Jia Jia répond aux questions des visiteurs officiels du parc high-tech de la ville de Hefei, capitale de la province d’Anhui (Est de la Chine). Son prénom signifie «
belle fille » en chinois. Effectivement, elle est ravissante cette femme-robot, conçue par une équipe de chercheurs locaux, de manière à interagir avec les hommes et à reproduire des sentiments tels que la joie ou la colère. Vêtue du costume traditionnel de la dynastie Tang (618-907), autrefois réputée pour sa super-élite lettrée et la place réservée aux femmes, Jia Jia bat des cils, avec une moue boudeuse. Parfois, elle est fâchée contre son interlocuteur et refuse de lui parler, alors que dans d’autres cas, elle bouge les lèvres, tout naturellement, pour lui souhaiter la bienvenue ou identifier ses sentiments. Car elle est capable de reconnaître l’émotion de son interlocuteur, au ton de la voix. Et ce, contrairement à ses soeurs aînées dont la création remonte à 2009, lorsqu’on a commencé par une première génération de femmes-robot pour guider les enfants dans les écoles ou les clients dans un centre commercial. Ensuite, a suivi une deuxième génération domestique ou robot-femme de ménage, pour arriver à Jia Jia, la plus belle et la plus communicante.
Ce qui met le robot à part, par rapport aux autres engins électroniques découverts dans ce parc high-tech, c’est son intelligence machinale avancée et ses émotions. On se rend compte de la rapidité des progrès de l’intelligence artificielle et robotique, en se promenant dans cette « Silicon Valley » chinoise, soit la septième au niveau du pays qui compte, dans l’ensemble, une cinquantaine de zones de développement industriel et de haute technologie. Construite sur environ 120 mètres carrés, au début des années 1990, elle incarne la volonté chinoise de passer du « copied in China » ou « made in China », parti pas de grand-chose, aux technologies, haut de gamme, développées de façon autonome par la Chine qui cherche à subvenir aux besoins de son économie, entrant dans une nouvelle normalité. D’ailleurs, le pays est en train de perfectionner ses lois pour mieux soutenir et protéger l’innovation, avec des programmes-clés : missions lunaires, superordinateurs, robots intelligents, réseau de TGV, médicaments pour le diabète et le sida encore en phase de test, voitures électriques, etc. L’Université de sciences et technologies de Hefei en témoigne. Cela fait 30 ans que la Chine s’efforce d’innover dans les technologies et elle a fini par obtenir un franc succès. Ces investissements dans ce domaine en disent long. En 2014, ses dépenses en R&D représentaient plus de 2 % du PIB, un chiffre qui dépasse ceux du Canada et du Royaume-Uni.
Dans le parc high-tech de Hefei, précisément dans les locaux de l’entreprise Ifly Tek, fondée en 1999, le slogan « Let’s The World Hear our Voice » (que le monde écoute notre voix) nous poursuit là où l'on va. Les chargés du marketing de la société exposent les avantages de leurs produits : un système médical intelligent aide les spécialistes à détecter les nodules malins ou bénins, qui sera plutôt mis en vente vers 2020, une télécommande de traduction simultanée chinois-anglais qui coûte quelque 500 dollars, un robot capable de répondre aux quêtes des clients qu’on retrouve actuellement à l’entrée de plusieurs banques, etc.
Technopole et Bouddha
Anhui est réputée pour son thé vert de qualité.
Ce véritable hub technologique d’Anhui reflète l’un des divers aspects de la province pittoresque qui se trouve entre un nord plat et un sud montagneux, autour du fleuve Yangzi Jiang et de la rivière Huai. Il y a plus de 2,5 millions d’années, elle était déjà habitée. C’est par excellence le royaume du tofu, cette célèbre pâte blanche issue du caillage du lait de soja que l’on goûte dans plusieurs mets chinois, et celui du thé, vert ou rouge. Cela étant, sur la liste des 10 grands thés de Chine, 3 de ces thés viennent de cette province, c’est-à-dire celui de la pagode, de la montagne jaune et le qimen rouge.
Le thé, les villages traditionnels, la montagne bouddhiste de Jiuhua, ses rites sacrés, les 16 villes de la province dressent un paysage topographiquement très varié. Le décor change complètement d’un site à l’autre, tantôt on plonge dans le berceau des civilisations en essayant de toucher le pied de Bouddha pour obtenir sa grâce, tantôt on est de plain-pied dans la modernité. Du haut de la terrasse de la Télévision locale installée en 2009-2010, au 45e étage, Hefei, le chef-lieu d’Anhui, semble raconter les changements fulgurants de la province. « Ces tours, ce lac artificiel appelé le Swan Lake, n’existaient pas il y a dix ans. Il n’y avait rien par là », lance une présentatrice star de cette jeune télévision qui abrite le plus grand studio du pays. Elle se dit fière de Hefei, l’une des cinq villes de la province, faisant partie de l’initiative économique La Ceinture et la Route.
Jia Jia bat des cils, parle et sourit.
En 2016, 51 contrats, au montant de 10 millions de dollars chacun, ont été signés, dans le cadre de ce projet ambitieux. Et le volume du commerce extérieur de la province, pour la même année, a tablé autour de 44,38 milliards de dollars, alors que les investissements étrangers ont atteint 1,24 milliard de dollars. Des projets au Zimbabwe, au Mozambique, mais aussi en Egypte. « Il y a un protocole de jumelage entre Anhui et Daqahliya (dans le Delta égyptien). Et en avril 2013, on a tenu une conférence sur la coopération avec l’Egypte, notamment dans la zone économique du Canal de Suez », souligne Wu Xiao, directeur adjoint du bureau de l’information à Anhui. Et d’ajouter : « 28 entreprises de cette province participent à l’initiative La Ceinture et la Route. Et 12 % du total des investissements chinois en Afrique proviennent d’ici ». Wu Xiao sirote son thé vert, après avoir fait un tour d’horizon de l’économie de sa province. Il n’hésite pas à trinquer avec son verre de thé, portant un toast à Anhui.
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