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En quoi consiste l’opposition syrienne

Nourane Chérif, Mercredi, 18 janvier 2017

Politiques, militaires, modérées, djihadistes, autonomes, affiliées, etc. Nombreux sont les qualificatifs des forces d’opposition qui affrontent le régime syrien. Focus sur un puzzle complexe dominé par le flou.

En quoi consiste l’opposition syrienne
(Photo : Reuters)

« L’opposition syrienne participera aux négociations », « l’opposition syrienne demande des armes aux pays amis », etc. A quelle opposition syrienne réfèrent de telles informations ? La scène sur le terrain est assez complexe. S’agit-il des opposants dits modérés, ou de ceux vus comme djihadistes.

Chez ces derniers, on note deux groupes dominants : Ahrar Al-Cham, l’une des principales forces dans le nord du pays, et le Front Fatah Al-Cham (l’ex-Front Al-Nosra), la branche syrienne d’Al-Qaëda. Tous les deux sont sous la bannière de Jaïch Al-Fatah, une « armée » formée en mars 2015 et qui rassemble d’autres groupes opposants, comme Ajnad Al-Cham. La majorité des forces appartenant à Jaïch Al-Fatah sont connues pour leur djihadisme radical et leur revendication d’un Etat islamique, même si Ahrar Al-Cham, contrairement au Fatah Al-Cham, n’appelle pas à un djihad global en dehors de la Syrie. Ces mouvements s’inscrivent dans la même lignée du groupe Etat Islamique (EI).

Plus « modérée », une autre coalition baptisée Fatah Halab a été créée en 2015. Elle regroupe des militaires et des pro-démocrates. Elle a bénéficié du soutien de puissances occidentales comme les Etats-Unis. L’Armée Syrienne Libre (ASL), créée le 29 juillet 2011 par des officiers et soldats issus de l’armée syrienne, est l’une des forces principales affiliées à cette coalition. Plus tard, des éléments islamistes ont adhéré à l’ASL. Essayant d’évaluer son poids, Mohamad Abbas, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, indique que « le lendemain de sa composition, l’Armée syrienne libre était conçue comme étant le groupe qui sacrifie le sang pour libérer la Syrie et devenir le noyau d’une nouvelle armée nationale qui défendra son indépendance. Mais cinq ans après, cette armée n’a réalisé aucun progrès. Elle est trop faible et dépourvue d’une tactique militaire solide, parfois même ses brigades se combattent entre eux, puisqu’ils ont de différentes allégeances ».

Les troupes kurdes apparaissent comme l’une des forces d’opposition armée les plus importantes. Elles ont réalisé des victoires notables, que ce soit contre l’Etat islamique ou le régime syrien. Mais Abbas pense que « le fait que les Kurdes soient accusés de vouloir se séparer du reste de la Syrie affaiblit leur position ».

A côté de cette opposition armée existent plusieurs entités qui représentent l’opposition politique, celle de « l’intérieur » ou de « l’exil ». L’opposition de l’intérieur est représentée principalement par le Comité de Coordination Nationale (CCN), créé le 30 juin 2011 à Damas. Ce comité rassemble un grand nombre de personnalités indépendantes, majoritairement de tendance gauche laïque ainsi que des islamistes modérés.

Les opposants syriens vivant à l’étranger se regroupent dans plusieurs formations. Citons, à titre d’exemple, le Conseil National Syrien (CNS), créé en 2011 à Istanbul. Et bien qu’en général, ces entités d’opposition politique ne possèdent pas de bras armé, le CNS coordonne avec l’Armée syrienne libre.

Opposition peu représentative

Mais face aux échecs répétés du CNS, une large formation a été créée en novembre 2012 et baptisée Coalition Nationale des Forces de l’Opposition et de la Révolution (CNFOR). Cette coalition est actuellement considérée par plusieurs acteurs internationaux comme la composante la plus importante de l’opposition syrienne. En 2013, les membres de la CNFOR ont formé un « gouvernement provisoire » à Istanbul, pour faire contrepoids à Damas. Mais selon Abbas, « ce groupe est peu représentatif des Syriens ». Un avis corroboré par un sondage en juillet 2015, mené en Syrie par l’Institut international ORB, la majorité a estimé que l’influence de la CNFOR sur la guerre en Syrie est complètement négative.

Une réunion a été organisée à Riyad en 2015, dans l’objectif d’intégrer des représentants des groupes armés à la CNFOR, en vue d’une meilleure coordination. Cette rencontre a abouti à la création du Haut commissariat aux négociations.

Tareq Fahmi, expert au Centre national des études du Moyen-Orient, basé au Caire, note que cette multitude de forces d’opposition, militaires et politiques, n’ont réalisé aucune victoire face au régime de Bachar Al-Assad. Selon lui, la principale raison de cette faiblesse est que « les forces d’opposition dites modérées, ne se sont pas réunies autour d’un projet commun ».

« Chaque mouvement est soutenu par une puissance régionale ou internationale qui vise à garder son influence sur le territoire syrien. La Turquie et le Qatar, par exemple, soutiennent plusieurs mouvements militairement et financièrement, comme Ahrar Al-Cham et le groupe Jaïch Al-Islam », explique-t-il.

Le 13 janvier 2017 à Ankara, plusieurs groupes d’opposition syrienne ont convenu de former une délégation unique lors des pourparlers prévus le 23 janvier à Astana, au Kazakhstan. Selon Mohamad Gomaa du CEPS d’Al-Ahram, « la participation de certaines forces d’opposition aux négociations ne reflète pas de volonté sincère de résoudre le conflit par les voies politiques. Ces forces savent qu’une telle solution est encore très lointaine. Leur participation est une tentative de sauver la face et prouver qu’elles sont prêtes à coopérer ».

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