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Energie : Questions d’avenir à Alger

Samar Al-Gamal, Mercredi, 28 septembre 2016

Le 15e Forum international de l’énergie s’est ouvert lundi à Alger et se poursuit jusqu’à ce mercredi. Une occasion pour les pays membres de l’Opep de se retrouver et discuter de la préoccupante crise du pétrole.

Energie : Questions d’avenir à Alger

Les ministres de l’Energie de divers pays ont rejoint la capitale algérienne lundi pour assister au Forum international de l’énergie. Pour cette 15e édition, il ont convenu de tenir en marge une discussion informelle qui pourrait se transformer en « réunion extraordinaire » des pays membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), selon le ministre algérien de l’Energie, Noureddine Boutarfa. Autour de la même table jusqu’à ce mercredi, devaient aussi se retrouver deux grands rivaux — Arabie saoudite et Iran — dont le différend politique avait fait avorter une réunion en avril à Doha, visant à geler ou réduire la production de pétrole pour enrayer la chute des cours. Un baril sous le seuil des 50 dollars a mis l’économie de plusieurs pays dans une situation difficile. Et il est temps, dit-on, de limiter les dégâts. Paradoxalement, ce forum, genre de dialogue entre producteurs et consommateurs d’énergie, a pour thème cette année « la transition énergétique » et voir comment parvenir « un mix énergétique » où l’énergie renouvelable aura sa place. (Lire page 7). L’idée est née dans la foulée de la guerre du Golfe pour répondre aux turbulences dans l’approvisionnement d’or noir. Les projecteurs seront ainsi tournés vers cette réunion du cartel.

Les cours du brut ont immédiatement bondi après que le ministre algérien de l’énergie eut déclaré que « toutes les options étaient possibles pour une réduction de la production de pétrole ou du gel, lors de la réunion ». Cela est intervenu après que les prix eurent chuté de 4 % vendredi. Cependant, le marché du pétrole est encore faible et restera, selon les spécialistes, volatile dans un avenir proche. Les signaux ont, toutefois, été mitigés jusqu’à présent quant à la possibilité d’un accord sur la réduction ou le gel de la production. Selon des sources citées par l’agence Reuters, « l’Arabie saoudite a proposé de réduire la production si l’Iran limite sa propre production cette année, une offre à laquelle Téhéran n’a pas encore répondu. Des pays comme l’Algérie et le Venezuela, qui dépendent en très grande partie de l’exportation de pétrole et de gaz, avec l’Iran qui est de retour sur le marché suite à la levée des sanctions, ont intérêt à faire augmenter les prix et veulent pousser l’Arabie, le plus grand producteur, à réduire sa production », explique Ahmad Qandil, président du programme des études de l’énergie au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « L’Arabie saoudite de son côté, qui passe par une crise économique énorme à cause aussi de sa guerre au Yémen, craint qu’une réduction de sa production ne s’inscrive dans l’intérêt de ses rivaux, notamment l’Iran, et croit que la situation actuelle les poussera à quitter le marché en raison des coûts économiques », ajoute-t-il. « Nous ne sortirons pas de la réunion bredouilles », fait savoir le ministre algérien. Si un accord est conclu, les cours peineront quand même à remonter. Une poussée des cours très attendue dans la seconde moitié de l’année n’a pas réussi à se concrétiser, plaçant dans la confusion les observateurs. Car même si les membres de l’Opep, qui représentent un tiers de la production mondiale de pétrole, parviennent à un consensus, les hors-organisation, comme la Russie, peuvent facilement les remplacer. L’Iraq et la Libyie ont déjà augmenté leur production et le Nigeria compte suivre leurs pas.

C’est d’ailleurs toute une organisation, née dans les années 1960, qui est aujourd’hui remise en question, estime Amr Kamel Hamouda, chercheur dans le domaine de l’énergie. « Son rôle est en perpétuel recul depuis qu’elle a été dominée par des différends politiques ». Selon Qandil, « si les membres de l’Opep parviennent à un accord, il enverront le signe au marché qu’ils parlent d’une seule voix et ceci renforcera leur position ». Un scénario peu probable et qui fait spéculer sur la période post-Opep. Cela à cause des différends politiques mais surtout à l’approche imminente d’un monde sans pétrole.

40 ans avant l’épuisement

Se rapproche-t-on des puits à sec ? La question fait l’objet de plusieurs études et titres de nombreux livres face à la perpétuelle diminution des découvertes des gisements alors que la consommation ne cesse d’augmenter. Une consommation aujourd’hui environ 3 fois supérieures aux découvertes. La moitié des ressources mondiales d’hydrocarbures se trouve dans une région assez instable, le Proche-Orient, et les grandes entreprises pétrolières parlent d’un maximum de 40 ans avant l’épuisement des réserves d’énergies fossiles. « Une école croit à la fin du pétrole, vu que c’est une énergie non renouvelable et une autre croit en son existence encore longtemps surtout que certaines contrées, notamment en Amérique latine, n’ont pas encore été exploitées », estime Hamouda. Selon lui, c’est toute une guerre entre les différents lobbies du pétrole, du gaz naturel, des fervents de l’énergie verts ou encore du gaz de schiste américain qui est en cours. Les nouvelles technologies utilisées pour les découvertes, selon lui, risquent de bouleverser cette prédiction de l’après-pétrole. Se débarrasser du pétrole n’est pas en effet chose facile. Il est partout, dans les transports, le plastique, les vêtements, l’agriculture, mais en parallèle se développe une nouvelle prise de conscience sur le réchauffement climatique né du dioxyde de carbone (CO2) et dont la gravité n’est plus dissimulable. La Conférence de Paris sur le climat (COP21), qui s’est tenue en novembre 2015 et à laquelle ont participé plus de 190 pays, a estimé que « le charbon, le pétrole et le gaz sont les trois plaies du climat : assurant aujourd’hui 80 % de la production mondiale d’énergie primaire, ils sont aussi responsables de 80 % des émissions totales de CO2 ». Et du coût une réduction de leur consommation ne se présente plus comme un luxe. Quelle énergie prendra la relève ? Le nucléaire n’est certes pas très à la mode depuis la catastrophe de Fukushima, au Japon. « Les risques sont majeurs dans une région aux conflits comme la nôtre », affirme Qandil. Les énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, ont besoin pour leur part d’investissements trop élevés par rapport au pétrole, et sont surtout soumises à l’environnement. « Dans notre région pourtant on peut facilement en profiter », estime Qandil. L’équation est difficile. Il faudrait un mix énergétique, mais avant tout une diversification de l’économie », indique-t-il.

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