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Egypte: 2 amendements du pouvoir judiciaire au coeur du conflit

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 30 avril 2013

Les réformes proposées par le gouvernement sur le statut du pouvoir judiciaire sont fortement rejetées par l'ensemble de la magistrature. Selon elle, la Constitution n'autorise pas le Conseil consultatif à légiférer sur le sujet.

Le Club des juges
Le Club des juges, présidé par Mohamad Al-Zend, accuse les Frères musulmans de vouloir imposer leur hégémonie sur la justice. (Photo: Amir Abdel-Zaher)

La tension est montée d’un cran entre les magistrats et les Frères musulmans sur les amen­dements relatifs au statut du pouvoir judiciaire.

Deux des 4 amendements sont fortement critiqués par le Club des juges qui, dans un communiqué publié jeudi 25, a qualifié le projet présenté de « douteux de par ses des­seins et objectifs ». En fait, trois projets de modification sont présentés, le premier par les Frères musulmans, le deuxième par la Gamaa islamiya, et le troisième par le parti Al-Wassat qui a créé une nouvelle source de polémique, à commencer par une interrogation sur la légi­timité du Conseil consultatif à promulguer une telle loi.

Selon la Constitution, le Sénat n’est pas habilité à débattre du projet de loi sur la magistrature, car la mission de légiférer dont il a été investi est à caractère exceptionnel et provisoire.

C’est ce qu’affirme Nasser Amin, président du Centre pour l’indépendance des juges qui explique que, « selon l’article 102 de la Constitution, cette loi fait partie de ce qu’on appelle les lois complémentaires de la Constitution. Il s’agit de lois d’exception exi­geant, lors de leur discussion, la présence des deux Chambres parlementaires ainsi que des experts de ces institutions juridiques. Le vrai problème de ce projet est qu’il est fait par une élite qui n’a pas la moindre expérience juri­dique et qui fait une mauvaise lecture des clauses ».

3 500 juges seraient limogés

Selon le projet présenté par le parti Al-Wassat, les amendements toucheront essentiellement 4 articles. Celui qui a suscité la plus grande polé­mique est le troisième amendement. Il suggère de réduire l’âge de passage à la retraite des magistrats de 70 à 60 ans.

De nombreux magistrats affirment que les islamistes tentent à travers cet article de faire passer une loi visant à écarter les magistrats de l’opposition, dont l’ancien procureur général et certains membres de la Haute Cour consti­tutionnelle.

Selon le juriste Abdallah Al-Moghazi, les intentions des courants islamistes sont claires. Il tentent de « frériser » cette institution comme beaucoup d’autres dans le pays. « La loi sur le pouvoir judiciaire permet de nommer parmi les juges 25 % d’avocats. Selon des sources sûres, une liste de noms d’avocats de tendance isla­miste est déjà prête ».

Des salaires unifiés

Par ailleurs, selon les modifications apportées à l’article 4, « les salaires des membres de l’appa­reil judiciaire et des organes judiciaires seront déterminés conformément à l’échelle des salaires sans distinction entre les corps judiciaires ».

Pour Aboul-Ela Madi du parti Al-Wassat, la justice sociale serait réalisée ainsi au sein des différentes instances juridiques. Selon la loi en vigueur, les salaires diffèrent selon les fonctions et leur importance. Pour Al-Moghazi, « il s’agit d’une question de morale ».

Le Club des juges, présidé par Mohamad Al-Zend, accuse les Frères musulmans de vouloir imposer leur hégémonie sur la justice. Il n’a pas hésité à appeler dans un communiqué le prési­dent de l’Union internationale des magistrats à venir en Egypte pour s’enquérir des « dépasse­ments » enregistrés contre le pouvoir judiciaire.

Deux amendements consensuels

Les deux premiers amendements sur le choix du procureur général n’ont pas suscité de réelle polémique. Selon ces articles, le Parquet général devient partie intégrante de la magistrature. Le procureur général est nommé par le président de la République sur proposition du Conseil suprême de la magistrature, pour un seul mandat de quatre ans ou jusqu’à la retraite s’il est en fin de carrière.

Dans une déclaration publiée mercredi 24 avril, Gamal Hechmat, député du Parti Liberté et jus­tice au Conseil consultatif, a affirmé que le parti n’insisterait pas sur ces 2 amendements bien qu’un débat ait eu lieu.

Mais les amendements 3 et 4 risquent de signer l’entrée en guerre de l’institution judiciaire contre les partis actuels de l’islam politique.

Les articles principaux de la Constitution touchant à l'institution judiciaire

L’article 169 de la Constitution garantit à chaque institution judiciaire un budget indé­pendant et rend obligatoire son avis préa­lable sur les projets de loi qui la concernent.

L’article 173 fixe à 4 ans le mandat du procureur général. Le Conseil suprême des magistrats propose 3 noms au président de la République qui en nomme un par décret.

L’article 176 réduit le nombre des magistrats membres de la Haute Cour constitutionnelle de 19 à 11. Il stipule que la Cour est formée d’un président et de dix membres. Les conditions et les moda­lités de sélection sont déterminées par la loi. Leur nomination se fait par décret présidentiel.

L’article 233 stipule que les 8 juges ne faisant plus partie de la Haute Cour sont renvoyés à leurs instances judiciaires d’origine.

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