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La fièvre des agences publicitaires

Amani Gamal El-Din, Jeudi, 08 juin 2017

Six agences publicitaires se partagent le marché en Egypte et ont le monopole sur un secteur géré par le flou.

La fièvre des agences publicitaires

Pendant le mois du Ramadan, l’audimat atteint des pics alléchés par les séries télévisées concoctées spécialement pour l’occasion. Une aubaine pour les agences de publicité qui ont flairé depuis des années le filon d’or. D’année en année, le phénomène a atteint des summums. Selon Adham Rouchdi, partenaire de l’agence publicitaire Advantage, 35 % de la production publicitaire est diffusée durant le mois sacré. Selon Business Monthly, une publication de l’Agence américaine du commerce en Egypte, les agences de publicité qui décident d’investir durant le Ramadan y consacrent 30 % de leur budget.

La course est acharnée entre les six prin­cipaux agents de la publicité : Promomedia, Adline, Dmedia, Choueiri Group, Al-Hayat Media et Future Media, dont les noms apparaissent après chaque pause au point que le temps consacré aux publicités dépasse de loin celui consacré aux feuille­tons. « Les agences de publicité sont ainsi engagées dans une compétition féroce. Elles monopolisent tout l’espace satellite », s’indigne Aya Sami, maître-assistant à la faculté de communication de l’Université du Caire.

Un secteur fou

Ce boom des pubs sur les écrans est, selon Tarek Nour, propriétaire de l’une des plus anciennes agences de publicité Tarek Nour Advertising, une manière de compenser les pertes énormes encourues par ce business dans les sept der­nières années et qui ont été estimées à environ 2,5 mil­liards de L.E. par an.

« C’est un secteur fou. Personne au monde ne peut diffuser ce nombre incroyable de publicités », s’exclame Nour. « C’est un marché à la fois désorga­nisé et saturé, où l’offre dépasse de loin la demande, et les coûts de la production sont supérieurs aux gains. Cette année, nous estimons que les revenus se chiffrent à 3 milliards contre 5,5 milliards dépensés sur la production. Toutes les chaînes via leurs agents publicitaires accumulent les pertes exorbitantes. Raison pour laquelle les agents se précipitent pour vendre ce tas énorme de pub pour combler ce déficit », affirme Adham Rouchdi. D’après lui, « cet état est ressenti à travers la compétition féroce de six grands agents. C’est un phé­nomène spécifique à l’Egypte ».

Le marché a pris une telle ampleur que certaines chaînes font désormais des offres aux publicitaires. Ainsi, le bouquet de chaînes saoudien MBC et ses filiales (agent publicitaire Choueiri Group) offre 150 millions de L.E. pour la diffusion de 300 spots publicitaires de 30 secondes chacun. La chaîne qui diffuse une série où le célèbre comédien Adel Imam tient la vedette a bien fait ses calculs. Imam attire l’audimat. La chaîne paye au comédien 90 000 L.E. pour chaque spot publicitaire qui traverse sa série télévisée. Dans ce marché en pleine effervescence de la pub, la télévision publique égyptienne est dis­qualifiée de la course. Le prix d’une minute de pub varie entre 5 000 et 10 000 L.E., rien à voir avec les offres alléchantes comme celle de MBC par exemple ou celle de la toute nouvelle chaîne DMC qui pro­pose 120 millions de L.E. pour 220 sopts publicitaires de 30 secondes.

Saturation risquée

Cette saturation et cette course effrénée des agences de publicité risquent de les conduire à leur perte. Selon Nour : « C’est un marché qui n’a pas de règle. Le résul­tat inévitable serait la faillite de tous ces agents qui représentent les différentes chaînes dans un avenir proche, et la seule solution qui leur serait imposée est de réduire les coûts et d’appliquer un modèle de fusion entre eux. Mais pour qu’elle soit correctement appliquée, les gros bonnets doivent s’entendre ; le secteur de la pub en Egypte n’est pas encore mature ». Cet avis est corroboré par Adham Rouchdi, partenaire de l’agence publicitaire Advantage. Il estime qu’à l’avenir, il faut que le secteur soit plus compétitif et capable de s’ouvrir aux marchés régio­naux comme l’émirati où le budget de la pub est estimé à 2,5 mil­liards de dollars, alors qu’en Egypte il est estimé à 30 millions de dollars.

Pour Aya Sami, le secteur doit évoluer en matière de régulation du marché, de réforme médiatique, de pro­duction, de marketing et de goût du public. « Dans un marché libre, il est inadmis­sible de continuer à dépendre de la cote des comédiens et de la quantité de séries », conclut-elle.

L'empire des grands

Par définition, le monde de la publicité a toujours été l’arme indispensable pour commercialiser les intérêts. Jusqu’au début du millénaire, il n’y avait qu’un seul grand acteur privé sur la scène publicitaire égyptienne, inspiré du modèle américain, qui est la boîte Americana. Celle-ci a prospéré à la lumière du rapproche­ment égypto-américain à l’issue de l’Infitah. Elle a acquis une renommée également dans le « marketing politique ». En 2011, Tarek Nour, propriétaire de Tarek Nour Advertising, lance la chaîne Al-Qahera wal Nas au début pour la diffusion exclusive de cam­pagnes publicitaires pendant le mois du Ramadan.

Depuis une décennie environ, six autres acteurs se sont livrés au jeu médiatique et publicitaire, comme l’agence publicitaire Adline qui gère les chaînes CBC et Al-Nahar et qui a été formée par le trio d’hommes d’affaires et producteurs Amr Al-Fiqqi, Islam Al-Alfi et Alaa Al-Kahki. Cette entité travaille avec un nombre de sous-traitants, un réseau d’agences de publicité locales et multi­nationales, à l’instar de Mindshare et Initiative Media, et monopo­lise les publicités de certaines publications, telles que le journal Al-Shorouk et Al-Tahrir avant qu’il ne soit seulement online.

Promomedia, qui gère les chaînes ON TV, Dream 1 et Dream 2, Cairo Drama et Moga Comedy, dont le propriétaire est l’homme d’affaires Naguib Sawirès, est également comptée parmi les plus grandes entités de publicité. L’éminent homme d’affaires de renommée mondiale dirigeait un business familial et était l'un des principaux actionnaires de la compagnie de télécommunications Mobinil avant qu’il ne cède ses actions au géant Orange. La com­pagnie a été co-fondée avec l’homme d’affaires et producteur d’une série de programmes télévisés, Ihab Talaat, avant qu’il ne quitte ce partenariat.

L’agence Choueiri Group gèrent le network des chaînes saou­diennes MBC, qui sont les premières diffusées par satellite dans le monde arabe. Le magnat des médias a un portfolio diversifié et dirige également la célèbre chaîne d’informations Al-Arabiya. Il possède également des plateformes online et a une présence affirmée dans les marchés arabes.

« Malgré le large réseau des agences opérantes, le marché égyptien demeure très perturbé, faute de régulateur et d’études prévisionnelles du marché. Raison pour laquelle certaines alliances stratégiques entre ces magnats ont fait échouer cette tentative d’alliance entre Promomedia et Adline.

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