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Pétrole : Marge serrée pour le Caire

Samar Al-Gamal, Mercredi, 30 novembre 2016

L'Egypte est en quête d'alternatives pour s'approvisionner en pétrole après la suspension des livraisons du géant saoudien Aramco.

Pétrole : Marge serrée pour le Caire

Le contrat était célébré en grande pompe. En avril 2016, Le Caire avait conclu un marché avec Riyad qui devait pourvoir à l’approvisionnement en pétrole via le géant pétrolier Aramco. Le contrat d’une valeur de 23 milliards de dollars s’étalait sur 5 ans et permettait à l’Egypte de recevoir 700 millions de tonnes de carburants (solar, mazout, butagaz et fuel) par mois, un an après la première livraison. L’Egypte devait s’acquitter du montant auprès du Fonds de développement saoudien qui, lui, allait le reverser à la compagnie du successeur du prince héritier et fils du roi Salman, Aramco. Le Caire devait ainsi bénéficier d’un étalement du paiement des redevances sur 15 ans avec un taux d’intérêt de 3 %. Des facilités jamais obtenues qui intervenaient dans un contexte économique relativement difficile. En effet, l’Egypte souffrait d’un manque grave de devises étrangères, notamment en dollars, et d’une chute de ses réserves monétaires dans la foulée du ralentissement de l’activité touristique et des revenus du Canal de Suez.

Une suspension sans justificatif

Les besoins en hydrocarbures, eux, montaient en flèche avec une population grandissante. Selon les chiffres du ministère du Pétrole, le pays a besoin d’au moins 1,2 million de tonnes de carburants par mois, alors que dans certains mois ce chiffre peut sauter à 1,7 million. Le contrat avec Aramco en fournissait 700 000 tonnes, alors que les 500 000 tonnes restantes, le Caire continuait à les importer aux côtés du gaz liquéfié. Le ministère du Pétrole, qui dispose d’un budget indépendant, parle d’une facture totale d'environ 11 milliards de dollars par an en hydrocarbures.Fin septembre, Aramco a décidé de suspendre sa livraison, sans aucune explication. Mais les responsables égyptiens parlent officieusement de raisons politiques plutôt qu’économiques sur fond de litige avec Riyad, notamment sur le dossier syrien. Le vote de l’Egypte, début octobre, en faveur d’une résolution de la Russie sur la Syrie, opposant son veto à un autre texte présenté par la France avec le soutien saoudien, a attisé les tensions.Et durant les deux derniers mois, l’Egypte s’est approvisionnée sur les marchés internationaux en lançant des appels d’offres. « L’absence d’informations, quant à ces achats ou à une éventuelle reprise des livraisons d’Aramco, met à mal l’économie », juge Amr Adli, économiste et chercheur non résident à l’Institut Carnegie Moyen-Orient. Et d’ajouter : « Le Caire parle d’approvisionnement auprès de l’Algérie et de la Libye sans donner plus de détails, et la Banque Centrale n’a depuis pas donné de chiffres sur les réserves monétaires ». Selon lui, « le problème n’est pas de savoir où chercher le pétrole, mais d’où trouver les dollars pour l’acheter ».

Un impact relatif

Pétrole : Marge serrée pour le Caire

Une source proche du gouvernement déclare que « Le Caire cherche une alternative avec des facilités presque similaires dans le cas où Aramco déciderait de geler complètement l’accord ». La source parlant sous couvert de l’anonymat fait état de négociations avec les Emirats arabes unis, en reconnaissant pourtant la difficulté de parvenir à un accord avec autant de facilités de paiement.« La crise n’a pas pris de dimension importante car les prix du pétrole sur le marché mondial sont assez bas et en même temps le gouvernement a augmenté les prix sur le marché local », explique Adli. Et en même temps les subventions du gouvernement en énergie ont été révisées à la baisse (lire page 4). Le gouvernement se veut pourtant rassurant, tablant sur des provisions de futures découvertes. Depuis 2013, Le Caire a signé ou modifié 70 accords pour des gisements de pétrole, dont les plus importants avec l’Italienne Eni et la britannique BP. « Leur mise en oeuvre prend entre 3 et 4 ans », estime l’expert économique Ibrahim Al-Ghitani.Même les découvertes en gaz naturel sont loin de combler les besoins. Eni a découvert, au large de Port-Saïd, le plus grand champ gazier Zohr jamais découvert en Méditerranée.« Dans certains cas, il est impossible de remplacer le pétrole par le gaz. Ceci est possible pour les centrales électriques pas plus », dit la source proche du gouvernement.

Une stratégie à mettre en place

« La découverte de Zohr n’aboutira pas à remplacer le fuel mais à limiter l’importation », ajoute la source.« Les découvertes en gaz sont importantes, car l’Egypte est devenue en 2011 un pays entièrement importateur de gaz et bien avant en 2006 un pays entièrement importateur de pétrole, ce qui a affecté la balance commerciale ». Pourtant, selon la source, ces découvertes n’auront pas d’impact dans l’immédiat, plus encore « elles ne transformeront pas le pays en grand exportateur à l’instar du Qatar ou la Russie et l’Algérie, car il y a une forte demande locale ».Les experts estiment que le vrai défi pour l’Egypte est l’absence de stratégie en matière d’énergie. L’idée du mix énergétique, pétrole et gaz avec énergie solaire et éolienne, n’est pas prioritaire pour le gouvernement. « La baisse du cours mondial du pétrole a relégué tous les plans d’énergie alternative aux oubliettes », précise Adli.Dans la foulée de la crise énergique de 2014, et quoique fortement critiquées, des lois ont été modifiées pour permettre par exemple l’importation du charbon, le ministre de l’Environnement a été remplacé et des appels d’offres pour la construction de centrale à charbon ont été lancés. Aujourd’hui, le tout est resté lettre morte. Une forte population et des besoins en développement importants pèsent davantage sur le dossier de l’énergie et exigent donc une stratégie. « Des pays faisant face aux mêmes défis comme la Chine et l’Inde, qui ont un appareil gouvernemental lourd comme le nôtre, un nombre important de fonctionnaires et une corruption ont cependant réussi à en élaborer une. Alors que nous n’avons pas de stratégie, mais une politique du jour le jour », dit Adli.

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