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Pas de loi pour la publicité

Samar Al-Gamal, Jeudi, 08 juin 2017

Le flot de publicités déversées sur les écrans des chaînes de télévision n'est régi par aucune règle. Explications.

Pas de loi pour la publicité
Ronaldo dans la pub égyptienne.

La star du Real Madrid, Cristiano Ronaldo, apparaît sur la chaîne ON TV dans un spot de publicité pour une société de fer l’Egyptian Steel, une société appartenant à l’homme d’affaires Ahmad Abou-Hachima qui est aussi propriétaire de la chaîne. La séquence dure plus de deux minutes, mais selon les spécialistes, cette pub de l’idole du ballon rond coûte certes moins cher que celle par exemple du réseau de télécommunications Vodafone qui rassemble les stars du cinéma et de la chanson arabes dans un spot qui dure 2:30 minutes. Regarder la télévision durant le Ramadan est désormais un vrai calvaire. La soirée, qui commence avec le coucher du soleil, ressemble plus à des bandes-annonces entrecoupées de quelques minutes de séries télévisées ou de programmes. Une émission de l’animateur Ramez Galal, une sorte de caméra cachée, qui est de loin la plus regardée depuis des années sur la chaîne saoudienne MBC, est l’exemple le plus flagrant de ce qu’est devenu le petit écran durant ce mois béni.

Un conseil de l’audiovisuel muet

Désormais, le téléspectateur n’a droit qu’à une minute 40 secondes de la série télévisée, ou au maximum 2 minutes diffusées avant de passer de 7 à 11 minutes de spots publicitaires.

Faute d’alternative, les Egyptiens ont accepté ce fait accompli et se sont habitués à voir leurs séries favorites découpées en morceaux, un peu à l’américaine où les émissions sont entrecoupées toutes les 7 minutes. Un système qui est d’ailleurs en train de changer sur certaines chaînes pour passer de 20 à 9 minutes de pub par heure.

« Il n’existe aucune réglementation en Egypte concernant les insertions de publicités dans les émissions », explique l’animateur et expert des médias Amr Khafagui. Il donne l’exemple de la France où la publicité à la télévision est réglementée par de nombreux textes et est régie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et le Bureau de l’autorité de régularisation de la publicité. En Egypte, la toute nouvelle instance de l’audiovisuel, le Conseil suprême de la régulation et du développement des médias, créé en février dernier, n’a pas encore décidé des modalités à prendre. Ses membres parlent pourtant d’un texte qui limiterait les publicités à 20 ou 30 % de l’oeuvre diffusée (lire entretien page 12).

En France, pour suivre le même exemple, une période d’au moins 20 minutes doit s’écouler entre deux interruptions successives à l’intérieur d’une même émission, et ce, qu’il s’agisse d’une oeuvre cinématographique, d’une série, d’un feuilleton ou d’un programme sauf les programmes sportifs.

Le temps d’antenne consacré à la publicité

Pas de loi pour la publicité
La caméra cachée de Ramez Galal attire le plus grand nombre de publicité.

Sur les chaînes privées, le temps d’antenne consacré à la publicité est limité à 9 minutes par heure en moyenne quotidienne sur l’ensemble des périodes de programmation. Sur les chaînes distribuées par câble, ou diffusées par satellite, la durée consacrée à la publicité ne peut excéder 12 minutes pour une heure d’horloge donnée.

Les règles encadrant la durée des messages publicitaires sont plus strictes sur les chaînes publiques françaises : cette durée ne peut dépasser 6 minutes par heure en moyenne quotidienne, ni 8 minutes pour une heure d’horloge donnée. De plus, depuis 2009, les chaînes publiques ne peuvent plus diffuser de publicité de marques de 20h à 6h du matin.

En Egypte, et selon le président de l’Agence de protection des consommateurs, Atef Yaacoub, « aucun texte ne précise la durée de la publicité. Le seul texte dont nous disposons parle d’autres régulations ». Le texte dit Critères de publicités parle de 11 critères. Aucun ne concerne la durée et la disparité du produit audiovisuel et de la publicité. Yaacoub est à la tête d’un organisme qui a pris à son compte le monitoring des publicités pour « s’assurer conformément à un texte de 2005 qu’elles sont conformes à l’éthique et aux moeurs du mois sacré », explique-t-il.

Dans environ 4 mètres carrés, 3 fonctionnaires regardent pendant 8 heures, sur des écrans d’ordinateurs, 24 chaînes de télévision pour recenser les potentielles publicités qui doivent être censurées et déférer le dossier au Parquet pour prendre les mesures nécessaires. Pour la première semaine du Ramadan, ils ont décidé de référer au procureur 3 bandes annonces. Une sur les sous-vêtements pour hommes jugée portant atteinte à la pudeur, une deuxième sur le yaourt qui se dit le premier en France et une troisième sur un fromage blanc dont la pub affirme qu’il est le premier en Egypte. L’agence attend un nouveau texte qui lui permettra de mieux servir les téléspectateurs.

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