L'Egypte produit 4,33 milliards de pieds cubes de gaz en moyenne par jour.
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L’Egypte sera-t-elle la prochaine plaque tournante du gaz naturel en Méditerranée orientale ? ». C’est le titre d’un rapport publié récemment par le groupe américain
Stratfor. Selon ce rapport, l’Egypte cherche à tirer profit de ses grands gisements de gaz naturel découverts ces dernières années en Méditerranée orientale. Gisements qui vont attirer l’attention des grandes compagnies de pétrole et de gaz naturel au cours de la prochaine décennie. «
Beaucoup d’indices montrent que l’Egypte pourrait se repositionner au Moyen- Orient comme un centre régional de production de gaz naturel », note le rapport, en se référant à l’accord préliminaire signé, le 31 août, entre l’Egypte et Chypre, pour construire un gazoduc sous-marin reliant le champ gazier
Aphrodite de Chypre au littoral égyptien. «
Si le projet surmonte l’obstacle de son financement, le pipeline pourrait être opérationnel d’ici 2020 », note le rapport, qui remarque que cet accord fait partie d’une stratégie plus large de l’Egypte visant à devenir un pôle de développement et de production énergétique dans la région. Un objectif qui, selon
Stratfor, pourrait être couronné de succès, puisque l’Egypte possède des facteurs attrayants pour les investissements avec une infrastructure et un énorme marché de consommation, ce qui rend économiquement viable tout projet visant à développer la production de gaz naturel. L’Egypte a récemment connu une crise énergétique qui l’a fait passer d’un pays exportateur à un pays importateur de gaz naturel.
Au milieu des années 2000, l’Egypte était devenue un exportateur de gaz naturel grâce à la découverte de plusieurs gisements au large de ses côtes. En 2009, les exportations égyptiennes de gaz naturel étaient évaluées à 20 milliards de m3. Ces exportations ont fortement chuté après la révolution du 25 janvier 2011 à cause de la baisse des investissements étrangers, du ralentissement des travaux d’exploration et de la crise de l’électricité survenue durant les étés 2013 et 2014. Les coupures de courant ainsi que le manque de carburants ont obligé l’Egypte à suspendre en 2013 toutes ses exportations de gaz naturel liquéfié à l’étranger pour devenir un importateur de gaz naturel. La récente découverte du gisement Zohr, le plus grand jamais découvert en mer Méditerranée, par l’entreprise italienne ENI fin août 2015, a changé la carte gazière de la région en faveur de l’Egypte. Situé à plus de 4 000 mètres de profondeur, le gisement recèlerait à lui seul 850 milliards de m3 de gaz et représenterait, selon ENI, une production de 70 à 80 millions de pieds cubes par jour. ENI n’est pas la seule entreprise à avoir l’intention d’intensifier ses activités en Egypte. L’entreprise British Petroleum (BP) veut achever rapidement ses deux projets en Egypte, le premier projet situé dans le Delta occidental du Nil est d’une valeur de 12 milliards de dollars, tandis que le second est le projet Atul. Le premier projet devrait augmenter sa production de 12,4 milliards de pieds cubes, tandis que le second ajouterait 3,1 milliards de pieds cubes à la production totale de gaz naturel égyptien. Ces projets, comme l’indique l’expert en énergie Ibrahim Zahran, « vont subvenir aux besoins nationaux pendant plusieurs décennies, augmenter la production de gaz naturel de l’Egypte et réduire les importations estimées à 1,3 milliard de pieds par jour ».
Production et consommation en hausse
Selon les chiffres officiels, la production de gaz naturel monte en flèche. Dans un rapport publié ce mois-ci par EGAS, la compagnie égyptienne en charge du gaz, l’Egypte a produit au mois d’août 4,33 milliards de pieds cubes de gaz en moyenne par jour, soit 8 % de plus qu’au mois de juillet. Cette hausse s’explique par l’ajout de 4 nouveaux puits au réseau national de distribution. Ces puits, qui appartiennent à ENI, BP et Shell, sont situés dans le Delta du Nil et dans le Désert occidental. Il s’agit des puits de Nedoco North-West 6, Nedoco North-West 2, de la concession Nooros, de Taurt-8 de Pharaonic Petroleum et du puits STRA3-3. EGAS, dans son rapport, prévoit que l’année prochaine verra une augmentation de la production de 1,6 milliard de pieds cubes par jour, en raison de l’entrée en service des champs de Zohr et de celui du nord d’Alexandrie, qui feront franchir à l’Egypte la barre des 5 milliards de pieds cubes par jour et réduiront ainsi les quantités de gaz importées, qui sont actuellement estimées à 1,3 milliard de pieds cubes par jour. « L’Egypte atteindra l’autosuffisance en gaz naturel d’ici 2020, en particulier avec l’intensification des travaux d’exploration dans le Sahara occidental où a priori il y aurait de grandes réserves de gaz et de pétrole brut », note EGAS.
L’exportation, un objectif difficile
Selon le rapport de Stratfor, le président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi, a fait de la réforme du secteur de l’énergie une priorité, bien que cette réforme ne soit pas facile et nécessite beaucoup de temps. En 2008, l’Egypte avait fixé le prix du gaz à 2,65 dollars par million de BTU. Aujourd’hui, les entreprises industrielles paient 7 dollars pour un million de BTU, ce qui a permis à l’Egypte de commencer à rembourser ses dettes aux compagnies pétrolières internationales. Dettes qui avaient atteint 6,3 milliards de dollars fin 2013. Après la découverte du champs gazier de Zohr, Le Caire a conclu un accord avec la société italienne Eni. En vertu de cet accord, la société obtient, en échange de l’exploitation du gisement, 40 % de la production. Celle-ci est alors rachetée par l’Egypte à un prix compris entre 4 et 5,88 dollars par million de BTU. L’Egypte redeviendra-t-elle bientôt un exportateur de gaz ? En dépit des découvertes de nouveaux gisements et de l’intensification des travaux d’exploration des entreprises étrangères, le retour de l’Egypte sur la carte des pays exportateurs de gaz n’est pas envisageable à cause de la consommation accrue qui absorbe la majeure partie de la production. « L’Egypte consomme actuellement environ 50 milliards de m3 par an, et il est prévu que la consommation au cours des prochaines années atteigne 70 milliards de m3 par an », note le rapport. « On ne doit pas répéter les erreurs commises à l’époque de Moubarak et exporter le gaz naturel. Il faut, au contraire, arrêter l’exportation et encourager certaines industries nationales comme l’industrie pétrochimique », conclut Zahran.
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