
Le siège vide de la Syrie, symbole des divisions au sein de la Ligue arabe.
(Phot : Reuters(
« Nous serions bien attristés de voir le règlement de la crise syrienne se dérouler sans aucune participation arabe », a déclaré Hossam Zaki, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, en affirmant que la Ligue n’a encore reçu aucune invitation pour participer ni aux négociations d’Astana en janvier, ni à celles de Genève prévues en février.
En effet, sans même participer en tant qu’observateurs, les Arabes ont aussi été mis à l’écart lors de la signature de l’accord tripartite entre la Turquie, la Russie et l’Iran, fin décembre à Moscou, et qui dessinait la Syrie post-Alep. Cette absence arabe du processus politique syrien est une grande défaite pour ledit « travail arabe commun ».
Selon Mohamad Abbas, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « c’est la Ligue arabe qui a décidé d’être hors jeu et de disparaître aussitôt des pourparlers, en transmettant le dossier du conflit syrien au Conseil de sécurité où il est en proie à toute ingérence internationale et régionale ». En effet, en novembre 2011, la Ligue arabe a décidé l’exclusion provisoire de la Syrie de l’Organisation panarabe, en appelant au retrait des ambassadeurs arabes de Damas et accusant le régime syrien d’avorter le plan arabe de sortie de crise. Le politologue explique qu’en janvier 2012, la Ligue arabe se tournait vers le Conseil de sécurité lui demandant « de prendre ses responsabilités pour l’aider à sortir la Syrie de la crise ».
« Dès lors, le rôle de la Ligue arabe se réduit progressivement pour devenir nul », estime Abbas. « Ceci a commencé avec l’envoi d’une mission de 165 observateurs en Syrie. Cette mission a été suspendue suite à de nombreuses accusations de non-neutralité et au transfert du dossier au Conseil de sécurité », poursuit le chercheur. « Auparavant, un envoyé spécial en Syrie prenait à la fois le titre onusien et arabe, tel Lakhdar Ibrahimi, qui était alors observateur pour les deux organisations. En ce qui concerne l’observateur actuel, Staffan de Mistura, il ne porte plus que le titre onusien », ajoute-t-il encore.
S’accorder à ne pas s’accorder
Cet avis est partagé par Ahmad Youssef, politologue, qui pointe du doigt la division arabe, aujourd’hui plus profonde que jamais, concernant le règlement de cette crise. « Il n’y a pas de position arabe commune. Les avis divergent, ils sont mitigés et contradictoires », dit Youssef, qui estime que l’absence de la Ligue arabe des négociations n’est pas surprenante, puisque tout au long de son histoire, celle-ci a échoué à résoudre les conflits arabes. Et la crise syrienne est « son grand échec ».
En effet, la crise syrienne a divisé la Ligue arabe en trois camps. Le camp hostile au régime de Bachar est dirigé par les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et le Qatar. L’Iraq, le Liban et l’Algérie s’accordent dans un camp opposé et boycottent régulièrement le vote de toute résolution anti-Bachar. L’Egypte, quant à elle, se positionne dans le troisième camp, « celui du milieu » qui, comme l’explique Youssef, « est régi par l’intérêt de sa sécurité nationale ».
« Se rendre à Astana pour représenter qui ? », s’interroge Nourhan Al-Cheikh, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. « La Ligue arabe ne reflète pas de position unie. Elle est aujourd’hui dominée par le camp hostile au régime de Bachar et a perdu toute neutralité et crédibilité d’arbitrage », dit la politologue, selon qui le sort du siège vacant de la Syrie est toujours un élément incertain et sera parmi les problématiques du sommet de la Ligue arabe, prévue en Jordanie le mois prochain.
Le camp dominant va entraver tout règlement politique aboutissant au maintien du pouvoir de ce régime et va s’opposer au retour de Damas au sein de la Ligue arabe. « En raison de ce désaccord, la Syrie risque de rester encore longtemps en dehors du système arabe », ajoute la politologue.
« Il n’y a rien de nouveau concernant l’avenir du siège de la Syrie », a déclaré de son côté Hossam Zaki, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, en avouant qu’il était actuellement difficile pour la Ligue de jouer un rôle en Syrie, puisque sa situation reste très compliquée et qu’elle n’a pas de liberté de mouvement. « Il faut avant tout parvenir à un consensus arabe autour de la Syrie pour pouvoir passer à l’action », dit-il.
Seulement, il faudra du temps pour parvenir à ce consensus. Le fossé est encore trop large entre les différentes positions arabes, comme l’estime Abbas, en donnant l’exemple du face-à-face entre les deux grandes forces régionales, l’Egypte et l’Arabie saoudite. Au sein des Nations-Unies, elles ont effectivement voté pour des résolutions contradictoires concernant la Syrie.
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