Le Yémen, toujours livré à la destruction.
(Photo : Reuters)
Il semblerait que personne ne s’attend à ce que les rencontres entre les chefs d’Etat arabes n’aboutissent à un règlement de la crise au Yémen qui dure déjà depuis deux ans. Les pourparlers tenus au Koweït puis à Mascate n’ont rien donné, et ceux tenus dans la ville d’Abha en Arabie saoudite entre de hauts responsables sécuritaires saoudiens et houthis non plus. Les diplomates yéménites à Riyad ont tendance à croire que la solution viendrait plutôt du quator formé des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Arabie saoudite et des Emirats, rejoints depuis peu par Oman. « Les accords conclus par les pays arabes sont détachés de la réalité et n’expriment aucune stratégie claire. Les acteurs concernés sont exclus de ces efforts diplomatiques. Les pays arabes n’ont pas de vision commune permettant de sortir le Yémen de cette crise », regrette le chercheur yéménite Khaled Aliane. Une autre source politique yéménite exclut elle aussi une avancée réelle du dossier yéménite lors du prochain sommet arabe en Jordanie. « A moins qu’un plan n’ait déjà été préparé en secret à Londres ou à Washington qui a reçu la semaine dernière le vice-prince héritier saoudien, Mohammad ben Salman, la situation restera inchangée », renchérit cette source. Interviewé au Caire, en janvier dernier, l’ancien président sud-yéménite, Ali Nasser Mohamad, n’avait pas exclu qu’une évolution décisive ait lieu « dans les semaines à venir », avait-il précisé. D’après lui, « un feu vert sera donné à une opération militaire d’envergure à Sanaa, à l’instar de l’offensive Flèche d’or pour la libération d’Aden ». L’émissaire de l’Onu pour le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, avait révélé aux médias que les Houthis refusaient de rendre les armes lourdes et les missiles balistiques en leur possession et de libérer les villes qu’ils assiègent. Il n’existerait donc pas chez les Houthis une vraie volonté politique de changer la réalité sur le terrain. Malgré son échec à convaincre les Houthis, alliés du président déchu Ali Abdallah Saleh, de reprendre le processus de dialogue politique, l’émissaire onusien insiste sur son refus de passer par la solution militaire. Il aurait, selon certains observateurs, poussé ses initiatives politiques jusqu’à proposer l’annulation du poste de vice-président, actuellement occupé par le général Ali Mohsen Al-Ahmar, et confier la direction politique à un gouvernement national. Si cette proposition est adoptée, les milices houthies seraient contraintes de rendre les armes aux brigades militaires neutres positionnées à Hadramaout.
Une situation à haut risque
Loin de ces négociations politiques qui attendent le sommet arabe, la situation humanitaire au Yémen ne cesse de s’aggraver. Malgré un recul annoncé des Houthis sous les frappes de la coalition menée par l’Arabie saoudite, le chercheur yéménite Abdel-Aziz Al-Majidi affirme que la ville de Taïz est toujours assiégée par ces derniers. Il se demande si le sommet arabe parviendra à venir au secours des habitants de cette ville. En février dernier, les Nations-Unies ont lancé un appel de fonds de 2,1 milliards de dollars pour venir en aide aux 12 millions de Yéménites touchés par le conflit, ce qui constitue près de la moitié de la population. Parallèlement, le Yémen se transforme en destination privilégiée pour les groupuscules extrémistes en débâcle en Syrie et en Iraq. « Il est important de réaliser la complexité de la situation au Yémen. La crise ne se limite ni à la guerre et la destruction, ni au siège imposé à certaines villes. Il existe un vrai danger d’infiltration djihadiste qu’il faut prendre au sérieux », explique l’activiste du sud du Yémen Abdel-Hakim Al-Mayouni. « Les divergences entre les dirigeants arabes et les querelles entre les acteurs locaux nous donnent l’impression que tout le monde complote contre le Yémen », lance-t-il. La situation au Yémen reste donc compliquée. Après l’échec des derniers pourparlers politiques, les observateurs prévoient une redistribution des cartes dans le cadre d’une solution régionale, voire internationale.
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