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Velléités kurdes et enchevêtrement d'intérêts

Samar Al-Gamal, Mercredi, 16 novembre 2016

Les Kurdes d'Iraq et de Syrie entendent profiter de leur rôle de premier plan dans la guerre contre l'Etat islamique pour gagner plus d'autonomie. Le rêve d'un « grand » Kurdistan reste cependant lointain.

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(Photo : Reuters)

Ils sont les principaux rivaux de Daech, au moins sur le terrain en Syrie et en Iraq. Les Kurdes sont désormais au devant de la scène. Leurs Peshmergas ou ceux « qui sont au devant de la mort » ont réussi à remporter plusieurs victoires face à Daech et reprendre le contrôle de plusieurs villes, renforçant davantage l’espoir pour eux d’étendre leur emprise géographique et de créer ce qui dans leur culture est dit le Kurdistan.

Un pays pour le moment encore fictif, mais qui se constituerait entre la Turquie, la Syrie, l’Iraq et l’Iran. Là où sont éparpillés les Kurdes. Leur nombre exact reste inconnu et les estimations varient entre 20 et 40 millions. Ils appartenaient probablement « au rameau iranien de la grande famille des peuples indo-européens » selon l’Institut kurde de Paris, avant de rallier l’islam sans pourtant s’arabiser. Ils seraient ainsi environ 15 millions en Turquie, 6 à 7 millions en Iran, 4 millions en Iraq et 2 millions en Syrie.

Bien que l’ambition kurde, partout dans le monde, soit la création d’un Etat kurde, des contradictions marquent la question kurde dans les quatre pays. Des contradictions qui semblent même aller au-delà de cette ambition. La différence entre les Kurdes ne se cache plus et cette turbulence dans la région a permis de la dévoiler au grand jour. A une certaine limite, les objectifs des Kurdes en Turquie, en Syrie, se rejoignent mais s’éloignent de leurs homologues en Iraq. En effet en Syrie, ils sont surtout présents dans le Parti de l’union démocratique (PYD), filiale du PKK turc, classé organisation terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne. Ils ont gagné une certaine autonomie au nord du pays et ont conclu un pacte de non-agression avec le gouvernement de Damas. Les kurdes iraqiens, eux, ont presque achever la démarcation de leur frontière depuis leur autonomie bénéficiant de la chute de Saddam. Le Gouvernement Régional du Kurdistan (GRK) dispose d’une importante armée, les Peshmergas, forte de 190 000 hommes, et se passe désormais de l’accord de Bagdad pour conclure des contrats pétroliers avec des compagnies étrangères et exporter directement le brut vers la Turquie. Le GRK paraît ainsi comme le modèle à suivre aux yeux des autres Kurdes. Pourtant, les Kurdes de Syrie adoptent une philosophie différente dans la relation avec le pouvoir central, avec l’ambition d’établir un système fédéral. Quant aux Kurdes de Turquie ou d’Iran, ils ne sont pas arrivés au même degré qui leur permet d’instaurer une province séparatiste (lire pages 4 et 5).

Iraq et Syrie versus Turquie et Iran

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(Photo : AFP)

Selon une étude menée récemment au Caire intitulée « Comment les Kurdes assurent-ils la sécurité dans leur zones d’influence et dans les zones de conflit ? », les cas iraqien et syrien restent flexibles vu la fragilité de ces Etats, et les possibilités d’expansion de l’emprise kurde est possible. En revanche, le système est remarquablement fort dans les cas turc et iranien où le pouvoir dans les deux pays impose des restrictions sur les différents aspects liés aux Kurdes. La situation syro-iraqienne est un catalyseur de l’attention accordée aujourd’hui aux Kurdes, et celle turco-iranienne manifeste un sentiment nationaliste qui va crescendo. Selon la même étude, « dans les deux premiers cas, la carte de pression, même internationale, se joue, mais dans les deux autres, les Kurdes n’ont pas de quoi marchander avec le pouvoir et n’ont donc aucune chance d’accéder à cette séparation dans un avenir proche ».

Selon Megahed Al-Zayat, président du Centre national des études du Proche-Orient, « les puissances internationales sont actuellement dans la course pour soutenir les Kurdes car le lobby kurde en Occident est assez fort, notamment en Allemagne ou en France. Mais surtout car ils détiennent la balance en Iraq. Ils sont la seule force organisée et structurée et non extrémiste ou radicale ».

Pourtant, les Etats-Unis et l’Allemagne se sont opposés aux ambitions de Massoud Barzani qui voulait tenir en 2014 un référendum pour l’indépendance du Kurdistan iraqien. « Aujourd’hui, ils étendent encore leurs territoires et refusent de restituer au gouvernement iraqien les terres conquises sur l’EI, à Mossoul et Kirkouk, dont une part importante est riche en pétrole », explique Al-Zayat.

Les forces kurdes veulent aujourd’hui tirer profit des opérations lancées contre les djihadistes et dans lesquelles ils sont fort actifs en Iraq comme en Syrie. « Ils se présentent comme la seule force qui peut pour le moment combattre Daech. Cela est dû aussi à la situation sur le terrain. Les combattants de Daech sont présents dans des zones limitrophes avec les Kurdes. Et leur animosité ne date pas d’aujourd’hui. Les Kurdes avaient dès le début fait face à Al-Qaëda quand Abou-Mossab Zarqawi était entré en Iraq via le nord du pays, profitant de la coopération avec le groupe Ansar Al-Islam, ennemi des Kurdes. Ces derniers ainsi aidaient dès le début les Américains contre les djihadistes et pensent qu’il est temps d’encaisser des gains », explique Al-Zayat. Il regrette que l’Occident reste silencieux sur « le changement systématique de l’identité et de la culture des régions libérées par les Kurdes en Iraq ».

D’après un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW), la semaine dernière, les Kurdes ont détruit de manière « illégale des bâtiments et habitations arabes, et dans plusieurs cas des villages entiers, entre septembre 2014 et mai 2016 ». Ces destructions ont touché « 17 villages et localités à Kirkouk et 4 autres dans le gouvernorat de Ninive », et ont été faites par « le feu, des équipements lourds ou par explosifs », détaille le HRW. En Syrie, croit Al-Zayat, « ils ne disposent ni des mêmes moyens ni d’une zone indépendante, et ils sont présents dans des territoires contestés où le groupe Daech est fort présent ». Pourtant, un grand Etat dit le Kurdistan paraît encore plus virtuel. « Il ne verra pas le jour tant que l’Iran et la Turquie ne le permettront pas », conclut Al-Zayat.

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