Vendredi, 06 décembre 2024
Dossier > Dossier >

Bahia Al-Mardini : Bachar Al-Assad a cru que l’Occident allait fermer les yeux et laisser faire

Maha Salem, Mardi, 11 avril 2017

Trois questions à Bahia Al-Mardini, opposante syrienne et membre du mouvement Al-Ghad.

Al-Ahram hebdo : Vous accusez le régime de Bachar Al-Assad d’utiliser des armes chimiques contre les civils. Est-ce logique alors qu’il avance d’un pas stable sur le terrain ?

Bahia Al-Mardini : Ce n’est pas la première fois que le régime de Bachar Al-Assad commet ce genre de crimes de guerre contre les civils. C’est vrai que Bachar avance sur le terrain, qu’il s’est renforcé grâce au soutien qui lui a été accordé par de nombreuses parties étrangères. Et c’est justement en raison de ce soutien qu’il a cru que l’Occident allait fermer les yeux et laisser faire. Il voulait accélérer les combats et réaliser des gains rapides pour avoir plus de poids au cours du prochain round de négociations de paix, et ce, pour imposer ses conditions. Bachar a mal compris ce soutien et après les frappes américaines, il va réviser ses comptes et peut-être sera soumis sous des pressions pour accepter un règlement politique.

Les frappes américaines étaient lancées contre un aéroport militaire et ne visaient pas les civils. C’est un message au régime syrien, à ses alliés. Une façon d’annoncer le retour du rôle américain dans cette crise, de dire que Washington peut affronter politiquement les Russes, leurs alliés iraniens, le Hezbollah et le régime de Damas. C’est aussi une nouvelle donne dans ce conflit. On souhaite que ce changement soit en faveur du peuple syrien. Après un silence américain qui a duré pour plusieurs mois, cette intervention américaine représente un tournant. Le retour américain sur la scène pèsera sur la position des autres pays.

— Comment ?

— L’Administration américaine a annoncé qu’elle avait prévenu les autres pays concernés de la crise syrienne avant les frappes. Ce qui veut dire que ces frappes ont été lancées avec la coopération de la Turquie. Le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a d’ailleurs récemment effectué une tournée dans plusieurs pays de la région, dont la Turquie. Certainement, cette visite avait pour but de coordonner avec ces pays et de discuter de l’avenir des négociations. Car, jusqu’à maintenant, et après cinq rounds de négociations les médiateurs ne sont pas parvenus à forcer l’opposition et le régime à commencer des discussions directes.

— Vous semblez satisfaite d’un retour de Washington sur la scène, alors que la priorité américaine n’est pas le départ d’Assad mais la lutte contre Daech ...

— C’est vrai, détruire Daech reste l’objectif essentiel des Américains. Mais la communauté internationale ne compte plus uniquement sur le régime syrien dans sa lutte antiterroriste. Elle trouvera d’autres alliés pour combattre les djihadistes de l’Etat islamique. De même, l’Occident fera plus de pressions pour imposer un règlement politique le plus vite possible. Avant, l’Occident voulait détruire Daech puis trouver une issue à la question la plus délicate et la plus conflictuelle, à savoir l’avenir de Bachar. Mais actuellement, les deux questions sont étroitement liées.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique