L’attentat de Minya intervient à moins de deux mois après le double attentat perpétré également par Daech, le 9 avril dernier, et qui a visé deux églises dans les gouvernorats de Tanta et d’Alexandrie, faisant 46 morts. Samedi, le groupe terroriste Daech a revendiqué l’attentat. «
Un détachement de sécurité de l’Etat Islamique (EI) a perpétré une attaque hier à Minya, visant un bus transportant des coptes », a déclaré l’agence de propagande du groupe, Amaq, dans un communiqué. Le groupe terroriste mène depuis plusieurs mois une campagne contre les coptes. Une autre attaque suicide contre une église en plein coeur de la capitale avait fait 29 morts en décembre. Le groupe terroriste s’est engagé à multiplier les attaques contre les chrétiens d’Egypte.
Pourquoi les coptes ?
Les experts s’accordent à dire que la multiplication des attaques contre les Egyptiens coptes vise en premier lieu à donner du fil à retordre au régime au pouvoir. Depuis plusieurs mois déjà, l’Egypte est endeuillée par les attentats. Depuis 2013, après la chute du président islamiste Mohamad Morsi, les coptes sont devenus cible privilégiée des attaques terroristes qui visent de même l’armée, la police et les institutions de l’Etat. Plusieurs églises dans les provinces avaient été incendiées par des manifestants accusant les chrétiens de soutenir les militaires. « Ce n’est pas nouveau pour nous d’être visés par le terrorisme. On paye le prix de notre soutien à l’armée et à l’Etat », lâche Mina Al-Masri, rentré spécialement dans sa ville natale pour les funérailles des parents d’un ami, tués dans la dernière attaque.
Selon l’intellectuel Kamal Zakher, il s’agit d’une guerre lancée par les islamistes radicaux contre le régime du président Sissi. « Les chrétiens payent la facture de leur participation à la révolution du 30 juin 2013, qui a évincé les Frères musulmans, et de leur soutien au président Sissi. Un régime que les coptes perçoivent comme un sauveur face à la discrimination et les persécutions qu’ils risquaient sous le régime des Frères », avoue Zakher. Selon lui, ces attentats vils sont un message adressé aux Egyptiens dans leur totalité, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. « Les groupes terroristes se nourrissent de l’instabilité. C’est pourquoi ils cherchent à semer ce climat de panique et de terreur et à diviser la population. C’est aussi un message au président Sissi qui mène depuis son accession au pouvoir une guerre contre les groupes terroristes surtout à la péninsule du Sinaï », ajoute Zakher.
Vision partagée par l’expert des mouvements islamistes Ahmad Ban, qui souligne que les attaques confessionnelles de Daech montrent que l’organisation est toujours en phase d’expansion malgré les revers sur le champ de bataille. Le contexte régional alimente, selon lui, la montée du terrorisme. Ban estime que les attaques confessionnelles que mènent Daech servent le projet du groupe, à savoir mettre fin à la diversité religieuse au Proche et Moyen-Orient. « Les minorités ethniques ou religieuses sont toujours vulnérables et les groupes terroristes les utilisent pour déstabiliser les pays. Comme en Iraq et en Syrie, Daech profite des tensions sectaires et ethniques pour s’y proliférer. En Egypte, ils tentent aussi de jouer la même carte en visant la plus grande communauté chrétienne de la région, les chrétiens d’Egypte. Bref, cette stratégie de la terreur vise à les faire partir à leur tour. Un but difficile à atteindre, puisque les Egyptiens sont conscients du complot visant tout le peuple », rassure Ban.
Multiplication des attentats. Pourquoi ?
Ban interprète la multiplication des attentats ces derniers mois en Egypte dans le cadre de la défaite que connaît Daech au Sinaï comme c’est aussi le cas en Iraq, en Syrie et en Libye. Il affirme que la branche égyptienne de Daech au Sinaï fait face à de véritables difficultés financières et logistiques, grâce aux efforts militaires et sécuritaires à la péninsule. Et cela intervient avec la défaite que connaît le groupe, notamment en Syrie et en Iraq. « En menant ces attaques en dehors du Sinaï, les terroristes tentent de faire preuve de résistance et d’alléger la pression sécuritaire contre le mouvement à la péninsule », explique Ban. En fait, l’armée mène depuis 2013 une vaste campagne militaire visant les fiefs terroristes. Des centaines de terroristes ont été liquidés, des dizaines de dépôts d’armes ont été détruits, des coups qui ont affecté leurs capacités organisationnelles. Or, Ban met en garde contre une situation qui risque de dégénérer si la stratégie de lutte contre le terrorisme n’évolue pas. « Les éléments terroristes au Sinaï ont reçu des entraînements militaires de haut niveau par le Hamas et par les groupes terroristes en Syrie et en Libye. Et c’est ce qui explique leurs opérations ciblées, imprévisibles et meurtrières. Cela nécessite de revoir les plans sécuritaires pour s’adapter aux évolutions du groupe », fait remarquer Ban. Des efforts sont certes déployés et ont porté leurs fruits, mais ils restent apparemment insuffisants pour éradiquer les réseaux terroristes financés et abrités par des pays et des services de renseignements comme l’a affirmé le président Sissi, lors de son intervention la semaine dernière au Sommet arabo-islamo-américain tenu à Riyad. Le président avait souligné qu’« il n’est pas seulement question de ceux qui portent les armes, mais également de ceux qui abritent le terrorisme, le financent et lui offrent un couvert politique ».
Un 26 mai noir
Les coptes continuent d’être la première cible des terroristes. Vendredi 26 mai, des coptes ont été victimes d’un attentat terroriste revendiqué par Daech, qui a fait 29 morts et 25 blessés, selon les chiffres du ministère de la Santé. Le drame a eu lieu lorsque des hommes armés et cagoulés avaient attaqué, vendredi, à l’arme automatique un bus transportant des chrétiens coptes. Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur, à bord de deux autocars et d’un camion, les fidèles se rendaient dans le monastère de Saint-Samuel, dans la province de Minya, à plus de 200 km au sud du Caire. Sur leur chemin, ils se sont fait attaquer par 10 hommes armés. Les attaquants, cagoulés, ont intercepté les deux bus et le camion dans lesquels ils voyageaient avant de faire feu à l’arme automatique. Ils ont ensuite pris la fuite. Les ambulances se sont précipitées pour transporter les victimes entre morts et blessés dont le sang jonche la terre. Une scène macabre qui révèle l’atrocité du crime. Les forces de l’armée et de la police ont bouclé les entrées de la ville et ses alentours et ont ratissé la région à la recherche des terroristes. Le premier ministre, Chérif Ismaïl, s’est rendu vendredi sur les lieux de l’attentat à Minya, accompagné d’un nombre de ministres dont celui de l’Intérieur et celle de la Solidarité sociale pour suivre la situation. Une indemnisation de 100 000 L.E. a été décidée pour les familles des victimes et le gouvernement a promis de poursuivre et de punir les auteurs de ce crime l
Lien court: