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L'Iran inquiète le Golfe

Aliaa Al-Korachi, Jeudi, 08 septembre 2016

Les conséquences de l'accord nucléaire ont été immédiates pour la région.

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Le retour du pétrole iranien a provoqué l'instabilité du marché pétrolier international. (Photo : AFP)

Si Téhéran, plus d’un an après la signature de l’accord nucléaire de Vienne, a marqué un certain rappro­chement envers l’Occident, dans la région du Golfe, son chemin reste bloqué. Pour les pétromonarchies, l’Iran post-sanctions représente un danger pour la sécurité du Golfe. Le retour du « gendarme du Golfe », surnom attribué à l’Iran à la fin des années 1960, est la plus grande crainte des pays du Golfe. A l’époque, le retrait des Britanniques a repositionné le Téhéran du Shah en tant que grande puissance montante face à l’Arabie saoudite et l’Iraq. Et ceci, grâce à sa capacité militaire de premier plan et ses fortes relations avec l’Occident, et en particulier les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et même Israël. De plus, l’exploitation des puits de pétrole en était aussi à ses débuts dans la plupart des monarchies du Golfe qui se trouvaient économiquement à la traîne, et « la balance des forces s’inclinait fortement vers Téhéran », comme l’indique Nourhane Al-Cheikh, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Puis le paysage a vite changé et Téhéran a perdu ses privilèges ainsi que son surnom. En 1979, la révolu­tion islamique lancée par Khomeyni vient de renverser le régime du Shah pour le remplacer par un régime isla­mique qui a fait de l’hostilité à l’égard des Etats-Unis, le grand Satan, l’un des piliers principaux de sa politique étrangère.

Selon Malek Awny, directeur de rédaction de la revue Al-Siyassa Al-Dawliya, publiée par Al-Ahram, si l’accord nucléaire a pu considérable­ment limiter la capacité de Téhéran à développer son programme nucléaire, il n’a pas pu apaiser les craintes des pays du Golfe qui concernent d’autres « facteurs de menaces traditionnels », outre le pouvoir atomique de Téhéran, non abordés dans l’accord. Avis par­tagé par Nourhane Al-Cheikh. « Au cours de l’année écoulée, les craintes des monarchies commencent à deve­nir réalité, et les répercussions de l’accord sur la région du Golfe se multiplient notamment sur les plans économique, militaire et politique », dit-elle.

Causes de l’instabilité

Du point de vue économique, comme l’indique Awny, le retour du pétrole iranien sur le marché interna­tional est l'une des causes principales de l’instabilité de ce marché à l’heure actuelle et l’incapacité de l’Opep de prendre la décision de geler la produc­tion pour faire face à la chute des prix du baril. Selon le dernier rapport de l’Opep, la production de l’Arabie saoudite, le plus grand producteur de pétrole, atteignait 10,6 millions de barils par jour en juillet contre 10,2 au premier trimestre. L’Iran, troisième producteur du cartel, suit la même trajectoire en hausse avec 3,6 millions de barils produits en juillet contre 2,7 millions avant l’accord nucléaire de 2015. Téhéran vise les 4 millions.

Par ailleurs, la capacité des mis­siles iraniens, qui a été progressive­ment renforcée au cours de l’année écoulée, est la plus forte des menaces pour la sécurité du Golfe, comme l’explique Awny. « L’année der­nière, l’Iran a effectué 4 tests de missiles de courtes et moyennes por­tées, soit entre 2 000 et 2 500 km. Une fois les sanctions levées, Téhéran a augmenté de façon consi­dérable la portée des missiles. Parmi ces missiles, les plus impor­tants sont Sejil 1 et Sejil 2 et Shehab 1, 2 et 3. Ils inquiètent énormément les pays du Golfe et Israël ». Il ajoute : « L’objectif principal du développement de son programme de missiles est, d’une part, la dis­suasion, et d’autre part, un facteur de chantage pour faire pression sur les pays du Golfe, plutôt que d’amé­liorer une capacité d’offensive effi­cace et réelle de son armement ».

Soutien logistique

Apporter davantage de soutien logistique aux milices chiites dans la région, tout en y renforçant large­ment la présence militaire de Téhéran, préoccupe également au plus haut point les pays du Golfe, comme le note Awny. Le politologue avance l’exemple des Houthis au Yémen. « Le soutien intensif iranien a réussi à transformer les Houthis de milices à presque une armée mili­taire, qui se manifeste en menant une offensive acharnée et ininter­rompue contre la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite », dit-il. Al-Hached Al-Chaabi, les unités de mobilisation populaire iraqienne, renfermant des milices chiites soute­nues et entraînées ouvertement par l’Iran, qui s’imposent avec force sur la scène iraqienne par Téhéran, sont un autre exemple. « Le parlement iraqien vient d’approuver qu’Al-Hached Al-Chaabi est une force parallèle à l’armée iraqienne dans le combat mené contre Daech », dit le politologue. Toutefois, les tenta­tives des pays du Golfe de dévelop­per un système d’intégration mili­taire conjointe face à la montée de la puissance militaire iranienne, restent « lentes et hésitantes », précise Awny.

Du point de vue politique, explique Nourhane, Téhéran a beau­coup renforcé sa position comme acteur principal dans plusieurs dos­siers en poursuivant sa stratégie dans la région motivée par le jeu de la carte sectaire. « Le croissant chiite s’est élargi pour devenir une ceinture, et ce, en apportant un appui décisif au Hezbollah au Liban qui bloque jusqu’à présent l’élec­tion du président, en passant par le régime syrien d’Al-Assad et les minorités chiites dans les pays du Golfe, notamment au Bahreïn, et la région orientale en Arabie saoudite, le gouvernement iraqien et les Houthis au Yémen. Il ne reste que l’Egypte, chose impossible, pour que cette ceinture se transforme en un cercle chiite hermétiquement fermé », dit Nourhane.

Le retour du gendarme du Golfe n’est pas envisageable à l’heure actuelle, puisque Washington a chan­gé de stratégie pour la région. « Washington travaille à créer un état d’équilibre et faiblesse entre les deux puissances régionales, Riyad et Téhéran, de sorte que la région reste dans un état de division permanent. Et sans permettre qu’une partie impose son hégémonie sur la région », conclut Awny.

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