
Rohani en compagnie de l'émir du Koweït.
(Photo:Reuters)
Au moment où le président américain Donald Trump tenait à Riyad un sommet arabo-islamo-américain, l’Iran était en train de célébrer la réélection de son président « modéré », Hassan Rohani. « Le message de notre peuple a été clairement exprimé. Le peuple iranien a choisi la voie de l’entente avec le monde, loin de l’extrémisme », a affirmé M. Rohani dans une allocution retransmise à la télévision. La victoire du candidat partisan de l’ouverture au monde sur le candidat ultraconservateur a été ignorée par son voisin et grand rival du Golfe. Au contraire, le sommet s’en est pris à l’Iran comme l’ennemi numéro un. L’Iran est accusé de semer les troubles internes pour déstabiliser les régimes sunnites. Le roi Salman de l’Arabie saoudite s’est ainsi livré, à l’ouverture du sommet, à une attaque sans précédent contre l’Iran qu’il a qualifié de « fer de lance du terrorisme mondial ». Le régime iranien soutient les groupes et les mouvements terroristes comme le Hezbollah (mouvement chiite libanais), les Houthis (rebelles chiites yéménites), Daech (acronyme arabe de l’EI) ainsi qu’Al-Qaëda et d’autres, a encore ajouté le monarque saoudien.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a rétorqué en dénonçant dans un tweet les « attaques » formulées contre son pays, suggérant que Washington voulait « pomper » l’argent de l’Arabie saoudite.
« L’Iran, qui vient de tenir de vraies élections, est attaqué par le président des Etats-Unis », a-t-il dit en parlant de l’Arabie saoudite. « S’agit-il de politique étrangère ou de pomper 480 milliards de dollars au roi de l’Arabie saoudite ? », a-t-il poursuivi, en faisant allusion à des contrats signés entre Washington et Riyad lors de la visite de Trump en Arabie. « Le message de la rue iranienne optant pour la modération n’a pas été entendu de l’autre côté des frontières et est passé inaperçu au sommet », explique le chercheur Hassan Abou-Taleb. Selon lui, « les relations déjà tendues entre les Arabes et l’Iran seront encore plus compliquées et serviront d’alibi pour les radicaux en Iran afin d'adopter des positions encore plus hostiles à l’égard des pays du Golfe ». Une radicalisation des positions chez les deux parties est à l’horizon, estiment les observateurs.
Le plus important changement que note Abou-Taleb est une course à l’armement non sous sa forme traditionnelle d’achats d’armes, mais par l’implantation d’une industrie militaire dans les pays du Golfe, notamment en Arabie saoudite. Le communiqué final du sommet comprend une déclaration d’intention exprimée par certains pays islamiques pour fournir quelque 34 000 soldats pour la lutte contre le terrorisme si cela s’avère nécessaire.
Pour combattre où ? En Iraq ou en Syrie ? Par le passé, la confrontation avait pris la forme d’une guerre directe entre l’Iraq et l’Iran dans les années 1980 avant de se transformer en guerre par procuration au Yémen.
Abou-Taleb note un changement de priorité dans l’agenda des pays arabes. « La question palestinienne et le conflit avec Israël reculent en faveur de la confrontation avec l’Iran ». Ainsi les pays arabes feront pression pour isoler davantage Téhéran. « Un isolement dans le commerce et l’aviation, mais aussi un isolement au sein de l’OPEC, où l’Iran est un membre de poids », estime le chercheur du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. On voit mal d’ailleurs des pays comme la Chine et la Russie sacrifier leurs relations avec les Iraniens, même si Trump est un fervent de cette approche. Un dessèchement des bases de l’Iran en Syrie est peut-être possible selon les analystes, il est pourtant beaucoup plus compliqué en Iraq où l’lran est très influent grâce surtout à la très importante communauté chiite. Au Liban, c’est une mission presque impossible. Le Hezbollah est un acteur-clé dans la politique libanaise. Le président Michel Aoun, allié du Hezbollah, a ainsi décidé de signer absent au Sommet de Riyad .
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