En l'absence de l'opposition, un dialogue islamo-islamiste autour de la table ronde de la présidence.
Un grand nombre des cadres et des partis de l’opposition ont étéconviés mardi dernier pour une table ronde sur la tenue des élections législatives, qui auront lieu le 22 avril prochain. Le président Mohamad Morsi avait appeléàla tenue d’un dialogue national, afin de discuter des moyens de garantir l’intégritédes prochaines législatives.
«J’appelle toutes les forces politiques àun dialogue national demain pour discuter des garanties concernant l’intégritédes élections », avait-il déclaré. Après l’initiative de boycott de l’opposition, cette réunion avait officiellement pour objectif de trouver un accord. Pourtant, parmi les 29 partis politiques et les 20 personnalités qui y ont étéinvités, seuls 13 partis ont participéàla réunion en plus de quelques personnalités.
Parmi les formations politiques et les personnalités ayant répondu àl’appel du président figuraient les représentants du Parti Libertéet justice des Frères musulmans, des partis salafistes Al-Nour et Al-Watan, du parti modéréAl-Wassat, du Parti du développement et de la réforme (gauche), du Parti Ghad Al-Sawra (le seul parti libéral ayant participé), du Front de la conscience nationale et le magistrat Mahmoud Al-Khodeiri.
Les grands absents ont étéla Coalition de l’opposition, le Front National du Salut (FNS) et les trois Eglises d’Egypte (copte, catholique et protestante). Les partis d’opposition avaient par ailleurs demandéau président d’être reçus séparément pour discuter des articles qu’ils contestent dans la nouvelle Constitution. Le FNS avait annoncéil y a peu qu’il boycottait ce dialogue mais aussi les législatives, ayant estiméque rien ne garantissait leur transparence. La Coalition d’opposition, qui accuse les Frères musulmans de vouloir dominer toutes les institutions de l’Etat, conditionne la reprise du dialogue àla prise en compte de leurs revendications, dont la mise en place d’un gouvernement de salut national. L’activiste Georges Ishaq ne voit dans cette rencontre «qu’une farce àlaquelle nous refusons de participer. Les Frères ne souhaitent, par cette rencontre, que regagner la rue qu’ils perdent de plus en plus ». Sameh Achour, l’un des membres de la coalition, a déclaréàl’issue d’une réunion du FNS : «De quelles garanties pourrions-nous parler aujourd’hui alors que vous avez refuséun gouvernement impartial capable d’appliquer ces garanties ? ».
Tentative de transparence
Pour la première fois, la séance de dialogue a étéretransmise en direct àla télévision publique, question de transparence ... Ainsi, le président Mohamad Morsi a affirméàl’ouverture de la séance que le dialogue était encore ouvert àceux qui n’y participaient pas. Pour Gamal Hechmat, l’un des cadres de la confrérie et membre du Conseil consultatif, «ceux qui ont assistéàcette réunion sont les partis sérieux qui recherchent vraiment l’intérêt du pays et non le leur. On n’arrive plus àcomprendre pourquoi l’opposition àchaque dialogue, référendum ou élection sort son histoire de boycott. C’est parce qu’elle n’a rien d’autre àprésenter. Le discours sur l’intégritédes élections a ététrès riche car ceux qui y ont participéétaient sérieux. Nous sommes sortis avec des recommandations claires et précises assurant une réelle transparence pour les prochaines législatives. C’est ce que visait le président qui n’a pas hésitéàinviter tous les présents et même les absents àproposer leurs recommandations àla Haute commission électorale ».
Sept recommandations « non contraignantes »
Sept principales recommandations ont étéémises pour assurer l’intégritédes élections législatives, notamment la formation d’un comitédes différents partis politiques pour garantir l’intégritédes législatives. Il a également étérecommandéàla Haute commission électorale de mettre en place des critères objectifs et transparents pour choisir les collaborateurs du comitéjuridique. Leurs noms devront être annoncés bien avant la tenue des législatives, le 22 avril prochain. Il sera interdit d’utiliser les lieux de culte pour faire de la propagande durant la campagne électorale et le plafond des dépenses prévu ne devra pas être dépassé.
En fin de discours, le président a réaffirmé:
«Les recommandations de ceux qui ont assistéàcette séance seront transmises àla Haute commission électorale et soumises àson approbation ». Cette commission a, quant àelle, annoncéque ces recommandations ne seraient pas contraignantes mais qu’elle allait essayer de les prendre en considération. Divers avis et propositions ont étéprésentés lors de la réunion. Al-Katatni a estiméqu’un changement de gouvernement maintenant enverrait un signal négatif, alors que le pays vit une grave crise politique et économique. Il a proposéque les violations de ces recommandations, comme le fait d’utiliser les lieux de culte pour faire campagne, soient lourdement sanctionnées. Le salafiste Younès Makhyoun, dont le parti a tentéde jouer les médiateurs entre le pouvoir et le FNS, a de son côtédemandéla formation d’un gouvernement impartial de technocrates acceptépar tous les partis politiques. L’homme politique Rami Lakah a enfin réclaméun report de six mois des élections pour que le pays se calme.
Cependant, Chaaban Abdel-Alim, l’un des cadres du parti salafiste Al-Nour, estime que dans le fond le discours du président est vide.
«C’était un discours qui tournait entre des partis de la même tendance islamiste. Un discours islamiste-islamiste. On aurait préféréque les partis d’opposition et libéraux soient présents car ce sont leurs contestations qui auraient pu donner un poids àcette rencontre. L’absence de l’opposition a donnél’opportunitépour le parti au pouvoir d’imposer sa propre conception. On s’attendait àce que la présidence fasse plus d’efforts en écoutant les revendications de l’opposition tel le changement du gouvernement. Mais en vain ».
Qu’on se le dise, cette rencontre n’a pas apportégrand-chose. Signe de cet échec, le parti Al-Nour est sorti les mains vides du dialogue. Makhyoun, dont aucune proposition n’a étéécoutée, a refuséde signer le communiquéfinal de la rencontre assurant que cela n’avait «aucun sens de signer un communiquéaussi vide ».
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