Les attaques ont visé six camps d'entraînement en Libye.
Source d’armement pour les terroristes qu’elle abrite et exporte, la Libye est devenue, depuis la chute de Muammar Kadhafi en 2011, une source de menace pour l’Egypte. Ce à quoi le président Abdel-Fattah Al-Sissi a fait allusion dans son discours suite à l’attentat perpétré à Minya vendredi dernier, qui a fait 29 morts parmi la communauté copte dont plusieurs femmes et enfants.
En représailles, les forces égyptiennes ont frappé des camps d’entraînement djihadistes à Derna, au nord-est de la Libye. Selon le porte-parole militaire, le colonel Tamer Al-Réfai, les attaques ont visé six camps d’entraînement dont le quartier général de Majless Moujahidine Derna, un groupe proche d’Al-Qaëda qui contrôle la ville. Le même responsable ajoute que l’opération a été réussie, et que les pertes des terroristes ont été lourdes. L’Egypte dit disposer de « suffisamment d’informations et de preuves sur l’entraînement dans ces camps des éléments terroristes impliqués » dans l’attentat de Minya.
Il s’agit de la deuxième riposte du genre. En février 2015, l’aviation égyptienne a mené des raids sur des positions de l’Etat Islamique (EI) dans la même ville suite à la décapitation de 21 Egyptiens coptes en Libye.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid, a affirmé que la délégation permanente de l’Egypte auprès des Nations-Unies a remis dimanche un message au Conseil de sécurité, affirmant que les raids aériens de l’Egypte sur la ville de Derna en Libye intervenaient conformément à l’article 51 de la Charte de l’Onu sur le droit de légitime défense et aux résolutions du Conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme.
L’aviation loyale au maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen, a annoncé samedi avoir participé aux frappes aériennes menées par l’Egypte. Ces dernières ont été dénoncées par le Gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli.
D’après le général Mahmoud Khalaf de l’Académie militaire Nasser, le gouvernement de Tripoli est complètement déconnecté de la réalité sur le terrain à l’Est de la Libye. Il ajoute que les frappes égyptiennes visant les infrastructures des groupes terroristes pourraient bien continuer à défaut d’une intervention du Conseil de sécurité.
Frappes à l'ouest et au sud
Une source libyenne basée à Derna a révélé que certaines frappes aériennes ne sont pas annoncées, comme celles menées en mars dernier toujours sur la ville de Derna. Il estime que les prochaines frappes devraient s’étendre vers l’ouest et le sud de la Libye.
La ville de Derna était sous l’influence d’une filiale du groupe Ansar Al-Charia (proche d’Al-Qaëda) entre 2011 et 2014. Fin 2014, plusieurs djihadistes ont fait défection pour prêter allégeance à l’EI et s’emparer de la ville. Le reste des djihadistes dont l’idéologie est plutôt proche d’Al-Qaëda ont formé une coalition, Majless Moujahidine Derna, qui a réussi, durant l’été 2015, à chasser l’EI de la ville.
Samedi, le groupe libyen Ansar Al-Charia a annoncé sa « dissolution » dans un communiqué publié sur Internet. Le groupe, qui a perdu la plupart de ses commandants, promet de former une « nouvelle génération » de djihadistes.
En réponse à la question de savoir pourquoi l’Egypte a visé des positions d’Al-Qaëda, alors qu’elle accuse l’EI de l’attentat du vendredi, l’expert des mouvements djihadistes, Ali Bakr, explique que si la ville de Derna est contrôlée par des factions se revendiquant d’Al-Qaëda, il y existe également des groupes qui apportent un soutien non affiché à l’EI. Plus important encore, poursuit-il, les groupes proches d’Al-Qaëda comptent parmi leurs rangs de nombreux Egyptiens, comme l’ex-officier Hicham Achmawi, impliqué dans des attentats contre l’armée dans le Sinaï et contre des responsables égyptiens dont notamment l’ancien ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim.
Entre-temps, les forces de sécurité, épaulées par des unités d’élite et des avions, poursuivent le ratissage des zones montagneuses à Minya, à la recherche des auteurs de l’attentat. En outre, d’après les mêmes sources, l’armée a renforcé le contrôle du triangle frontalier Al-Owaynat dans l’extrême sud-ouest qui lie l’Egypte, le Soudan et la Libye pour empêcher et prévenir toute infiltration d’extrémistes dans les territoires égyptiens.
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