C’est dans un contexte bien particulier que s’est tenue, mercredi 3 mai, la première rencontre entre le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le nouveau locataire de la Maison Blanche, Donald Trump. En effet, les deux se sont rencontrés au moment où le processus de paix est au point mort depuis 2014, où les espoirs sont limités et où le Hamas a fait une volte-face inattendue.
Se voulant optimiste, Donald Trump a déclaré, après avoir reçu Mahmoud Abbas : « Nous voulons créer la paix entre Israël et les Palestiniens, nous y arriverons », voulant faire passer le message qu’il est convaincu de la possibilité d’arriver à un accord de paix entre Israël et la Palestine. Cela dit, Trump est resté très évasif sur la façon dont il entendait aboutir sur un dossier sur lequel tous ses prédécesseurs ont échoué. « Dans ma vie, j’ai toujours entendu que l’accord le plus difficile à conclure était probablement celui qui est entre les Israéliens et les Palestiniens. Voyons si nous pouvons démentir cette affirmation », a-t-il lancé. Quant à Abbas, il a également prononcé une courte allocution à la tonalité plutôt optimiste. Louant les talents de négociateur de son hôte, il a évoqué l’espoir d’un « traité de paix historique » sous sa présidence.
Mais au-delà de ces déclarations de bonne volonté, rien. Aucune précision, aucun agenda, aucun plan de reprise des négociations de paix. Cependant, nombreux sont les observateurs qui estiment que la rencontre est positive en soi. Pour Ilan Goldenberg, un expert du Center for a New American Security cité par l’AFP, la rencontre est importante même si elle n’a abouti à rien. « Le simple fait que cette rencontre a lieu est l’un des nombreux signaux qui démontrent que l’approche de Trump face au conflit israélo-palestinien est plus conventionnelle que ce à quoi tout le monde s’attendait », estime-t-il.
L’Administration américaine évasive
En effet, de part et d’autre, les déclarations ont été conventionnelles : une fois de plus, Abbas a répété qu’il « est temps qu’Israël mette fin à son occupation ». « Nous aspirons à la liberté, à la dignité », a lancé M. Abbas. Les Palestiniens réclament un Etat indépendant dans les frontières de 1967, ayant pour capitale Jérusalem-Est, ce qui signifie la fin de 50 ans d’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de la partie majoritairement palestinienne de la Ville sainte. Quant à Donald Trump, il a tenté de mettre la pression sur Abbas en lui disant qu’il ne peut y avoir de paix durable si les dirigeants palestiniens « ne condamnent pas à l’unisson les appels à la violence et la haine ». Il a même demandé à Abbas d’arrêter la subvention financière donnée aux familles des Palestiniens en prison.
Autre point important, la solution à deux Etats. Mettant en avant un message de « souffrance » mais aussi « d’espoir » de son peuple, le président palestinien a réaffirmé avec force son attachement à une solution à deux Etats. Pourtant, en recevant mi-février son « ami », le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, Trump avait affirmé que la solution à deux Etats n’était pas la seule possible, rompant avec un principe de référence défendu durant des décennies par la communauté internationale et tous les présidents américains, démocrates comme républicains. Or, lors de sa rencontre avec Abbas, il n’est pas revenu directement sur ce sujet sensible, se contentant d’afficher sa conviction qu’une solution n’était pas hors de portée. Le président américain a également mis en sourdine sa promesse de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y installer l’ambassade américaine, une décision qui aurait provoqué à coup sûr la colère des Palestiniens.
La colonisation, obstacle majeur
Nous nous trouvons donc face à une situation coutumière : des déclarations de bonne volonté susceptibles de n’être suivies de rien de concret. En effet, selon des observateurs, les espoirs de relance du processus de paix restent minces malgré tout. Et ce, pour différentes raisons. Tout d’abord, le contexte d’accélération des constructions de logements dans les colonies israéliennes depuis l’élection de Donald Trump. Les responsables palestiniens jugent difficile de se rasseoir à la table des négociations tant qu’Israël n’aura pas accepté de geler la colonisation en Cisjordanie, dont la reprise avait fait tourner court les précédents pourparlers sous l’égide des Etats-Unis il y a trois ans.
Selon Dr Tareq Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, Trump, qui est poussé par son désir de se présenter comme un « médiateur, un arbitre ou un facilitateur d’un processus qui mènera à la paix, va exercer des pressions et en même temps offrir des garanties ». « Ces garanties, dit-il, seront données à Israël pour qu’il accepte de reprendre les pourparlers. Il peut s’agir notamment d’augmenter les aides financières octroyées par les Américains aux Israéliens, et plus important, leur donner la garantie que leur sécurité sera défendue, notamment face à l’Iran ».
Et le Hamas dans tout ça ?
Autre facteur-clé, le Hamas. Depuis le Qatar, où il vit, le chef du Hamas, Khaled Mechaal, a estimé que Trump avait « une occasion historique » de « mettre la pression sur Israël (...) pour trouver une solution équitable pour le peuple palestinien ». Et d’ajouter : « Ma demande à l’Administration Trump est de rompre avec les approches erronées du passé (...) et peut-être de saisir l’opportunité que représente le document du Hamas », a-t-il déclaré sur CNN, en référence à la nouvelle plateforme présentée lundi 1er mai, par son mouvement visant à atténuer le ton belliqueux de son texte fondateur. En effet, ce virement du Hamas constitue lui aussi un changement de taille qui pourrait avoir un certain impact sur le processus de paix. Selon Mohamad Gomaa, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d’Al-Ahram (CEPS), « le Hamas a des problèmes dans ses relations avec la région, en premier lieu à cause de ses relations avec les Frères musulmans, et parce qu’à l’origine, il n’est pas accepté sur le plan international. Le Hamas avait donc besoin de réintégrer le processus de paix. Et c’est la raison de ce changement. Il ne veut pas sortir de l’équation, ne veut pas être hors jeu, veut se représenter en tant que représentant d’une partie du peuple palestinien ». « Cela dit, ajoute le chercheur, la nouvelle charte du Hamas n’aura pas un énorme impact parce que le Hamas ne représente qu’un maillon faible de la chaîne et n’est pas un acteur important dans le processus de paix ». D’ailleurs, juste après l’annonce du Hamas, le gouvernement israélien s’est montré réticent, estimant que ce texte ne changeait rien et jugeant que le Hamas essayait « de duper tout le monde ». Quant à l’Administration américaine, elle n’a pas fait de commentaires. Et elle n’a pas non plus fait de déclaration claire sur le processus et les mesures qui vont être prises. Reste à attendre la suite. L’annonce n’a pas été confirmée, mais le déplacement du président américain en Israël et dans les Territoires palestiniens serait à l’étude pour les 22 et 23 mai. Affaire à suivre.
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