Les attentats et les bombardements sont permanents en Iraq
(Photo: AFP)
Ravagé par trois guerres successives et douze ans d'attentats sanglants, virulents accrochages interconfessionnels, ou encore manifestations massives sunnites contre le premier ministre chiite, la situation iraqienne est toujours aussi explosive.
A quelques jours du dixième anniversaire de l’invasion américaine en Iraq, le pays est à nouveau secoué par une série d’attentats. Une escalade de la violence qui n’était pas survenue depuis le retrait des forces militaires américaines fin 2011 paralyse l’action du Parlement et du gouvernement. Bagdad et le centre de l’Iraq sont parmi les lieux les plus dangereux en termes de bombardement, d’assassinat et d’enlèvement. Le retour à la justice tribale en réponse à l’insécurité est le signe qu’un Etat de droit où la police et les tribunaux officiels feraient régner la loi n’est toujours pas d’actualité.
Comme le souligne le rapport annuel du groupe de défense des droits de l’homme, Iraq Body Count (IBC) : « 2012 représente le prolongement d’un conflit plutôt qu’un changement dans la situation sécuritaire pour les Iraqiens ». Si les violences ont nettement diminué par rapport aux massacres de 2006 et 2007, années où la guerre civile a atteint son apogée, une recrudescence a été observée, selon IBC qui enregistre 4 471 personnes tuées en 2012 contre 4 059 l’année précédente.
Les attentats à la bombe et les assassinats se poursuivent suite aux divergences politiques entre chiites, sunnites et Kurdes. Le pays est dirigé par un parti islamiste chiite (Daawa), et le premier ministre Nouri Al-Maliki est de plus en plus critiqué pour ses dérives autoritaires.
Les Iraqiens espéraient une amélioration des conditions de sécurité après les élections législatives de 2010, où les différentes factions politiques étaient représentées dans le gouvernement d’union nationale. Or, cette coalition risque de se fragiliser, notamment après le mandat d’arrêt lancé fin 2011 contre le vice-président sunnite, Tariq Al-Hachemi, accusé d’être impliqué dans des actes d’assassinats pendant la période 2006-2008, et qui a dû fuir le pays avant d’être condamné à mort par contumace.
De même, l’arrestation en décembre 2012 des gardes du corps du ministre des Finances Rafeh Al-Issawi, un sunnite membre du bloc laïque Iraqiya qui a démissionné début mars, a accentué les manifestations des sunnites contre Maliki. Les sunnites, grands perdants de la nouvelle organisation de l’Etat instauré par les Américains, accusent le premier ministre chiite d’accaparer le pouvoir.
« Pire que Saddam »
Les analystes dénoncent eux aussi un exercice autocratique de Maliki. Il s’est efforcé d’obtenir un monopole des pouvoirs dans le domaine sécuritaire, notamment sur les ministères de l’Intérieur, de la Défense, le service des renseignements, l’appareil d’Etat et le budget. Le vice-premier ministre sunnite, Saleh Moutlak, membre d’Iraqiya, a même accusé Maliki d’être « pire que Saddam ». Les insurgés visent dans leurs attaques principalement la police, l’armée, la communauté chiite, mais aussi tout Iraqien impliqué dans la vie politique locale ou nationale.
La crise s’aggrave en Iraq dans l’indifférence générale de la communauté internationale, absorbée par la guerre en Syrie, et le « Printemps arabe ». « La situation est alarmante », souligne le politologue Hassan Nafea, en mettant en garde contre « une guerre civile que personne ne remportera ». Cette situation sécuritaire critique relance le débat sur la possibilité de tenir des élections générales anticipées, alors que la législature est censée se terminer en avril 2014. Pourtant, Nafea estime que ce ne sont pas les élections qui résoudront le principal problème. Selon lui, « seul un consensus politique peut éviter l’escalade des violences ». Et de conclure que l’Iraq ne peut en aucun cas être gouverné par une seule force. La page de la guerre civile est loin d’être tournée.
Lien court: