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Législatives égyptiennes: Un découpage fortement contesté

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 05 mars 2013

L'opposition dénonce le découpage des circonscriptions dans la nouvelle loi électorale, qu'elle considère comme « nettement favorable aux Frères musulmans ». La confrérie dément.

Election
Le découpage des circonscriptions a un caractère politique, affirme l'opposition. (Photo: Reuters)

L’opposition rejette en bloc la nouvelle loi électorale qui prévoit un découpage des circonscriptions favorable aux islamistes. Ce découpage ne garantit pas, selon l’opposition, une représentation juste de la population comme le stipule l’article 113 de la Constitution. Préparé par le ministère de la Justice en coordination avec le ministère du Développement administratif et le ministère de l’Intérieur, la loi avait été approuvée en première lecture par le Conseil consultatif et envoyée à la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) pour juger de sa constitutionnalité.

Mais la Cour a estimé que « le nombre de sièges n’était pas proportionnel au nombre d’électeurs ». Les islamistes ont amendé la loi à la hâte ignorant les propositions de l’opposition. Certains des députés de l’opposition mènent jusqu’à aujourd’hui des sit-in au sein du bâtiment du Conseil consultatif, en guise de protestation. Les membres du Sénat se sont contentés de rajouter 48 sièges à 6 gouvernorats. Ainsi, il y aura 546 sièges au prochain Parlement au lieu de 498, dont 12 sièges pour Le Caire, 12 pour Guiza, 6 pour Alexandrie, 6 pour Assouan, 6 pour Charqiya et 6 pour Qalioubiya. Selon Yousri Al-Azabaoui, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, le nouveau découpage offre aux islamistes plus de chances de remporter les élections dans certaines circonscriptions. « Quatre des six gouvernorats qui ont bénéficié d’une augmentation du nombre de sièges, à savoir Qalioubiya, Charqiya, Guiza et Assouan avaient voté massivement oui lors du dernier référendum sur la Constitution », affirme Al-Azabaoui. Et malgré l’augmentation du nombre de sièges dans les grandes villes comme Le Caire et Alexandrie où l’opposition libérale est bien implantée, le déséquilibre persiste. Au final et malgré l’amendement, le nombre de sièges dans le futur Parlement n’est toujours pas proportionnel à la démographie. Alexandrie par exemple qui passe de 24 à 30 sièges, il lui aurait fallu 34 sièges pour parvenir à cet équilibre.

Même chose à Qalioubiya, qui passe de 18 à 24 siège, alors qu’il aurait fallu lui en donner 28.

« Au lieu de résoudre le problème de la répartition des circonscriptions afin que le nombre de sièges dans chaque circonscription soit proportionnel au nombre d’habitants, les islamistes se sont contentés d’augmenter le nombre des députés imposant du même coup un fardeau budgétaire supplémentaire au Parlement », lance Al-Azabaoui. Dans les gouvernorats où le vote était faible en faveur des Frères, et qui avaient voté « non » lors du référendum comme Gharbiya, la représentation parlementaire sera faible.

Déséquilibres calculés

Le politologue Wahid Abdel-Méguid, membre du Front national du salut, souligne que ce déséquilibre existe dans plusieurs autres gouvernorats mais « dans le sens inverse ». Il s’explique : « Le nombre de sièges attribués à certains gouvernorats dépasse leur capacité populaire. Cela fait partie d’une représentation non équitable de la population ».

A titre d’exemple, Assiout auquel on a consacré 24 sièges n’aurait dû avoir que 20 sièges si on se réfère à sa population. Le Sinaï a 3 sièges de plus que ce qu’il aurait dû en recevoir. Et c’est la même chose au Fayoum, Béni-Soueif et Qéna. Ces gouvernorats conservent le même nombre de sièges que dans l’ancienne version de la loi. Le principe d’un minimum de sièges garanti pour chaque gouvernorat, inclus dans l’ancienne version de la loi, a été maintenu, bien que l’opposition réclame sa suppression. Il s’agit de 4 sièges pour le scrutin de liste et 2 pour le scrutin uninominal dans chaque circonscription. Un autre principe, celui du droit acquis qui accorde à chaque gouvernorat le nombre de sièges qu’il avait coutume d’avoir lors des précédentes élections, a lui aussi été maintenu. Ces deux critères constituent une violation explicite de la Constitution selon l’opposition. « Il est bien évident que le découpage favorise les circonscriptions désertiques et celles situées en Haute-Egypte où les islamistes sont traditionnellement majoritaires », souligne Al-Azabaoui. Sobhi Salah, membre du Conseil consultatif, voit l’affaire sous un autre angle. Pour lui, « la révision des circonscriptions électorales a été faite de manière scientifique et en respectant les données démographiques et l’égalité des chances. Il n’y a aucun calcul politique dans ce découpage. Notre but était de remédier aux lacunes de l’ancienne loi ». Mais l’opposition soulève une autre critique. « On a regroupé des quartiers et des zones qui n’ont aucun rapport géographique les uns avec les autres et cela dans les circonscriptions où les Frères n’ont pas l’habitude de réussir, et ce, pour éliminer certaines figures de l’opposition », explique Al-Azabaoui.

Choubra : fragmenter le vote des coptes

Le quartier de Choubra est l’exemple le plus flagrant de cette stratégie. Le transfert des quartiers de Choubra et de Charabiya de la région nord vers le centre du Caire n’a qu’une seule interprétation : fragmenter le vote des coptes. Autre exemple, la région de Aïn-Chams qui renfermait les circonscriptions d’Héliopolis et d’Al-Nozha, ayant voté en masse pour Amr Hamzawi, a été remplacée par Al-Salam et Al-Marg, fiefs islamistes.

Pour Al-Azabaoui, l’élargissement exagéré de certaines circonscriptions est une autre manoeuvre pour affaiblir les candidats indépendants, isoler leur électorat et leur rendre la tâche plus difficile sur le plan financier. « Un candidat qui réussit à mener une campagne dans la circonscription de Guiza est un super-héros. Il faut beaucoup de moyens que seuls les islamistes possèdent », affirme Al-Azabaoui.

Les islamistes ont présenté la version amendée de la loi au président de la République qui a appelé les Egyptiens à voter le 22 avril prochain, ignorant ainsi les appels de l’opposition à soumettre la loi à la HCC pour s’assurer de sa conformité à la Constitution et éviter tout risque d’inconstitutionnalité.

Cet empressement semble inexplicable. Le prétexte avancé est le manque de temps. « La popularité des islamistes ne fait que diminuer. Ils le savent bien et veulent gagner du temps », conclut Al-Azabaoui.

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