition, s’échangent les accusations d’avoir violé le cessez-le-feu. D’une part, les factions de l’opposition accusent le « régime » de violer cet accord en les prenant pour cible, soit par des raids aériens ou par actes de combat. D’autre part, Damas se défend qu’il visait uniquement Daech et le Front Fatah Al-Cham (ex-Al-Nosra) sous prétexte que leurs combattants sont infiltrés dans ces régions.
Le 23 juillet dernier, l’armée syrienne a été accusée par l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) d’avoir bombardé la Ghouta orientale faisant 25 morts et des dizaines de blessés. Les villes de Hammouriyé et de Kaftar Batna dans la Ghouta ont notamment été touchées, comme a indiqué Rami Abdel-Rahmane, directeur de l’OSDH. Pour lui, il s’agit d’une « violation du cessez-le-feu » en niant « l’existence d’une des factions djihadistes dans les zones touchées par les bombardements ». Mais, selon l’armée syrienne, « un certain nombre de zones de la Ghouta orientale » ne sont pas couvertes par les zones de trêve. Le même jour de l’attaque de la Ghouta, des affrontements entre deux groupes rebelles ont également eu lieu à Idlib, autre zone de désescalade mentionnée dans l’accord. Plus récemment, jeudi 3 août, des échanges de tirs d’obus de mortier dans la province de Homs, également autre zone de désescalade, ont été signalés, malgré l’accord signé le jour même.
Cependant, le Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit dément complètement les allégations de bombardements portées le 24 juillet dans la Ghouta orientale. Selon le représentant du centre, ces informations « sur une frappe aérienne prétendue, portée le 24 juillet au soir dans la zone de désescalade de la Ghouta orientale, sont absolument fausses, elles visent à discréditer le processus de paix ».
Un pas dans la bonne direction
Cela dit, Talaat Mossallam, expert militaire, estime que malgré ces incidents, la trêve dans ces zones tient globalement le coup. Et que, selon les données actuelles, les chances de succès de ce plan sur le terrain sont grandes. « C’est un pas dans la bonne direction après l’échec, jusqu’à présent du moins, des négociations de Genève. Cet accord offre un autre cadre des négociations sécuritaires basées sur l’équation ni gagnant ni perdant, entre les partisans du régime de Bachar sur place et l’opposition sur le terrain », dit Mossallam.
Pour Khaled Okacha, un autre expert sécuritaire, c’est une démarche positive, mais reste toujours partielle. La création de ces zones devrait déboucher finalement sur l’élaboration d’un accord politique de règlement général du conflit en Syrie, d’après lui. Pour l’expert, cet accord offre en parallèle une autre dimension humanitaire très importante puisque selon le plan, dans ces zones, l’accès humanitaire devra être assuré, ainsi que l’acheminement de l’aide médicale, la remise en état des infrastructures, notamment l’eau et l’électricité. Le retour volontaire des réfugiés et des déplacés devra être facilité.
Toutefois, « aujourd’hui on parle peu de l’accès à l’aide humanitaire dans les zones de désescalade en Syrie », comme a dévoilé, dimanche dernier, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou. « Les zones de désescalade en Syrie étaient ouvertes à l’aide humanitaire. C’est pourquoi nous le disons nous-mêmes : Livrez (de l’aide humanitaire) dans les zones de désescalade, tout y est ouvert. Il va de soi que le soutien des organisations humanitaires internationales et des Nations-Unies, est nécessaire », a annoncé le ministre.
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