Israël : l'ennemi n°1 du Hezbollah.
Occupant une position géographique hautement sensible, le Liban partage ses frontières avec deux pays uniquement: la Syrie au nord et à l’est sur 376 km et Israël au sud, sur 79 km. Il est bordé à l’ouest par le bassin Levantin, la partie orientale de la mer Méditerranée, avec 220 km de côtes. Suite à l’accord contre-nature pour la présidence entre les deux hommes issus de camps rivaux: Saad Al-Hariri et le général Michel Aoun, un climat d’incertitude règne, avec les éventuelles implications d’un tel bouleversement sur ces deux pays, surtout que le parti de Aoun est allié au Hezbollah pro-Damas et anti-Israël.
L’ascension de Aoun à la tête de l’Etat, qui a exprimé ouvertement son soutien au pouvoir du président syrien, Bachar Al-Assad en 2012, en avertissant même que « le départ de Bachar pourra déclencher une guerre mondiale », va-t-elle se traduire vers une détente en Syrie où le régime est soutenu politiquement et militairement par le Hezbollah? Rien n’est sûr jusqu’à présent puisqu’elle serait accompagnée de l’arrivée d’un premier ministre, Saad Al-Hariri, opposé au régime de Bachar Al-Assad. Car le Liban et la Syrie sont deux pays si proches, mais aussi si divisés. Qualifié comme étant le jardin de la Syrie, le Liban a longuement adopté une politique étrangère qui reflétait les préférences syriennes. Le Traité de fraternité signé entre les deux pays en 1991 favorisait les libertés de circulation, de création d’emploi, de travail ou de flux de capitaux. La présence de Damas au Liban était fortifiée par la présence syrienne au Liban, pendant la guerre civile de 1975 à 1990, et maintenue jusqu’en avril 2005 après le retrait de l’armée syrienne, suite à l’assassinat de Rafic Al-Hariri. Et depuis, le Liban est en fait divisé en deux camps: anti et pro-Damas. Un camp anti-Damas appelé « 14 Mars » auquel appartiennent les sunnites du Courant du futur, présidé actuellement par Saad Al-Hariri, et un autre camp pro-Damas appelé « 8 Mars », appuyé par Téhéran, et figé actuellement autour de l’ex-commandant en chef de l’armée libanaise, Michel Aoun. Cette division est accentuée à tous les niveaux depuis le déclenchement du conflit syrien en 2011.
Pour Tareq Fahmi, directeur du Centre national des études du Moyen-Orient en Egypte, « la Syrie n’a jamais véritablement quitté le Liban ». Elle a pu y maintenir une influence forte après. Pour lui, c’était impossible que les deux camps concluent un accord pour élire un président sans qu’ils aient le feu vert de Damas. Ainsi, selon Rabha Allam, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « il semble que l’arrivée au pouvoir d’un président libanais soutenu par le Hezbollah est compatible avec les intérêts stratégiques de Damas ». Pourtant, pour Nourane Helmy, professeur de relations internationales à l’Université du Caire, « théoriquement, un tel changement pourra renforcer la position du président syrien Bachar Al-Assad, mais pratiquement, il est inattendu qu’il affecte la crise syrienne », annonce-t-elle. Au niveau de la politique étrangère, Allam pense que le Liban va continuer d’avoir une politique assez floue envers la crise syrienne, faute de la division interne libanaise entre un camp pro-Damas (8 Mars), et un autre anti-Damas (14 Mars).
En plus, le fait que le président de la République soit soutenu par le Hezbollah ne va pas être généré en une politique étrangère fortement inclinée vers l’Iran à titre d’exemple. Selon Allam en effet, le plus probable est qu’on assistera à une politique étrangère équilibrée, parce que le président du Liban n’a pas le dernier mot: en raison de l’accord de Taëf, les pouvoirs du président de l’Etat libanais ont été réduits au profit du Conseil des ministres, dont le premier ministre doit être musulman sunnite. Sans oublier que, dans le cadre de leur accord, Saad Al-Hariri et Michel Aoun ont insisté sur la neutralisation du Liban de la crise syrienne, afin de sauvegarder sa stabilité et de le préserver des guerres qui ravagent la région.
La crainte israélienne
Quant à Israël, les choses sont différentes. Le Hezbollah place l’Etat hébreu à la tête de la liste de ses ennemis. Et réciproquement, Israël place le Hezbollah sur la liste des mouvements terroristes. En qualifiant Israël d’Etat terroriste, le Hezbollah peut justifier l’usage de tous les moyens pour éradiquer ce « cancer sioniste », qui ne reflète que le « mal absolu ». C’est dans ce cadre que la question d’armement du Hezbollah inquiète l’Etat hébreu. Sur le fond de la question de la reconnaissance de l’Etat israélien, le Hezbollah adopte une position radicale qui conteste la légitimité de cet Etat. Et qui l’aperçoit comme une menace constante pour l’Etat libanais. En plus, le Hezbollah estime que l’invasion israélienne de 1982 a représenté la plus grave menace à l’indépendance libanaise, puisque les forces d’occupation avaient occupé le Sud-Liban jusqu’en mai 2000, à l’exception du territoire de Chebaa, situé près du Golan, qui reste occupé. Et depuis, la guerre entre le Hezbollah et Israël en 2006, la deuxième guerre du Liban, les tensions avec Israël au sud du Liban, restent présentes mais demeurent contenues. Dans ce contexte, Fahmi pense qu’« Israël sera le grand perdant de la montée en pouvoir d’un président libanais soutenu par le Hezbollah ». Pour le moment, l’inquiétude israélienne est traduite par un renforcement des procédures sécuritaires à la frontière israélo-libanaise.
Cela dit, estime Rabha Allam, « le fait que le Hezbollah soit actuellement plongé jusqu’au cou dans la guerre syrienne est une arme à double tranchant pour les Israéliens », tant que les combattants du Hezbollah battent et meurent dans les combats en Syrie, il sera difficile d’imaginer que Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, se lance, à court terme, dans une nouvelle aventure contre Israël. Mais en même temps, avec sa participation à la guerre syrienne, le Hezbollah a mûri, passant d’une milice armée comme tant d’autres à une véritable armée, ce qui représente une menace réelle pour les intérêts fondamentaux d’Israël sur le long terme.
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