Malgré la publication d’une déclaration commune par les Nations-Unies et la Ligue arabe reconnaissant le droit des Palestiniens à la création d’un Etat, aucune concrétisation n’a eu lieu sur le terrain.
(Photo : AP)
Le sujet est, comme depuis des décennies, la priorité des priorités. Mais la question est de savoir si, au-delà de cette programmation habituelle, le 28e sommet de la Ligue arabe prévu le 29 mars en Jordanie verra une action commune vis-à-vis de la cause arabe du siècle, c’est-à-dire la cause palestinienne. Les avis des analystes et des décideurs politiques divergent, affichant une division aigue entre optimisme et pessimisme sur les chances de ce 28e sommet réunissant les souverains et présidents arabes, en ce qui concerne la question palestinienne. En effet, la dernière tentative en date de colmater la brèche palestino-israélienne a été menée sous l’administration du président sortant Barack Obama en 2013 et s’est vite effondrée en avril 2014. A l’époque, de nombreuses raisons expliquaient ce constat d’échec. A commencer par le pacte conclu entre le Fatah et le Hamas auquel s’est opposé Israël, le plan israélien d’établir 700 colonies à l’Est de la ville occupée de Jérusalem et le refus par Tel-Aviv de libérer les prisonniers palestiniens.
Malgré la publication d’une déclaration commune par les Nations-Unies et la Ligue arabe reconnaissant le droit des Palestiniens à la création d’un Etat, aucune concrétisation n’a eu lieu sur le terrain. A cet égard, Mohamad Gomaa, chercheur et spécialiste du dossier palestinien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, souligne le peu d’intérêt porté à la cause palestinienne dans les discussions arabes depuis les événements du Printemps arabe. Il estime qu’il n’existe pas « une seule politique arabe » sur ce dossier en raison de la division des régimes arabes, dont quelques-uns sont pro-Fatah, alors que d’autres sont alignés sur le mouvement de résistance, le Hamas. Mais à l’arrière-plan des événements qui se jouent dans les territoires occupés et qui consacrent une violence accrue, les Arabes n’ont pas le luxe d’éviter la question du conflit. Gomaa estime que « l’absence de pourparlers engendre davantage de violence ; ce qui est à l’avantage de l’Etat hébreux certainement. Cependant, avoir une sorte d’Intifada (soulèvement) n’est pas erroné, voire même, elle doit être l’un des outils de la lutte palestinienne. Mais ce qui est erroné est la désorganisation ».
En 2016, Tel-Aviv a intensifié la violence contre les Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Entre-temps, la position américaine vis-à-vis de ce dossier prête à équivoque, notamment depuis l’avènement du président Donald Trump qui a rompu littéralement la tradition de son prédécesseur en réitérant à maintes reprises son intention de transférer le siège de l’ambassade américaine Tel-Aviv à Jérusalem, considéré par les Palestiniens comme la future capitale de leur Etat. Une ambiguïté qui est toujours maintenue, après les déclarations faites par le président américain au journal israélien Israel Hyom selon lesquelles « ce n’est pas une décision facile. Elle a été discutée au fil des années et personne ne veut la prendre. J’y pense sérieusement ». A la suite de ces propos, Radio Israël a rapporté début mars que le ballet diplomatique entre les deux côtés avait commencé et qu’une délégation du Congrès américain devrait se rendre à Tel-Aviv pour discuter du transfert de l’ambassade avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu.
Optimisme prudent
Les responsables palestiniens ne sont pourtant très pessimistes. Mohanad Aklok, représentant permanent de la Palestine auprès de la Ligue arabe, affirme à l’Hebdo : « Nous attendons de voir le tournant que vont prendre les événements ». Et de noter que le président palestinien, Mahmoud Abbass, a reconnu la difficulté de traiter avec l’Administration Trump. Aklok a évoqué que des pas effectifs étaient prévisibles lors du futur sommet arabe pour valider une série de résolutions onusiennes dont celles se référant à l’occupation israélienne de Jérusalem-Est, et qui s’opposent à l’établissement de missions diplomatiques sur ces territoires. « Le sommet appellera également à l’application de la résolution du Conseil de sécurité 2334 de 2016, dénonçant la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens, condamnant les assauts sur les sites islamiques de la ville sainte et invoquant une internationalisation des questions des prisonniers, des réfugiés et du budget palestinien », a-t-il ajouté. « Le sommet sera une occasion pour réaffirmer l’engagement arabe aux initiatives de paix adoptées par 22 Etats au Sommet de Beyrouth en 2002. Une initiative selon laquelle Israël est appelé à se retirer des territoires arabes jusqu’aux lignes de 1967 en contrepartie de la normalisation de ses relations avec les pays arabes. Outre cela, le sommet chargera le secrétaire général de la Ligue arabe de transmettre l’opposition arabe unanime à la nomination d’Israël comme membre non permanent au Conseil de sécurité pour 2019-2020. Par conséquent, il dirigera les missions diplomatiques arabes à New York, à Genève et à l’Unesco pour suivre l’application des résolutions contre Israël », a noté Aklok.
Des mesures insuffisantes
Ces mesures s’avèrent insuffisantes, selon Nadia Naser-Najjab, chercheuse associée pour les études palestiniennes à l’Université d’Exter. « Nous avons vu par le passé des mesures similaires et qui se sont avérées inutiles. Ce sont les actes émanant des peuples arabes qui ont été jusque-là influents, comme l’Intifada, et qui ont amené les gouvernements à agir. Malheureusement, même cette option n’est plus valable étant donné que les Arabes sont préoccupés par leurs problèmes domestiques, notamment les conflits opposant sunnites aux chiites », rétorque-t-elle. Pour la chercheuse, l’Autorité palestinienne est plus que jamais fragmentée, fragile et déconnectée totalement du peuple palestinien. Le gouvernement à Ramallah se trouve sous la coupe des aides financières et politiques internationales qu’il cherche à tout prix ; et du coup, il est soumis aux pressions internationales. « Je crois vraiment qu’un sommet arabe extraordinaire aurait dû se tenir, lorsque Trump, l’allié de Netanyahu, a annoncé son plan de transférer l’ambassade d’Israël à Jérusalem. La Ligue arabe est alors restée au beau fixe au moment où elle devait agir », note Naser-Najjab.
En dépit des contestations verbales du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit, Barakat Al-Farra, ex-ambassadeur palestinien au Caire et représentant permanent de la Palestine à la Ligue arabe, voit que les choses ne vont pas dans la bonne direction. Le vétéran diplomate estime que la crise du transfert de l’ambassade est sur le point de se terminer et d’atteindre un point de non-retour. D’autant plus que le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Israël a annoncé que certaines activités sont gérées déjà à partir de Jérusalem. « Les décisions des sommets arabes n’ont fait que se multiplier au fil des temps. Nous voulons des applications sur le terrain ; ce qui s’avère difficile vu l’état de désaccord arabe inouï. Les Etats arabes sont fragilisés par le terrorisme, les problèmes économiques et les complexités ethniques. Au moins pourrait-on espérer qu’ils soutiennent le peuple palestinien ? », conclut Al-Farra.
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