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Les défis des investissements pétroliers

Aliaa Al-Korachi, Mercredi, 30 novembre 2016

Avec un contexte interne et externe peu propice, les investissements pétroliers en Egypte ont du mal à redécoller. Quelques signes sont toutefois encourageants.

Les défis des investissements pétroliers
Des travaux de prospection sont actuellement menés au large des côtes égyptiennes. (Photo : AP)

« 70 accords pétroliers ont été signés au cours des trois dernières années avec un total de 15 milliards de dollars d’investissement ». C’est ce que vient de déclarer le ministre du Pétrole, Tareq Al-Molla. Cette multi­plication des accords — intervenue après une période de stagnation juste après la révolution de 2011 — est motivée, pour beaucoup d’analystes, par les récentes découvertes promet­teuses, celles de gisements gaziers en Méditerranée ou pétroliers dans le Désert occidental et oriental. De 7,5 milliards de dollars injectés durant l’année fiscale 2014-2015, les inves­tissements étrangers dans le secteur pétrolier ont franchi la barre de 8,5 milliards en 2015-2016. Ils devront atteindre les 12,8 milliards de dollars à la fin de l’année fiscale actuelle 2016-2017. Selon le site électronique du ministère du Pétrole, parmi les dizaines grandes compagnies étran­gères qui mènent aujourd’hui leurs travaux d’exploration en Egypte, figure la compagnie américaine Apache, l’italienne Eni, le géant pétrolier britannique BP et l’anglo-néerlandais Shell.

Selon Ibrahim Al-Ghitani, expert économique, la pente des investisse­ments pétroliers étrangers remonte, mais avec une certaine lenteur, malgré le grand nombre de conventions pétrolières déclarées récemment par le gouvernement. Car la plupart reste encre sur papier, ou attende encore d’être activée. Aussi, dit-il, « d’im­portants défis se dressent face à l’in­vestissement étranger dans ce sec­teur ». Il explique que les investisse­ments dans le secteur du pétrole sont passés par deux principales phases en Egypte. La première, c’est la période florissante. Elle remonte à l’avant-révolution de 2011, où le marché pétrolier égyptien représentait un grand point d’attraction pour les investissements étrangers par rapport aux autres pays de la région. Des fac­teurs externes et internes ont favorisé cette croissance, comme l’explique Al-Ghitani. « A l’époque, la hausse des cours mondiaux du pétrole a représenté un avantage pour l’inves­tisseur étranger. De même, il y avait d’autres facteurs, notamment les clauses avantages des accords conclus avec le gouvernement. Ce qui fait qu’à cette époque, les investisse­ments étrangers dans ce secteur représentaient plus des deux tiers des investissements étrangers en Egypte ».

Mais la flèche est vite descendue après 2011, quand l’Egypte a traversé une période d’instabilité politique et économique. Cette crise interne a coïncidé avec une autre mondiale causée par la chute des cours du pétrole qui a perdu, à certaines périodes, jusqu’à 75 % de sa valeur, diminuant l’attractivité de l’investis­sement non seulement en Egypte, mais partout dans le monde. Ainsi, l’Opep a évalué à 20 % le recul des investissements des géants pétroliers mondiaux en 2015 à travers le monde. Et l’organisation prévoit que cette tendance à la baisse se poursuivra.

Plusieurs entraves

Outre l’instabilité économique de l’Egypte et la chute du prix du pétrole, d’autres facteurs ont réduit la confiance des entreprises étran­gères, les poussant à réduire leurs investissements en Egypte. En pre­mier lieu, le non-paiement des enga­gements du ministère du Pétrole vis-à-vis des partenaires étrangers depuis 2011, comme l’explique Ibrahim Zahran, expert pétrolier. Ce qui a fait que ces dettes (aux compagnies pétrolières étrangères) sont aujourd’hui évaluées à 3,6 milliards de dollars. Ceci représente, selon l’expert, le plus grand obstacle devant le retour massif de ces inves­tissements. Des investissements dont l’Egypte a pourtant besoin pour accélérer la production et satisfaire les besoins du marché local. « Tant que ces dettes ne sont pas rembour­sées, l’investisseur étranger sera toujours méfiant et hésitera avant de mettre plus d’argent. En même temps, ceci met le négociateur égyp­tien en position de faiblesse en négo­ciant de nouveaux contrats », ajoute Zahran. Toutefois, Al-Ghitani croit que les dernières mesures écono­miques, dont la libération du taux de change et le prêt accordé par le FMI à l’Egypte, pourraient donner des indices positifs et rassurants aux investisseurs étrangers.

Mais ce n’est pas suffisant. Selon Hamdi Ghallab, membre de la com­mission de l’énergie au sein du parle­ment, l’amélioration du contexte juridique est un autre défi à relever. Hamdi explique que la commission, dominée ces jours-ci par le débat sur les alternatives à Aramco, se penche aussi sur les moyens de présenter plus d’avantages aux investisseurs étrangers sans porter préjudice aux droits de l’Egypte. Le député indique que le parlement vient de ratifier seulement six accords pétroliers reportés de la précédente session parlementaire, et ces accords n’étaient, en fait, que d’anciens textes amendés. Il n’y a donc aucun accord nouveau. « Il est temps d’abo­lir la loi stérile des investissements et de lancer une nouvelle adjudication internationale pour l’exploration du pétrole en présentant des avantages, notamment dans le mode de paie­ment, pour encourager l’afflux d’in­vestissements étrangers », dit Ghallab, avant de conclure que « l’Egypte possède tous les atouts qui en font une destination d’explo­ration importante dans la région ».

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