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Des lois souvent contraignantes

Nourane Chérif, Mercredi, 21 décembre 2016

Depuis la création de leur syndicat en 1941, les journalistes égyptiens luttent contre des législations qu’ils jugent comme limitant leur liberté d’expression.

Le code pénal de 1937

Les régimes qui se sont succédé en Egypte ont gardé le code pénal de 1937, et ont ajouté des articles parfois ambigus qui permettent à chacun de les interpréter à son gré, de manière à cibler les journalistes et les écrivains. Cela est clair surtout à travers les articles 171-201 du code pénal qui prévoient des peines de prison contre toute personne coupable d’« atteinte à la moralité publique » (article 178), « atteinte au président de la République » (179), « atteinte au parlement, à l’armée ou à la justice » (184) et « outrage fait à un juge » (186). De même, l’article 178 (2) prévoit une peine de prison à toute personne qui possède des photos qui « nuisent à la réputation du pays ». L’article 174 prévoit une peine de prison maximale de 5 ans et une amende à toute personne qui « incite au renversement du régime » ou qui « entrave l’application des principes de la Constitution ». Ces articles avec leur ambiguïté représentent une menace pour la presse et les médias.

La loi Bassili de 1951

En 1951, le syndicat des Journalistes a protesté contre un amendement législatif proposé par le député Stéphane Bassili, membre du parti Al-Wafd, qui tentait de rigidifier les pénalités liées à la publication de certaines informations. Et surtout, en cas de publication des informations liées aux membres de la famille royale, sans l’obtention d’une permission préalable. Suite à ce projet de loi, des journaux ont bloqué leur parution pour protester contre cette tentative. Face à cette contestation, Bassili a retiré son projet.

La loi 76 du syndicat, 1970

La loi du syndicat, dans les articles 65, 103 et 115, stipule que personne ne peut exercer le journalisme s’il n’est pas inscrit au syndicat des Journalistes. Il risque le cas échéant un an de prison au maximum et une amende de 300 L.E. Ainsi, selon ces articles, le syndicat n’accorde pas le même traitement aux journalistes syndiqués et non syndiqués. Ces articles représentent des contraintes surtout pour les jeunes journalistes.

La loi de 1995

Le 10 juin 1995, l’assemblée générale du syndicat des Journalistes s’est réunie afin de protester contre une loi promulguée en mai 1995, la loi controversée (no 93), surnommée « la loi du massacre de la presse », qui a aggravé les sanctions pour publications délictuelles, et ainsi a fixé des limites à la liberté d’expression. En plus, la loi a autorisé la détention préventive des journalistes. En conséquence, les journalistes ont organisé des manifestations face au parlement, puis un sit-in au siège du syndicat. De plus, plusieurs journaux ont bloqué leur parution comme signal de protestation. Et après un an d’une contestation continuelle, la loi a été annulée. Il s’agit de la plus célèbre confrontation entre le syndicat et le régime de Moubarak.

La loi de la presse no96 de l’année 1996

La loi actuelle de la presse comprend un certain nombre d’entraves qui font que les journalistes ne disposent pas totalement de leur liberté. Par exemple, les articles 9 et 10 garantissent l’accès à l’information, mais dans le respect de la sécurité nationale, et l’article 31 interdit la publication de tout contenu qui « agresse les valeurs et les traditions de la société ». En effet, les termes ambigus comme la préservation de la morale publique et les traditions barricadent la liberté d’expression et empêchent les journalistes de soulever certains sujets sensibles pour l’Etat et le public.

La loi no147 de l’année 2006

Dans les années 2000, avant même la révolution du 25 janvier 2011, le syndicat est devenu l’un des principaux lieux de contestation et de mobilisation qui ont marqué notamment la période du régime de l’ancien président Hosni Moubarak (1981-2011) et ses successeurs. En 2006, le gouvernement a tenté de faire passer un amendement législatif (la loi no147 de l’année 2006), au code pénal, afin d’empêcher les journalistes d’aborder la fortune des hommes d’affaires et politiciens. En plus, la loi a prévu une peine de prison et une amende contre les journalistes qui ne respecteront pas cette législation. Et par la suite, plusieurs journaux ont bloqué leur parution, et les journalistes ont entamé un sit-in devant le parlement. Sous la pression, le gouvernement a retiré le projet et a annulé la peine de prison.

La détention provisoire en 2012

Sous l’ancien président Mohamad Morsi (2012-2013), il y a eu plusieurs violations qui ont été commises contre les journalistes. En août 2012, la détention provisoire d’Islam Afifi, rédacteur en chef du journal Al-Dostour a suscité plusieurs contestations de la part des journalistes. Ainsi, l’ancien président était obligé d’émettre un décret présidentiel afin d’amender l’article 41 de la loi de la presse (no96) de l’année 1996, qui permettait la détention provisoire des journalistes s’ils insultent le président de la République, conformément à l’article 179 du code pénal. Ainsi, la détention provisoire a été annulée.

La loi antiterroriste de 2015

Selon l’article 35 de la loi sur la lutte contre le terrorisme promulguée en août 2015, toute nouvelle d’une opération terroriste qui n’est pas issue d’une déclaration officielle est passible d’une amende de 200 000 à 500 000 L.E. Cet article qui limite la liberté de la presse a provoqué plusieurs contestations. En plus, la loi renferme d’autres articles qui sont vagues et ambigus et qui menacent la liberté de la presse et des médias. Comme l’article 29, lié à la prohibition de l’utilisation des sites électroniques et des réseaux sociaux dans la diffusion des idées qui pourront encourager à commettre des actes terroristes.

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