La réforme de l'administration est nécessaire pour améliorer l'environnement des affaires en Egypte. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Le Conseil des ministres a approuvé le 29 décembre dernier la nouvelle loi sur l’investissement, une loi que les milieux d’affaires attendent depuis plus d’un an. La loi a été envoyée au Conseil d’Etat, qui l'approuvera avant qu’elle ne passe au parlement. La ministre de l’Investissement, Dalia Khorshed, a annoncé qu’une équipe du ministère travaille sur l’élaboration du statut exécutif de la loi « afin de gagner du temps au cas où la loi serait approuvée par le parlement », a-t-elle précisé dans un communiqué.
Mais les milieux d’affaires semblent moins enthousiastes. Et, malgré les discussions qu’ils ont eues avec le gouvernement, ils semblent insatisfaits. « Il suffisait de modifier la loi actuelle sur l’investissement ou de s’inspirer d’une loi en application dans d’autres pays. Le texte proposé est trop long et la multitude des articles crée des confusions », critique Mohamad Al-Bahy, membre du conseil d’administration de la Fédération des industries égyptiennes. Il ajoute qu’il s’agit de la treizième version de loi que le gouvernement discute avec la Fédération des industries depuis début 2015. Le gouvernement, pour sa part, assure être désireux que la loi réponde aux attentes des investisseurs. « La loi doit être, autant que possible, l’objet d’un consensus entre le milieu des affaires et le gouvernement », dit Dalia Khorshed, ministre de l’Investissement, dans un communiqué de presse, ajoutant que les discussions autour de la loi entre le ministère, les différentes administrations et les milieux d’affaires sont « saines » et reflètent l’intérêt de toutes les parties de mettre en place une loi acceptable.
D’après le gouvernement, les objectifs de la loi sont de faciliter les procédures et encourager l’investissement, renforcer les garanties offertes aux investisseurs et élaborer un plan de développement des zones en nécessité. Il s’agit aussi d’encourager l’investissement à travers certaines mesures, comme une exemption fiscale temporaire offerte à certaines activités industrielles.
Parer à un environnement
peu favorable
En effet, faciliter et raccourcir les procédures de création d’entreprises est une demande pressante des investisseurs. Il s’agit également d’un facteur important pour juger l’environnement des affaires dans un pays. Le rapport Doing Business de la Banque Mondiale (BM) a classé l’Egypte 122e sur 190 pays pour la facilité de mener des affaires. Bien qu’il s’agisse d’une amélioration relative par rapport à l’année précédente, où l’Egypte a été classée 131e, l’environnement des affaires en Egypte n’est pas suffisamment favorable. Pour y remédier, le gouvernement a, dans le projet de loi, réduit la durée d’approbation de création d’entreprises à un seul jour. Il stipule que l’Autorité générale d’investissement et des zones libres réponde aux demandes de création d’entreprises et offre un certificat d’établissement dans un jour de travail au maximum. « Toutes les directions concernées, les banques et autres doivent traiter ce certificat comme un document officiel », souligne la nouvelle loi dans le premier chapitre.
La loi mentionne aussi le « guichet unique », qui existe déjà, où tous les ministères sont représentés dans un seul bureau qui offre les différentes licences et différents permis aux investisseurs. Or, les ministères et entités représentés dans le guichet ont un délai de soixante jours pour répondre. « Le guichet unique existe déjà, mais il n’est pas efficace, car il offre une licence pour la création d’une entreprise, mais ce n’est pas suffisant. Pour lancer vraiment le projet, d’autres démarches doivent être prises. La situation est semblable dans la nouvelle loi », argumente Al-Bahy.
Réformes institutionnelles nécessaires
Pour Amr Adly, chercheur non résident au Centre Carnegie Moyen-Orient, le problème de l’investissement en Egypte n’a pas besoin de réformes juridiques, mais plutôt de réformes institutionnelles. « Le guichet unique existe déjà dans la loi en cours, il n’est pas efficace car il existe plusieurs directions et ministères dont les mandats s’interfèrent. Aucun ne va céder son pouvoir, la vraie question est comment le gouvernement pourra changer les pratiques de la bureaucratie », s’insurge-t-il. Pour Hani Sareyeddine, ancien président de l’Autorité égyptienne de supervision financière et expert dans le droit des affaires, les critiques à l’encontre de la loi ne sont pas bien placées. « La loi n’a pas résolu tous les problèmes concernant l’investissement. Ce n’est qu’un pas dans la réforme juridique qui comprend aussi la loi sur les douanes, celle sur les licences de construction, celle sur les licences industrielles, en plus de la loi du secteur public des affaires entre autres », dit-il.
« Du coup, la loi sur l’investissement ne peut résoudre que 3 à 4 % des problèmes de l’investissement en Egypte, et le gouvernement en est conscient, les investisseurs doivent le reconnaître aussi », élabore-t-il. Pour lui, la loi permet, entre-temps, de faciliter les procédures, d'établir un système pour l’octroi de licences temporaires aux investisseurs leur permettant d’opérer en attente des licences finales et de faciliter la coordination entre les différentes entités gouvernementales. « Dans ce contexte, elle représente un pas en avant par rapport à la loi en cours », argumente-t-il.
En fait, la loi a introduit plusieurs facteurs qui, en théorie pour le moins, doivent faciliter les procédures comme l’automatisation complète des services d’investissement, y compris le paiement, la validation de fixation du capital des entreprises en monnaies transférables outre que la livre égyptienne, ainsi que l’introduction d’un certificat pour chaque projet qui renferme des renseignements spécifiques sur le projet et un numéro spécifique reconnu par toutes les directions administratives de l’Etat. Pour les investisseurs, ces mesures sont positives, le mot-clé reste dans l’application. En fait, investisseurs et experts économiques estiment tous que la réforme de l’administration et la mise en application seront le facteur essentiel qui affectera l’environnement d’investissement en Egypte plutôt que la loi en soi.
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