Par Mohamad Gomaa *
2017 sera sans doute une année difficile pour les services de sécurité dans la plupart des pays de la région. Si les trois dernières années ont témoigné du retour de plusieurs vagues de combattants revenant d’Iraq ou de Syrie, cette année, avec la libération de Mossoul et de Raqqa, le phénomène gagnera en ampleur. Ainsi, tout territoire récupéré de Daech rendra plus imminents le danger et le défi des terroristes revenants.
Les craintes de voir les terroristes rentrés de Syrie et d’Iraq et s’impliquer dans des attentats dans leurs pays d’origine, se sont concrétisées dans certains pays comme l’Arabie saoudite, la Tunisie ou l’Egypte. En octobre 2013, le groupe terroriste Ansar Beit Al-Maqdès a diffusé une vidéo revendiquant l’attentat manqué contre l’ex-ministre égyptien de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, datant du mois précédent. Dans cet enregistrement posthume, apparaît le kamikaze mort dans l’attentat, Walid Badr, qui confesse l’acte qu’il allait commettre tout en appelant à la résistance armée en Egypte. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur a affirmé que Walid Badr avait été exclu de l’armée 2005 en raison de ses « positions extrémistes », et qu’il avait rallié les combattants djihadistes à l’étranger.
Il en est de même pour le groupe Ajnad Masr, considéré comme le plus actif sur le territoire égyptien (en dehors du Sinaï), entre janvier 2014 et avril 2015. Il s’est avéré que son fondateur, Hamam Mohamad, liquidé par les services de sécurité en avril 2015, avait lui aussi combattu à l’étranger.
Craintes justifiées
Les craintes que des terroristes de retour puissent former à l’intérieur de leurs pays d’origine des groupuscules affiliés à des organisations étrangères se sont également partiellement concrétisées. Les enquêtes des services de sécurité égyptiens, ces deux dernières années, ont montré que la branche libyenne de Daech a utilisé des djihadistes rentrés de ce pays dans l’implantation des cellules terroristes sur le territoire égyptien, notamment dans le désert occidental, à Guiza et dans certains gouvernorats de Haute-Egypte. L’une de ces cellules, conçue en Libye, a essayé d’installer un camp d’entraînement près du gouvernorat d’Assiout. En septembre 2015, des unités spéciales soutenues par hélicoptères ont tué dix éléments de cette cellule et procédé à au moins une arrestation.
Dans le même contexte, des leaders terroristes de nationalité égyptienne au sein d’Al-Qaëda et de Daech auraient envoyé en Egypte des terroristes étrangers pour perpétrer des attentats. La preuve en est cet appel lancé en janvier 2014 par Ayman Al-Zawahri aux djihadistes du Sinaï pour « assurer un refuge aux frères venus vous soutenir ». Notons à ce propos que bien avant l’allégeance faite à Daech par le groupe Ansar Beit Al-Maqdès en juillet 2014, les liens étaient déjà forts entre les djihadistes de l’étranger et ceux de l’intérieur. Durant cette période, les services de sécurité égyptiens avaient arrêté 11 personnes venues de Libye pour transmettre un message d’Abou-Ahmad Al-Libi, un leader de la branche libyenne de Daech, appelant les groupes terroristes, dont Ansar Beit Al-Maqdès, à se rallier sous une même bannière.
Discours confessionnel
Par ailleurs, ceux qui ont combattu dans les rangs de Daech partagent forcément la haine de l’Occident et des institutions occidentales et internationales. Il serait donc tout aussi probable de voir se multiplier les attentats visant des cibles occidentales dans les pays arabes. En 2015, le groupe de la Province du Sinaï a enlevé et décapité le citoyen croate Tomislav Salopeka. Des enlèvements du genre, notamment contre rançon, ne sont pas à exclure, surtout dans une atmosphère chargée de populisme anti-occidental.
De même en Iraq et en Syrie, les affiliations sectaires ont été instrumentalisées à des fins politiques. Les terroristes rentrés de ces deux pays pourraient ainsi exacerber les tensions dans leurs pays d’origine, en usant du même discours confessionnel devenu commun à tous les groupes radicaux.
D’après le ministère saoudien de l’Intérieur, les attaques contre les mosquées chiites, dans les villes de Qatif et d’Al-Ahsa survenues entre 2014 et 2016, ont été commises par des Saoudiens rentrés d’Iraq et de Syrie. Bien que ce ne soit pas une tactique nouvelle, les attentats confessionnels n’avaient jamais été aussi ouvertement revendiqués par les groupes terroristes. Une évolution significative qui augure d’une recrudescence des attentats visant des citoyens civils. En juin 2016, des hommes armés du groupe Province du Sinaï ont tué le père Raphaël Moussa, prêtre de l’église Saint-Georges à Al-Arich. Fidèle à l’idéologie de Daech excommuniant tout ce qui n’est pas salafiste, le même groupe a diffusé en novembre dernier une vidéo montrant la décapitation du cheikh Soliman Abou-Haraz, une figure de l’islam soufi dans la péninsule, accusé de « sorcellerie » et de « charlatanisme ».
Les mois de février et mars 2017 ont témoigné d’une série d’attentats particulièrement violents contre les chrétiens d’Al-Arich. 13 chrétiens ont été tués et des dizaines de familles chrétiennes se sont réfugiées à Ismaïliya.
Enfin, les terroristes de retour de Syrie et d’Iraq pourraient chercher à installer des centres d’entraînement dans leurs pays d’origine. Rappelons qu’en 2007, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat a formé des combattants en Algérie avant de les envoyer en Iraq. Les terroristes de Daech pourraient s’en inspirer dans l’espoir de se doter d’une « base djihadiste » plus sophistiquée à travers le monde arabe.
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