Un million de Libanais, soit 28,5% de la population, vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté et 8% d’entre eux dans des conditions d’extrême pauvreté. Ces chiffres sont le résultat d’une étude effectuée récemment par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), en collaboration avec le ministère libanais des Affaires sociales et l’Administration centrale de la statistique.
L’étude démontre que le taux de pauvreté n’a presque pas changé par rapport au taux de 2004 qui atteignait alors les 28,6%, seulement l’indice démographique, lui, a doublé. La population libanaise est passée de 3,7 millions en 2004 à 6,3 millions d’habitants en 2016. Sans président depuis plus de deux ans, le Liban est chapoté par un parlement sans réelle légitimité populaire qui a décidé de prolonger son propre mandat jusqu’en mai 2017. Le pays vit une situation politique très délicate qui entrave grandement l’efficacité de l’ensemble des institutions gouvernementales. « Le Liban n’est pas un pays pauvre en soi, mais la pauvreté a commencé à le gagner ces deux dernières années. Cet Etat sans président est en proie à une grande crise politique, sociale et bien sûr économique. Il n’y a pas d’investissement et les revenus du secteur touristique ont beaucoup diminué. Le pays n’a pratiquement plus d’institutions opérationnelles. Seul le gouvernement fonctionne, mais au ralenti », explique Ayman Chabana, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Et même ce gouvernement, formé des principales forces politiques libanaises, ne parvient pas, la plupart du temps, à gérer les questions courantes. « J’ai envisagé à maintes reprises de démissionner, mais je ne suis jamais passé à l’acte de crainte d’accélérer l’effondrement total des institutions du pays », a affirmé Tammam Sallam, premier ministre libanais.
Le problème des ordures
L’année dernière, à la mi-juillet 2015, le pays du Cèdre avait été secoué par une grave crise, « la crise des ordures ». Plus personne ne ramassait les poubelles dans les rues. Une série de manifestations avait réuni plusieurs milliers de Libanais qui protestaient contre l’incompétence du gouvernement à gérer les ordures accumulées. La population en avait aussi profité pour exprimer sa colère envers les coupures quotidiennes d’électricité et d’eau.
Sur le plan sécuritaire, le Liban reste malgré tout assez stable en comparaison avec les multiples conflits qui l’entourent, notamment en Syrie. « Cette stabilité est, en fait, très fragile, et peut être remise en question avec le temps et le dysfonctionnement des institutions étatiques », estime Chabana. Selon le politologue, la vacance présidentielle n’est pas la seule cause de la crise que connaît le Liban aujourd’hui. L’explosion du conflit syrien en 2011 a aussi eu des répercussions sur le Liban. Près de 1,5 million de Syriens ont trouvé refuge au Liban, ce qui équivaut à 30% de sa population. Selon un rapport du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR), le Liban accueille plus de 36 % de la totalité des réfugiés syriens dans la région. Et cette situation a sans doute eu un impact négatif sur l’économie du pays. « Le Liban est entré dans une phase critique du fait qu’il est un très petit pays, qu’il n’a pas les moyens d’accueillir un nombre aussi important de réfugiés. Cet afflux de réfugiés a fait chuter les recettes commerciales et touristiques du pays et a aggravé le taux de la pauvreté et du chômage », explique Gamal Abdel-Gawad, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Et d’ajouter: « Le Liban est un pays extrêmement fragile qui vit sous l’influence des conflits politiques qui sévissent dans sa région », affirme Gamal Abdel-Gawad. Le dysfonctionnement des institutions de l’Etat nécessite des réformes en profondeur. Un processus difficile à entreprendre selon beaucoup d’analystes dans le contexte actuel des choses.
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